Gioia Seghers n’est pas une inconnue, loin de là. En 2012, elle remportait le Weekend Fashion Award. Aujourd’hui, elle fait ses débuts avec un défilé dans un musée et un vestiaire complet, vingt-huit pièces admirables qui vénèrent l’ennoblissement. Bienvenue dans son univers.

C’était il y a deux ans, Gioia Seghers avait bluffé le jury pour  » son sens de la couture et sa manière originale et contrastée de marier les étoffes « . Rosissante, elle tenait serré contre elle un bouquet de fleurs, elle venait de remporter notre Weekend Fashion Award 2012. Le futur lui souriait. Depuis, il s’en est passé des (jolies) choses, elle a réalisé plus d’un rêve : arpenter le grand Nord, travailler encore la dentelle, lancer sa collection à son nom. Son automne-hiver consacre ses débuts prometteurs, à 26 ans, l’ex-étudiante de La Cambre mode(s) a trouvé sa grammaire. Avec délicatesse, son vestiaire oppose le fragile et le rigide tandis que ses oeillets montent, impressionnants, à l’assaut de ses robes légères qui font parfois de parfaites tenues de mariées. Avec Gioia, on n’est jamais loin des ouvrages d’aiguille d’antan, elle avoue, elle a toujours aimé ça, la minutie, le temps passé à tirer le fil, la main qui répète le geste à l’infini, l’ennoblissement. Le 8 novembre prochain, elle défilera place des Mantilles, au musée des Dentelles et Broderies de Caudry, en France, qui entend servir de  » tremplin pour la jeune création  » et la soutient depuis longtemps. Les fées se sont bel et bien penchées sur le berceau de Gioia-la joie.

Défilé de Gioia Seghers, le 8 novembre prochain, au musée des Dentelles et Broderies de Caudry, dans le cadre de l’exposition Dentelles de demain, technologies innovantes, www.musee-dentelle.caudry.fr Jusqu’au 24 janvier prochain.

 » Mes parents.

Ma mère (1.) ne s’est pas mariée en blanc mais en tailleur en laine à la commune et en pantalon rose et chemise en soie à l’église. Elle n’est pas du tout conventionnelle. Dans sa garde-robe, il y a surtout des marques italiennes, de grande qualité, avec de belles finitions. L’amour du vêtement me vient d’elle et de ma grand-mère Eugenia (3.), qui était très raffinée et élégante. C’est elle qui m’a appris à tricoter. En 1999, j’avais 11 ans, c’était les vacances et sur la plage de Riccione (2.), j’ai commencé à tricoter et à crocheter des petits chapeaux. Très naturellement, vers 15 ans, j’ai appris à coudre. Ma mère a vite compris que c’était la direction que je voulais prendre, elle m’a toujours encouragée. Et mon père aussi – récemment, il m’a rappelé que je lui avais annoncé : « Je veux faire de la mode, je ne gagnerai pas d’argent mais au moins, je ferai ce qui me plaît… »  »

 » Ma soeur Giada

 » Ma soeur Giada. Elle porte un manteau en laine et fausse fourrure que j’avais réalisé pour un défilé à l’école européenne. J’avais fait une petite collection, trois pièces, et des photos avec elle. J’étais super excitée lors de ce premier show, c’était un beau moment, les gens étaient emballés. Un camarade de classe a acheté l’une de mes robes pour l’offrir à sa copine, c’était la première pièce que je vendais, c’était touchant.  »

Le show de La Cambre

 » Le show de La Cambre, le 6 Juin 2012.

C’était le deuxième soir, on m’avait conseillé d’aller voir mon défilé parce que c’était vraiment beau, j’ai laissé mes copines lancer les filles et vérifier si tout était OK, et je l’ai regardé discretos, c’était unique, magique. Souvent dans le stress, on ne pense pas à en profiter, je suis heureuse d’avoir pu le faire.  »

Mes grigris

Cette poupée en hermine et ce coeur m’ont été offerts lorsque je travaillais sur ma collection de fin d’année à La Cambre mode(s). Je m’étais inspirée des bonnes soeurs, j’étais allée les voir pour qu’elles me fournissent des infos sur leurs uniformes et des pièces de leur vestiaire… Et l’une d’entre elles m’a mis cette médaille dans la main, elle n’avait rien d’autre à me donner, cela m’a touchée, j’ai glissé des petits mots à l’intérieur, ce coeur n’est jamais loin de mon atelier. Quant à la poupée, c’est un cadeau d’un monsieur qui me soutient énormément et qui vend des tissus. Elle appartenait à une femme Inuit, il me l’a cédée en m’assurant qu’elle me porterait bonheur. « 

Une carte de l’Islande

 » Une carte de l’Islande, avec une pierre et une plante ramenées de là-bas et mon carnet de notes. Après m’être inspirée des glaciers, du grand Nord, des Inuits pour ma dernière collection d’étudiante, j’avais envie de pouvoir m’en rapprocher au plus près. La biographie de Jean Malaurie (NDLR : ethno historien et écrivain français) résume toute ma passion, je ne sais pas d’où elle me vient, cela a démarré en deuxième année à La Cambre, quand il a fallu choisir une couleur, j’ai opté pour le bleu glacier, j’ai alors découvert l’Arctique et j’ai été fascinée, ses paysages me sont restés en tête. « 

L’automne-hiver 14-15

L’oeillet et le ruban ondulé font partie de ma marque, j’aime le travail fait main qui prend du temps, si je n’avais plus cela dans mes collections, cela me frustrerait, même si je sais que c’est plus compliqué à produire… Poser des oeillets demande de la force. Les petits, j’arrive à les mettre moi-même ; mais les grands, c’est mon copain qui s’en occupe, merci Adrien. « 

Mes bijoux

Je n’en ai pas beaucoup, je les porte tout le temps et j’alterne, je suis assez fidèle. Ce sont des bijoux de ma mère, de ma grand-mère, des cadeaux de mon copain, une bague ramenée d’Indonésie, un bracelet et une paire de boucles d’oreilles du label Espèces, on a fait un échange, elle a choisi un bomber dans ma collection et moi, cette petite dent de requin déclinée.  »

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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