Serait-ce le plus beau métier du monde ? Boire aux frais de la princesse et commander des crus par camions entiers. Les supermarchés attendent cependant plus de leurs acheteurs de vins. Leur mission : rechercher la meilleure qualité au prix le plus serré.

Chaque jeudi, de 13 à 18 heures, c’est le même rituel. Benoît Couderé, acheteur en vins pour les grandes surfaces Carrefour, rejoint son bureau pour se servir un verre, et bien plus… Pour Alain Pardoms et Eric Van Rysselberghe, ses confrères employés par Delhaize et Colruyt, boire pendant le service fait également partie des routines hebdomadaires.  » N’y voyez là rien de romantique, prévient ce dernier. Nous devons en goûter tellement qu’il vaut mieux procéder de manière méthodique.  » L’homme, qui assume cette tâche pour l’enseigne au logo orange depuis 1982, a sa technique : quand vient le moment de la dégustation, il dépose des dizaines de flacons-tests sur une petite table ronde et les découvre, avec ses collaborateurs, au rythme soutenu d’une toutes les deux minutes. Dans la sélection figurent de nombreuses références qu’ils connaissent déjà, le but étant alors de contrôler  » le suivi  » de ces produits. C’est le cas de ceux que le supermarché met lui-même en bouteilles – tradition inaugurée en 1937 par le fondateur Franz Colruyt.  » Nous passons commande chez les vignerons en début d’année mais acheminons parfois la marchandise, en vrac, vers notre usine d’embouteillage de Ghislenghien plusieurs mois plus tard. Il faut alors vérifier si la qualité est toujours la même.  »

Chez Delhaize, Alain Pardoms et son équipe tiennent aussi à l’oeil les cuvées achetées en gros. Une mission délicate :  » Je n’ose pas imaginer ce qui arriverait si nous laissions passer un cru qui ne répondrait pas à nos exigences. L’erreur se chiffrerait facilement à 10 000 flacons.  » Tous les ans, Colruyt et Delhaize mettent ainsi en bouteilles plus de 40 millions de litres, soit environ 13 % des ventes en Belgique. La filiale belge de Carrefour ne possède par contre pas sa propre structure pour conditionner le breuvage chez nous : cette opération a lieu en France.

DANS LEURS VALISES

Outre la dégustation, les escapades font partie intégrante de la mission d’un acheteur. Alain Pardoms se rend ainsi régulièrement en Bourgogne. Eric Van Rysselberghe, lui, part tous les six mois pour le Bordelais. A chaque printemps, il y déguste en primeur des échantillons issus des dernières vendanges. Par ailleurs, des vignerons espagnols, allemands et d’Europe de l’Est reçoivent souvent sa visite.  » Notre horizon s’est élargi, observe-t-il. A l’époque où j’ai commencé, il y avait la France, un peu l’Espagne et l’Italie, et c’était tout. Aujourd’hui, nous nous rendons au Chili, en Nouvelle-Zélande ou en Californie également.  »

Pour Benoît Couderé, ces trips sont une nouveauté. Récemment encore, il était sommelier au restaurant étoilé De Karmeliet, à Bruges. Ce mois-ci, il a prévu d’aller dans la Botte et la péninsule Ibérique en tant que représentant de son supermarché.  » Mais j’ai par ailleurs l’intention de fréquenter assidûment les salons tels que Vinexpo à Bordeaux ou ProWein à Düsseldorf. On peut y avoir un beau panorama en peu de temps « , précise-t-il.

Boire et voyager : la description de fonction semble donc très engageante. Mais ces experts tiennent à tempérer l’enthousiasme de ceux qui envisageraient de poser spontanément leur candidature.  » Notre travail consiste essentiellement à prendre des notes et à faire des réunions. Il faut avoir une grande discipline dans le métier « , conclut Alain Pardoms.

PAR JAN SCHEIDTWEILER

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