La fabuleuse histoire de Nooror Somany, la reine de la cuisine thaïe, commence dans un petit village à l’est de Bangkok. Le Vif Weekend l’y a retrouvée en compagnie de sa sour Sompit, son premier prof.

Nooror Somany arrive de Bangkok, en jeans fashion et tablier blanc. Elle a quitté une heure plus tôt la capitale thaïlandaise, laissant dans les mains de ses collaborateurs le restaurant et l’école de cuisine du Blue Elephant installés dans un des plus beaux bâtiments de la ville, le Thai Chine Building, construit en 1903. Cadette de huit gosses, elle a passé toute son enfance dans ce village de la province de Chachoengsao qu’elle a quitté à l’âge de 17 ans, alors qu’il  » n’y avait pas encore de route et que l’on se déplaçait en barque « . Ici, les femmes portent un foulard dont la couleur turquoise met en évidence la beauté des traits.  » La famille de ma mère était bouddhiste, celle de mon père musulmane. À la différence du sud de la Thaïlande où les prescrits de la religion sont beaucoup plus respectés, les femmes de notre région ont la possibilité de choisir leur manière de vivre. De plus, mon père a toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit. C’est ainsi que j’ai fait mes études dans la meilleure école du village qui était d’obédience bouddhiste. « 

 » Nooror était une excellente élève, souligne sa s£ur Sompit. À l’âge de 10 ans, elle parlait déjà anglais.  » Mais l’accès à l’éducation ne signifie pas qu’on échappe aux règles en cours, spécialement à la campagne.  » Les filles, rappelle Nooror, devaient s’occuper de la maison, nettoyer, ranger, avant d’aller à l’école. Pour ma mère, une femme devait être à même de satisfaire la gourmandise de son mari, être une bonne cuisinière. C’est ainsi que j’ai appris à cuisiner avec ma s£ur Sompit. En ce temps-là, comme maman, elle vendait de la nourriture dans la rue, notamment le fameux massaman curry, massaman signifiant musulman. Elle confectionnait ainsi l’équivalent de 500 repas. « 

Nooror retrouve avec joie sa s£ur et les spécialités culinaires de celle-ci. Autant que les plats, ce sont les gestes qui fascinent. Alors que le lait de coco se vend en boîtes partout dans le pays, Sompit, équipée d’un instrument adéquat, râpe la chair des noix de coco mûres et, selon la concentration qu’elle souhaite, presse la matière obtenue, en y ajoutant, au besoin, de l’eau. Et quand Nooror reprend le chemin de Bangkok, Sompit se souvient avec émotion du départ de sa petite s£ur vers l’Europe.  » Un de nos frères était installé à Bruxelles. Elle l’a rejoint pour entreprendre des études de kinésithérapeute. Afin de subvenir à leurs besoins, tous deux cuisinaient pour des particuliers.  » L’un d’entre eux, l’antiquaire bruxellois Karl Steppé, prend toute la mesure du talent de Nooror. C’est ainsi que naît à Bruxelles, à l’automne 1981, le concept de Blue Elephant proposant une cuisine thaïlandaise raffinée et élégante, saine de surcroît. Une dizaine d’autres restaurants ont suivi l’ouverture de l’enseigne uccloise, dont deux en Thaïlande. Blue Elephant a connu entre-temps plusieurs diversifications, inaugurant des écoles de cuisine et développant en Belgique et en Thaïlande des unités de production d’ingrédients et de plats préparés. Une success-story savoureuse.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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