Au sein du très branché Shepherd Market dans Mayfair à Londres, rencontre exclusive avec le créateur britannique Matthew Williamson, directeur artistique de Pucci. Un couturier qui a érigé le style en philosophie.

Propos recueillis par Agnès Trémoulet

« Puis-je travailler pour vous ? « , avait-il naïvement écrit à Christian Lacroix qu’il admirait lorsqu’il était plus jeune. Son courrier était resté sans réponse. Ironie du sort, il y a trois saisons, Matthew Williamson remplaçait le grand couturier français à la direction artistique de la marque italienne Pucci. Le créateur londonien, adepte de la couleur et de l’imprimé, qui compte dans sa clientèle Madonna, Keira Knightley, Kate Hudson, Mischa Barton, Sienna Miller, Helena Christensen et Demi Moore, semblait, en effet, tout désigné. Et a prouvé, au fil des saisons, qu’il savait jouer avec les codes de la maison. Pour la collection Pucci automne-hiver 07-08, présentée en février dernier à Milan, la troisième qu’il signe pour la marque italienne, Williamson réinvente le vocabulaire Pucci en déclinant les couleurs acidulées telles le orange vif, le bleu canard ou le rose bonbon, et en introduisant du violet ou du jaune curry sur des tailleurs pantalons en velours frappé, des blousons patchwork à l’allure bohémienne chic, des fourrures en agneau de Mongolie, des robes au fameux imprimé portées sur des sous-pulls, de la grosse maille accessoirisée de bonnets. Bref, le créateur britannique livre une collection tonique et moderne, aux lignes très largement inspirées des sixties.

Né à Chorlton, dans la région de Manchester, diplômé du Central Saint Martins College de Londres, Matthew Williamson, qui créait il y a dix ans à Londres sa propre marque, aujourd’hui présentée à New York, partage sa vie entre ses bureaux londoniens de Shepherd Market dans Mayfair et Florence et Bologne, respectivement au siège et dans les studios de Pucci. Ce trentenaire branché compte pour amies Kate Moss et Jade Jagger avec laquelle il lui arrive de partager quelques moments privilégiés à Ibiza.

Parmi ses projets, une quatrième saison très prometteuse pour Pucci, l’ouverture d’une boutique Matthew Williamson à New York pour 2008, ainsi qu’une rétrospective marquant dix ans de sa marque au Design Museum à Londres dès le 17 octobre prochain, qui abordera les thèmes chers au créateur. Des robes emblématiques signées par le couturier pour Sienna Miller, Keira Knightley, Mischa Barton et Kilie Minogue seront également présentées ainsi qu’une vidéo sur la vie d’une collection  » behind the scenes  » (1). Pour célébrer cet anniversaire, dix ans après le show londonien  » Electric Angels  » qui avait marqué les esprits pour avoir mis en scène Kate Moss, Jade Jagger et Helena Christensen, Matthew Williamson revient dans la capitale britannique pour un  » one shot  » le 19 septembre prochain, suivi d’une soirée exceptionnelle qui réunira ses stars fans.

Matthew Williamson, aussi chaleureux que les couleurs de sa palette, nous a reçu dans son showroom londonien. Un moment privilégié pour recueillir, au creux d’une grand fauteuil orange provenant du Rajasthan, les confidences d’un jeune designer bien dans l’air du temps.

Weekend Le Vif/L’Express : Il vous a fallu deux saisons pour trouver vos marques chez Pucci. Il semblerait qu’avec cette collection automne-hiver 07-08, la troisième, vous soyez désormais parfaitement à l’aise.

Matthew Williamson : Effectivement, j’ai été nommé Directeur de la création et un mois après, je dessinais ma première collection pour Pucci. Je n’étais pas très satisfait de ce premier cru. Mon travail, c’est un voyage, une exploration des archives, j’essaie à chaque saison de m’améliorer. Pour la collection de l’été prochain, ma quatrième, je pense que c’est encore plus clair. J’en suis très satisfait. Cela prend un peu de temps de s’imprégner d’une marque.

Cela n’a-t-il pas été trop impressionnant de succéder à Christian Lacroix à la direction artistique de Pucci ?

Lorsque j’étais plus jeune, j’admirais beaucoup ce couturier. Non, ce n’est pas impressionnant, je me sens à la bonne place chez Pucci. Tout me paraît naturel : les couleurs, l’imprimé, l’histoire de la maison, la définition de la féminité. Je suis très heureux à la direction artistique de cette maison.

Comment avez-vous intégré les codes de la maison tout en les modernisant ?

Je souhaite satisfaire la nouvelle génération de jeunes femmes qui vivent en France, en Italie, en Grande-Bretagne et que des filles cool et stylées aient envie spontanément de porter du Pucci. En même temps, je ne peux pas non plus décevoir la cliente fidèle de Pucci. Celle-ci n’est pas forcément une fashion victim mais une femme qui adore Pucci, pour laquelle la marque représente la Dolce Vita, la jet-set. Cette femme-là se sent fabuleuse en Pucci. Le challenge d’un directeur artistique, c’est de couvrir tous les marchés à la fois. Mon défi est d’amener une nouvelle vie à cette maison, une nouvelle fraîcheur, de la rendre moderne et sexy.

Qu’est-ce qui a fait le succès de l’imprimé Pucci ?

Emilio Pucci était un champion de ski et un pilote hors pair, il adorait voyager et était fasciné par la vitesse. Lorsqu’il a commencé à dessiner cet imprimé, il voulait représenter la vitesse. Cet imprimé, que nous définissons au premier abord comme psychédélique, est en réalité très travaillé. Il y a tout un système derrière. La forme bouge à travers le tissu dessinant un effet de spirale. Il l’avait construit suivant le même processus qu’un ingénieur avec une précision et une rigueur extrêmes.

Reprenez-vous l’imprimé Pucci tel quel ?

Je le redessine à chaque fois tout en respectant le graphisme initial. Je l’interprète en plus petit ou en plus grand. Et chaque fois, je le soumets à Laudomia Pucci, la fille d’Emilio, qui me laisse une grande liberté. L’imprimé était ma matière lorsque j’étais étudiant au Central Saint Martins College.

Employez-vous une méthode identique pour le travail des couleurs Pucci ?

Je dispose d’une boîte de cinq cents couleurs, chacune représente un élément de la nature : le rose des bougainvilliers, le bleu du ciel en Italie, de l’eau de mer, la couleur des fruits de Capri, etc. Les couleurs Pucci sont le bleu canard, le violet, le rose. Je n’ai pas vraiment besoin d’en rajouter. Je travaille la couleur comme une échappatoire, une évasion, comme quelqu’un qui en a manqué peut-être. J’ai en effet passé mon enfance sous le ciel gris du Nord de l’Angleterre. Les voyages aussi m’inspirent beaucoup : l’Inde, Ibiza…

A quel type de femme songez-vous quand vous dessinez du Matthew Williamson ?

Je n’ai pas de muse à proprement parler mais je pense à des femmes qui voyagent et qui ont une histoire, que les couleurs et les imprimés n’effraient pas. Il y a un certain glamour bohémien dans mes vêtements. La femme Matthew Willliamson est sûre d’elle, elle veut être remarquée, elle est sexy. Le style réside à l’intérieur des gens. J’adore les personnes qui ont du style. Je crois que nous voulons tous être admirés et aimés. Alors nous essayons de déployer cette énergie positive, de nous faire du bien avec le vêtement, nous montrons à l’extérieur ce que nous avons à l’intérieur et ainsi nous racontons une histoire.

Vous comptez parmi vos amies Kate Moss et Jade Jagger. Qu’est-ce qui fait le style d’une fille comme Kate Moss selon vous ?

Les personnes les plus stylées ont compris qu’en matière vestimentaire, il y a une formule qui leur réussit. Kate Moss s’en tient à quelques éléments qui fonctionnent bien pour elle, et en même temps, elle les réinterprète et les rend intéressants. C’est cela avoir du style, composer avec ce qui vous convient.

Propos recueillis par Agnès Trémoulet

(1) Matthew Williamson, 10 years in Fashion, du 17 octobre 2007 au 31 janvier 2008, au Design Museum, Shad Thames, London SE1 2YD.

Internet : www.designmuseum.org

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