L’artiste

David LaChapelle est né en 1963 à Fairfield dans le Connecticut. Il vit et travaille aujourd’hui à Los Angeles, une ville en tous points raccord avec l’univers glamour et monstrueux que cet hyperphotographe construit depuis plus de vingt ans. Repéré au début des eighties à New York par Andy Warhol, qui lui commissionne une série de photos de nus pour le magazine Interview, LaChapelle est séduit par le potentiel subversif et féroce du pop art. Une distance pleine d’ironie qu’il ne perd jamais de vue, quand bien même il shoote les icônes de la culture populaire US pour le compte des bibles du genre, de Vogue à Vanity Fair. Ou quand il endosse son rôle de pubeux au service de la junk marchandise, de H&M à Burger King. Sans volonté traître de miner le système de l’intérieur, il n’en constate pas moins la décadence toute romaine. Son style : baroque, criard, vulgaire, au carrefour du porno chic et du style pompier en vogue dans les académies de peinture à la fin du xixe siècle. Ses modèles : le haut du star-system, de Madonna à David Beckham en passant par l’artiste Jeff Koons avec qui il partage le goût du kitsch et de la citation postmoderne. Ces dernières années, son £uvre est en effet traversée de poncifs de l’histoire de l’art, des thèmes bibliques aux mythes profanes détournés à la sauce Big Mac.

L’expo

L’exposition Eden fait suite à Deluge (2007) , relecture de l’£uvre éponyme de Michel-Ange à l’aune de notre époque tourmentée. Ici, comme le titre de l’expo l’indique, le photographe met en scène son désir de paradis, son espoir d’un monde meilleur, malgré l’affliction que lui causent  » les grandes tempêtes politico-spirituelles  » (sic). Du coup, avec une ironie non dissimulée et un art consommé du mauvais goût, il nous enjoint à garder la foi au c£ur du chaos. Foi en la tolérance et au respect de l’orientation sexuelle de chacun – lui-même est homosexuel. S’y oppose un détournement gay du thème d’Adam et Eve pas encore chassés du paradis à une photographie à charge contre l’Église anti-capote. Le blasphème est lourd : un ponte à mitre surmonte un monceau de cadavres évoquant à la fois Le Radeau de la Méduse et les camps d’extermination nazis. étrange et volontairement provocante, la série propose par ailleurs quelques clichés d’un sosie de Michaël Jackson, hommage de LaChapelle à ce  » martyre des Temps modernes « . Sur fond d’une esthétique surannée évoquant les cartes mexicaines de saints, MJ rejoue le rôle du Christ affalé sur une pietà au look deà Jésus (oui, c’est tordu). Victimisation à l’extrême d’un roi de la pop qu’on retrouve aussi accoutré d’ailes duveteuses dans le dos, terrassant le diable, tel un archange, sauveur improbable et incompris d’une humanité en perdition. Face à de tels sommets de kitsch, on ne sait plus très bien si l’on navigue dans le délicieusement laid ou le simplement moche. Un comble de désorientation. Qui pourrait finalement bien être la marque de fabrique de cet enfant de l’entre-deux-siècles.

Eden, nouvelles photographies de David LaChapelle, à la galerie Alain Noirhomme, 17, rue de la Régence, à 1000 Bruxelles. Jusqu’au 22 mai prochain. www.alain-noirhomme.com

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

Baudouin Galler

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