Pol Grégoire, le père de l’alimentation vive, revient à l’avant-plan. Au moment où l’époque s’inquiète plus que jamais de ce qu’elle ingurgite, son approche interpelle. Il expose son concept et, passant de la théorie à la pratique, livre au Vif Weekend trois recettes exclusives.

 » Manger les produits tels que la nature les a conçus !  » Plus qu’un credo, Pol Grégoire en a fait un mantra qu’il répète à qui veut l’entendre. C’est que pour cet ancien chef  » éc£uré tant par la surenchère à l’£uvre dans le secteur de la restauration que par le vide nutritionnel caractérisant les produits de l’industrie agro-alimentaire « , se nourrir n’a rien d’innocent. Cet autodidacte élevé au bon grain – il est issu d’une famille de fermiers – l’affirme haut et fort :  » s’alimenter est devenu aujourd’hui un acte politique.  » Un geste crucial dans lequel on met en jeu son rapport à soi, aux autres et au monde.

Pol Grégoire a refusé de subir le contenu de son assiette. Après avoir fait le tour des ouvrages sur la question, il s’est forgé sa propre théorie.  » Je me suis passionné pour l’alimentation vivante, ce que les Anglo-Saxons appellent le living food, mais également pour le cru, ou raw food.  » À partir de cette masse d’informations, il opère une synthèse qu’il baptise alimentation vive afin de marquer le distinguo.  » Les principes du living food sont géniaux mais tels qu’ils étaient envisagés, ils menaient à une désocialisation de ceux qui y souscrivaient. En ce sens, l’alimentation vive se veut un cadre idéal pour une alimentation gastronomique saine, réaliste et réalisable au XXIe siècle. « 

UNE NOUVELLE GASTRONOMIE

L’alimentation vive repose sur un constat formulé sans appel : l’homme intervient de façon intempestive sur la nourriture. À coups de cuissons mal adaptées et de transformations productivistes, il dénature les produits. Résultat ? Il en perd la force nutritive : la prolifération des cancers et de l’obésité en est une preuve, selon Pol Grégoire.  » La nourriture est devenue morbide, elle est un poison qui nous tue à petit feu, nous creusons notre tombe avec les dents « , ajoute-t-il avant de préciser que  » dès qu’on s’éloigne des aliments tels que la nature les a conçus, le corps s’épuise à métaboliser « .

Pol Grégoire n’hésite pas à donner dans le J’accuse :  » les critères actuels pour la nourriture sont quantitatifs, jamais qualitatifs. On les doit au lobbying puissant de l’agro-alimentaire et de l’industrie pharmaceutique. Quand je mange du porc industriel, il faut savoir que j’engraisse ces deux protagonistes. Il faut se poser la question : est-ce monde-là dont je veux, dans lequel le vivant – nature et animaux – est soumis au seul profit ? « . La riposte possible ?  » La prise de conscience à travers l’information. Chacun doit faire ce travail et changer le paradigme alimentaire par le biais de son pouvoir d’achat… C’est la seule façon d’être entendu.  »

Pour retrouver tout le potentiel des nutriments, Pol Grégoire prône le cru et les cuissons à basse température.  » Une journée alimentaire se compose idéalement de 70 % à 80 % d’aliments crus et de 20 % à 30 % d’aliments cuits… avec un apport facultatif de protéines animales une fois par jour.  » Extrêmement volontaire, il fait de son corps le premier laboratoire. Pendant un an et demi, il ne s’est nourri que d’aliments crus : une expérience qui lui a permis d’apprécier, souligne-t-il, la fantastique vitalité de cette approche nutritive. Le savoir qu’il a acquis, il s’est donné pour mission de le propager, sûr d’enclencher là un cercle vertueux.  » Quiconque se nourrit de manière appropriée se met dans les meilleures conditions, sérénité et ouverture, pour faire le bien autour de lui, en revanche manger des denrées industrielles contribue à la prolifération d’un monde violent et négatif « , martèle le père de l’alimentation vive.

ÉQUILIBRE DES SAVEURS

Afin de diffuser son approche, Pol Grégoire a signé plusieurs livres. Parmi ceux-ci, Vitalité gourmande, en collaboration avec Françoise De Keuleneer et Jean-Pierre Gabriel, paru il y a huit ans aux éditions Françoise Blouard, rencontre un succès qui ne se dément pas – 10 000 exemplaires vendus pour ce produit de niche. Depuis le temps qu’il défend cette vision de l’alimentation, Pol Grégoire s’est constitué un public de fidèles qui le suivent de près notamment par le biais très prisé des cours de cuisine qu’il donne chez lui, à Ittre. Serait-il une sorte de gourou ? Pas vraiment, l’homme s’en tient à la seule question de la nourriture, le reste étant du ressort de la conscience de chacun. S’il possède tant de  » followers « , c’est pour une raison bien précise : sa contribution à la nourriture-santé se profile dans le sens du goût. À mille lieues de la cuisine macrobiotique, les recettes de Pol Grégoire sont reconnaissables par leur remarquable sapidité qui les hisse au niveau de celles proposées par les plus grandes adresses gastronomiques du pays. Pour lui, il est impossible de se faire du bien si ce que l’on ingurgite tient de la punition. Raison pour laquelle toutes ses préparations reposent sur un subtil équilibre – dosé de façon optimale – des cinq saveurs : sucré, salé, piquant, amertume et acidité.

Fort de ses convictions, Pol Grégoire sort aujourd’hui un coffret de 2 DVD en forme de  » 360° sur l’alimentation vive « . Avec 6 heures de film – retenues sur 600 heures de rushes – ainsi que des fiches cuisine, ce tribut se veut une porte d’entrée vivante à la révolution nutritionnelle prônée par ce cuisinier devenu résistant. Réalisé par le cinéaste Julien Basset au format reportage, il permet aussi de mieux comprendre son cheminement intellectuel.  » En le visionnant, on comprend que l’alimentation vive n’est pas seulement une pratique alimentaire, c’est être curieux du monde qui nous entoure, profiter de la richesse extraordinaire de la nature, vivre en harmonie avec notre corps et ses besoins… mais aussi avec le monde.  » Pour faire mieux goûter son approche, Pol Grégoire livre trois recettes sous forme de menu, air du temps oblige. On notera toutefois qu’il affiche une nette préférence pour les plats uniques qui sont pour lui plus simples à préparer et à digérer. Et le dessert ? La réponse tombe comme un couperet,  » l’une des plus grandes aberrations alimentaires de notre époque « .

www.polgregoiredvd.be

PAR MICHEL VERLINDEN

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