L’élégant guitariste et chanteur au style manouche ne cultive qu’une certitude : n’en avoir aucune. Rencontre sans chichis avec un garçon qui coule de source. Sa prochaine date de concert est pour Bruxelles.

Rendez-vous est pris dans un bistrot parisien pur jus avec zinc assorti, andouillettes du jour et chaises Thonet en accompagnement. Bref, le décor de circonstance pour rencontrer Thomas Dutronc, 38 ans, chanteur détendu et sans prétention, voire franchement rigolard. En dépit de ses disques d’or, de platine et autres métaux précieux (700 000 ventes cumulées sur ses deux premiers albums) et une tournée sold out qui passe par Bruxelles dans quelques jours (*), le fils de Jacques D. et Françoise H. a le triomphe modeste. Question d’ADN paternel sans doute… Comme dans Les trompettes de la renommée entonnées par Brassens, Thomas dit de ses chansons à succès : «  » Si le public en veut, je les sors dare-dare, s’il n’en veut pas je les remets dans ma guitare « … Je cite souvent Brassens, c’est mon seul maître à penser « .

Thomas Dutronc n’avait rien programmé jure-t-il, juste le désir d’être soi-même, sans se presser et sans coller aux modes.  » À 17 ans, ma seule certitude était que je ne ferais pas un boulot normal, genre comptable. À part ça… Je me suis laissé guider par l’amour de la guitare et du jazz sans réfléchir à savoir si c’était branché ou non « , affirme-t-il devant un café crème, fraîchement remis d’une soirée bien arrosée entre copains.  » J’ai suivi mon chemin sans me poser trop de questions. « 

À 30 ans passés, après avoir fait ses gammes dans les bars, les clubs, et deux trois musiques de film passées inaperçues, il sent qu’il  » doit se bouger un peu « . Ce sera l’album Comme un manouche sans guitare (2007). Gros succès public en forme d’hommage à Django Reinhardt, son infatigable compagnon de route dont les accords sautillants lui servent même de sonnerie de téléphone portable. Le jazz manouche, mélange d’élégance et d’insouciance, lui va comme un gant. Chez Thomas Dutronc, tout coule de source. Nulle rébellion ni résilience en vue. Une enfance sans contraintes ni souci matériel au c£ur d’une grande maison familiale dans un quartier chic de Paris. Deux étages pour lui tout seul avec salle de projection privée bien avant le home cinéma…  » J’ai toujours eu des goûts de luxe, confie-t-il. Quand j »étais môme, mes parents me surnommaient Thomasus Dutrocus, tyrannique comme un empereur romain …  » Le syndrome de l’enfant unique ?  » Je devais avoir 5 ans quand ma mère m’a demandé si je voulais un petit frère ou une petite s£ur. J’ai décliné. Je voulais être le seul à recevoir les cadeaux et les câlins !  »

Ado sans histoire, il est  » le mec raisonnable de la bande. Au pire, il m’arrivait de boire quelques bières ! Mes parents m’ont toujours fait confiance, du moment que j’étais bon à l’école, j’étais libre… C’est un peu comme si j’étais leur copain. Même tout petit, je participais à tous les dîners d’adultes jusqu’à pas d’heure. Aujourd’hui, je m’étonne de voir mes amis coucher leurs gamins à l’heure de l’apéro ! « 

On voudrait bien passer sur la généalogie un peu encombrante du chanteur dont les ressemblances avec son père sont troublantes mais comment contourner l’évidence ? Même regard bleu délavé, mêmes intonations vocales, même goût du calembour, implantation capillaire à l’identique. Et que dire de ce sourire narquois ? Et de ce charmant dilettantisme, quasi génétique ? Lui aussi, le fils, prétend ne pas être un gros bosseur.  » Je préfère regarder une bonne série américaine produite par la HBO que de bosser la guitare. Heureusement, il y a les tournées, là on se rattrape !  » Fan de la série En Analyse, il a goûté sans conviction aux plateaux de cinéma.  » Je ne cours pas après. Je préférerais faire de la lutherie pendant deux mois que de tourner un film. Mais tout dépend de la rencontre. Si Alain Chabat ou Jaco Van Dormael, avec qui j’ai fait une pub, me propose un rôle, j’y vais les yeux fermés.  » Quant au cinéma intello à la Godard, très peu pour lui. La politique lui inspire la même méfiance.  » Mourir pour des idées ? Oui, mais de mort lente.  » Brassens encore.

Au Cirque Royal, ce 20 janvier, à 20 heures. www.cirque-royal.org

PAR ANTOINE MORENO

 » BRASSENS, C’EST MON SEUL MAÎTRE À PENSER. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content