Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Les deux complices de Lili, Simon Buret et Olivier Coursier, reviennent avec Birds in the Storm, second album aux mélancolies toniques, et un partenariat plus blindé que jamais.

« Le fait d’être deux désamorce, protège, donne du recul, rassure. L’amitié nous permet de résister aux pressions. Quand tu vis dans les extrêmes, le stress, la reconnaissance, quand tu te retrouves à l’affiche entre Arcade Fire et Björk, quand tu joues avec un orchestre symphonique, c’est d’autant plus intéressant.  » Le regard du chanteur Simon, 29 ans, brûle d’un sourire qui lui plisse les yeux. Olivier, la trentaine, assis juste à côté de son partenaire musical, n’a même pas besoin d’approuver : ces deux-là sont en symbiose océanique. Les protagonistes d’AaRON nouent une complicité sans vague, du genre à terminer la phrase commencée par l’autre. Sinon, les deux belles gueules – qui tutoient le mètre nonante – semblent avoir grandi depuis notre dernière rencontre, il y a trois ans.

Miracle insoupçonné des hit-parades qui n’ont pas brouillé la tête de ces gros vendeurs : pour leur second opus (après un premier album, Artificial Animals Riding on Neverland, dont AaRON est l’acronyme, écoulé à plus de 300 000 exemplaires), la paire s’est à nouveau enfermée dans le home studio d’Olivier. Pression ?  » Au tout début de la conception du disque, le patron du label nous a dit qu’il attendrait le temps qu’il faudrait, même si c’était pour une livraison en 2012 . On a donc travaillé dans une liberté extrême, sans s’entourer de superstars de la production et claquer des budgets fous.  »

De cette fière indépendance est né Birds in the Storm, dont Simon, le plus bavard des deux, précise le genre :  » Le premier disque évoquait une route qui défile, celui-ci est comme une journée qui se déroule du lever du soleil à la tombée de la nuit.  » Demander une explication sur la genèse des dix chansons, c’est essayer d’analyser ce spleen gourmand qui creuse la mélodie jusqu’au dépouillement quasi blues ( Waiting for the Wind to Come). L’ensemble tutoie constamment l’intime. Simon grimpe un degré de plus dans l’éraillement de la voix et les claviers d’Olivier viennent la bercer d’hymnes amniotiques : ensemble donc, toujours. Olivier :  » On croit beaucoup à l’instinct, aux sensations, on ne se parle pas en La mineur.  »

À l’évocation du communiqué de presse du label parlant de disque viscontien, les deux se disent flattés même si la comparaison entre le metteur en scène italien de Mort à Venise (1971) et AaRON n’est pas flagrante. Reste la sensation que leur musique nettoie aussi les poussières de la grandeur, ce qu’ils nomment la  » réalité onirique « . La question à 10 euros est de savoir d’où viennent ces chansons nues et offertes ( Ludlow, Song for Ever) qui, plus rarement, revêtent des habits pop ( Seeds of Gold) ? Peut-être de l’adolescence de Simon qui n’aimait rien tant que marcher dans Paris la nuit. Et graffiter la journée. Sans doute aussi des mornes dimanches après-midi d’Olivier, trompant l’ennui banlieusard, en enfourchant son skate. En tout cas, ils en ont bâti une amitié jeune de cinq ans et un groupe atypique, français et anglophone, célèbre pour un U-Turn ( Lili) plébiscité au cinéma en 2006-2007 (dans Je vais bien, ne t’en fais pas).

Olivier et Simon adorent aussi la  » communion  » des concerts.  » On y reçoit autant qu’on y donne. Quand je les voyais en live, des artistes me retournaient la tête mais je ne me rendais pas compte de ce que c’était vraiment d’être en scène « , explique Simon. Vu l’accueil du public – leur Cirque royal est déjà complet – et la qualité de la musique, cela devrait se prolonger un bout de tempsà

CD Birds in the Storm, chez Pias, concerts le 5 novembre prochain au Cirque royal, à Bruxelles (complet) et le 1er avril 2011 à Forest-National, www.forestnational.be

Philippe Cornet

On croit beaucoup à l’instinct, aux sensations, on ne se parle pas en La mineur.

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