À l’heure des reflex numériques en mode  » rafale  » généralisé, la figure d’Eadweard Muybrigde (1830-1904) apparaît d’autant plus comme un jalon indispensable dans l’aventure de la représentation réaliste du mouvement. Si la décomposition de ce dernier nous est aujourd’hui familière, au début du XIXe siècle, qui vit naître cet expérimentateur bri-tannique à la fois génial et un peu maboul (après un accident grave il perdit la vue, l’odorat, le goût et… voyait double), la photographie n’en est qu’à ses premiers pas. Le fameux instantané n’évoque alors rien à personne – en 1839, date d’invention du daguerréotype, il faut compter une demi-heure de temps de pause ! Autant dire que les premières chronophotographies du sieur Muybridge, représentant, grâce à une machinerie complexe, les nuances du mouvement humain et animal, feront date et sensation. Auprès de la communauté scientifique de l’époque, piquée  » d’inventionnite « , bien sûr, mais aussi auprès des artistes, qui jusqu’alors s’en tenaient à leur propre idée du mouvement pour le représenter. L’exemple que l’on cite le plus souvent pour évoquer les trouvailles de Muybridge est celui du cheval au galop, dont on n’imaginait pas une minute qu’il décollait sur quatre sabots pendant une fraction de seconde. Avant cette révélation, un nombre incalculable de tableaux montre des équidés peints dans une course, vue d’aujourd’hui, totalement invraisemblable. C’est à ce pionnier, également considéré comme un précurseur du cinéma, que les éditions Taschen ont l’excellente idée de rendre hommage à la faveur d’une somme retraçant ses recherches et, surtout, rassemblant sur près de 800 pages l’intégralité des planches d’ Animal Locomotion, son ouvrage phare, datant de 1887, ainsi que la reproduction en fac-similé de The Attitudes of Animal in Motion (1881), son premier album illustré. Si l’ouvrage excitera au plus haut point les férus d’histoire de la photo, il ne se limitera pas au cénacle. Lors de ses expériences, Muybridge a en effet immortalisé des centaines d’hommes et de femmes marchant, courant, s’adonnant à la boxe, à l’escrime, ou descendant un escalier (série qui inspira par ailleurs, l’iconique Nu descendant l’escalier (1912) de Marcel Duchamp). Cette galerie de personnages délicieusement surannée suffit à elle seule à donner toute sa saveur au feuilletage de cet objet fascinant et plein de charme.

Eadweard Muybridge, The Human and Animal Locomotion Photographs, texte de Hans Christian Adam, Taschen, 804 pages

(édition multilingue : anglais, allemand, français).

BAUDOUIN GALLER

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