Entre ses montagnes, ses alpages et ses vallées, le canton du Dévoluy, dans les Hautes-Alpes françaises, se savoure au coeur des fermes et dans une nature à apprivoiser de cluse en combe, depuis ses gouffres jusqu’au ciel…

Le Dévoluy – moins de 200 km² – fait partie des Préalpes du Sud et se trouve aux confins de trois départements français, les Hautes-Alpes, la Drôme et l’Isère. Un petit coin de nature entouré par un puzzle de terroirs aussi délicieux que discrets : le Champsaur et le Gapençais, les pays de Buëch, les massifs du Diois et des Écrins. Ajoutons les Baronnies provençales… Difficile à placer sur une carte, même si les amateurs de glisse connaissent peut-être les petites stations de Superdévoluy et la Joue du Loup. Avec des vergers qui croulent sous les fruits et des alpages ponctués de moutons, le Dévoluy est façonné pour séduire tous les regards. Ses paysages de moyenne montagne déploient de superbes vallées où des rivières fougueuses ont taillé des cluses ou des combes, ainsi que quelques grottes profondes. Quatre villages (Saint-Etienne, Agnières, Saint-Disdier, La Cluse) et une trentaine de hameaux dénombrent une population de 1 100 habitants pour… 25 000 brebis et moutons. Des reliefs échancrés voient culminer des sommets à plus de deux mille mètres comme l’Obiou, le Grand Ferrand et l’emblématique Pic de Bure qui cache un paysage secret digne d’un roman de Jules Verne.

EN SUIVANT LA MÉOUGE

L’une des voies d’accès au Dévoluy est la vallée de la Méouge, au nord-ouest de Sisteron. Si chaque saison y peint ses charmes, l’automne est idéal, histoire d’apprécier les rouges et les jaunes qui enchantent les paysages de forêts. Tortueuse et creusée dans le massif calcaire, la route longe la rivière et mène vers les hauteurs. Bientôt, au bout d’un chemin boisé, le massif des Agnielles permet de découvrir la nouvelle vie d’un village fantôme, lentement réhabilité. Son ancienne maison forestière, au bord de la ruine, a été transformée en gîte. L’idée de reconstruire ce bâti voué à la disparition a été initiée par l’ONF (Office National des Forêts).  » Une maison qui s’écroule est une mémoire qui part « , pourrait être le leitmotiv de la démarche. Une dizaine d’habitations perdues en pleine nature, souvent au coeur de bois fantastiques hantés par le brame du cerf en septembre, sont désormais proposées à la location avec le label Retrouvance ou sous forme de gîtes pour petits groupes. Avec, bien sûr, plusieurs possibilités des randonnées (avec ou sans bagage) sur les sentiers de cette étincelante région…

LE BONHEUR EST DANS LE PRÉ

Ici et là, les filets anti-grêle posés sur les vergers trahissent les soins donnés à quelques-unes des richesses du lieu, gorgées de soleil : pommes Golden et Granny, poires Doyenné de Comice, William et Conférence… Au pied du Dévoluy, la vallée du Buëch, affluent de la Durance, a gardé son caractère artisanal et humain. Intéressant : les coopératives sont pour la plupart tenues par des femmes passionnées. Comme à Saint-Auban-d’Oze et sa dizaine d’exploitations regroupées en GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation Commune) vouées à la production de jus et cidres délicieux, nectars, desserts, confitures ou fruits confits. Il est vivement conseillé de s’arrêter chez l’une des productrices et d’y déguster sa spécialité. Agnès, Coco, Sylvie, Fabienne, Sandra, Christel et Michelle sont de véritables magiciennes d’Oze qui ont fait face à l’exode rural, sauvant à leur manière l’agriculture de la région. Pareil pour la filière de la laine, qui a failli disparaître de France avant que quelques exploitations d’ovins ne se redéployent. Un exemple ? La ferme de Métis, ses 800 brebis et 400 agneaux de la race Mérinos, dont le pelage s’apparente au cachemire. Tonte, agnelage, soins en bergerie peuvent s’observer selon les saisons. Le retour d’une culture de la laine se tisse à nouveau, avec speed shear (championnats de tonte) et autres concours pour des labels de qualité. Il est même possible de monter en pâture à la rencontre des brebis ou de visiter un élevage du Patou (chien des Pyrénées), véritable ange gardien des ovins qui tente de freiner les ardeurs d’un nouveau venu controversé dans la région : le loup.

PROFONDEURS ET FONDUES

Qui dit roche calcaire, dit grottes. Le Dévoluy cache tout un gruyère de gouffres, appelés chourums dans la région. Ceux-ci se découvrent lors d’excursions passionnantes et ouvrent les portes de plus de 300 km² de galeries et de grottes. Pas moins de 580 cavités peuvent aujourd’hui êtres visitées, façonnées par les eaux de ruissellement depuis des millénaires. Le chourum le plus profond est le Rama des Aiguilles, qui plonge jusqu’à 980 mètres. Des soirées cavernicoles y sont organisées en début de nuit et accessibles à tous. Après une petite descente au fond de la vallée, s’entrouvre bientôt l’entrée du gouffre très prisé par les sportifs des profondeurs. Autour d’un petit feu de camp et d’une fondue dévoluarde, on écoute des histoires de la région, racontées par Martinho Rodrigues, guide de spéléologie. Après cela, les plus intrépides font une incursion dans les entrailles de la terre…

Retour à la surface, et même bien au-delà. Grâce à la pureté d’un ciel sans pollution lumineuse, des petits observatoires tiennent leurs promesses de nuits noires aux myriades d’étoiles. Le plus important, celui des Baronnies, propose des télescopes aux clubs et associations, avec des formules pouvant comprendre le séjour, l’accompagnement par des amateurs éclairés ou des astronomes professionnels. Tout aussi conviviales, bien que plus modestes, les soirées organisées par le gîte L’Aiglière. Qui, après un repas du terroir, embarque les yeux à bord d’un super télescope pour un voyage intersidéral dans l’espace-temps, à la découverte des galaxies, planètes et autres merveilles de l’univers. On peut notamment croiser Jupiter, Saturne et ses anneaux, le bleu de Neptune, le vert pâle d’Uranus, la galaxie d’Andromède, la voie lactée ou, tout simplement, la lune. En bonus ? L’une ou l’autre surprise, à observer dans le silence de la nuit qui envoûte ces lieux célestes à peine dérangés par le cri d’un oiseau.

VAISSEAU DE PIERRE

La montée vers le plateau de Bure n’est pas de tout repos mais récompense le marcheur par ses paysages à couper le souffle. Après une ascension en téléphérique et un raidillon épuisant à l’aide d’une main courante, les derniers pas sont les plus durs. Par temps clair, le regard va embrasser le massif des Écrins, le Vercors et, au loin vers le sud, la montagne du Luberon, voire le Viséo en Italie. Nous sommes à 2 550 mètres d’altitude. Avec ses trois kilomètres de longueur sur quelques centaines de mètres de largeur, le plateau ressemble à un immense vaisseau de pierre. Son horizontalité rassure les yeux fatigués d’abrupts et de vertiges venteux. Il règne là une petite atmosphère de science-fiction, due aux cinq antennes paraboliques de l’observatoire de l’IRAM. Ces monstres de métal – quinze mètres de diamètre – offrent un spectacle saisissant aux allures de bout du monde. Ils captent les millions d’ondes émises par tous les corps célestes de l’univers (chers extraterrestres, méfiez-vous) : étoiles, galaxies, quasars, ou pulsars. Relié à d’autres observatoires dans le monde, l’IRAM les répertorie, en dessine les cartes, les analyse et décortique tous ces objets bavards. Si la base et les bureaux de l’interféromètre ne se visitent pas, il est possible d’admirer de près ces gros champignons gris. Bien entendu, à côté de cela, le plateau est parcouru par des randonneurs charmés par les GR 93 et 94, des paysages crépusculaires déclinés en rochers, pics, éboulis, combes et cluses sauvages, où jouent les rayons du soleil et les nuages. Et qui composent les tableaux lunatiques d’une région qui ne peut pas s’empêcher d’être aussi belle que discrète. C’est dans sa nature.

PAR ERIC VALENNE

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