En Belgique, l’industrie textile est une affaire de tradition. Mais, attention, tradition n’est pas forcément synonyme de ringard. Loin s’en faut. La fibre belge surfe désormais sur la vague des tendances.

Carnet d’adresses en page 96.

Sages ou audacieux, bruts ou raffinés, unis ou à motifs, en fibre naturelle ou high-tech, jamais les textiles contemporains n’ont été aussi ludiques et élégants. Soie, velours, satin, lin, laine, coton, polyester, microfibres ou Lycra se déclinent à l’infini au gré de collections de plus en plus pointues collant à l’air du temps. C’est qu’en Belgique, et plus particulièrement en Flandre, on ne badine pas avec le textile. Il ne faudrait pas oublier, en effet, que cette industrie jouit d’un très riche passé dans notre pays.

Pendant des siècles, le tissage d’étoffe a représenté l’un des piliers principaux de l’économie du royaume. Le lin et la laine furent d’ailleurs à l’origine d’âpres guerres… Dans notre société postmoderne, l’industrie textile a dû certes céder sa position clé mais, en revanche, n’a rien perdu de sa superbe. Particulièrement dynamiques, les entreprises belges trouvent sans cesse de nouvelles applications pour les dernières innovations technologiques. La technicité est en effet un atout majeur dans ce secteur hautement compétitif. Les fabricants doivent en permanence tenir compte des évolutions et des tendances, sous peine de disparaître rapidement. Et les tendances occupent une place de plus en plus prépondérante… Pour que les collections belges soient toujours résolument trendy, Febeltex, la Fédération belge du textile, une organisation patronale représentant quelque 500 entreprises textiles, et Textirama, une ASBL qui organise des foires et des expositions sur le textile belge, se sont dotées d’un outil précieux baptisé Textivision. Depuis un peu plus de dix ans, cette ASBL organise régulièrement des sessions d’information sur les tendances spécifiquement orientées vers le textile d’intérieur : tapis, tissus d’ameublement, rideaux, tissus de décoration… Grâce à ce véritable baromètre des tendances, les tissus belges se vendent bien tant à l’échelle nationale qu’internationale. Une aide indispensable pour que les fabricants puissent distinguer les véritables lames de fond dans le flot continu de nouveautés en provenance des quatre coins de la planète.  » Nous ne faisons pas les tendances, nous les communiquons, affirme d’emblée Hilde D’haeseleer, la tête pensante de Textivision. Elles sont simplement le reflet de l’air du temps et mon travail consiste à les rassembler, les structurer et les analyser. Pour ce faire, je voyage dans le monde entier, je lis la presse internationale, je regarde la télévision et surtout je travaille en équipe car on ne peut pas exercer ce genre de métier seul. Ensuite, je traduis les tendances générales dans mon secteur d’activité, c’est-à-dire le textile. On distingue plusieurs sortes de tendances : il y a, d’une part, les grandes tendances globales ou courants de fond qui sont souvent d’origine socio-économiques et les courants plus ponctuels, de courte durée, que l’on peut qualifier d’épiphénomènes. De nos jours, les tendances se segmentent de plus en plus. Chacune se subdivise en plusieurs sous-courants pour satisfaire le besoin d’individualité exprimé par le consommateur. C’est de plus en plus difficile de s’y retrouver. Il y a quelques années encore, les fabricants essayaient simplement de créer des ambiances générales, basées sur des familles et des harmonies de couleurs. Actuellement, il s’agit de commercialiser la bonne fibre déclinée dans la bonne couleur au bon moment. Si le carmin est in, par exemple, on ne peut pas proposer n’importe quelle nuance de rouge ou de pourpre. Il suffit de se tromper d’une nuance au sein d’une gamme de coloris pour que toute la collection soit ratée. Ce genre d’erreur peut coûter une vraie fortune. En outre, les collections doivent être conçues en fonction d’un segment de marché précis. Il faut impérativement déterminer à qui s’adresse le produit final. Et pour chaque segment, on distingue des tendances distinctes. Mon travail n’est vraiment pas facile…  »

Et quelles sont, alors, les dernières tendances en matière de textile d’ameublement ?  » On assiste actuellement à un retour à l’origine généralisé, souligne Hilde D’haeseleer. La simplicité et les matières premières telles que le lin ou le coton inspirent le calme et la sérénité. Les gens veulent fuir le stress de la société technologique et chez eux, dans leur cocon, ils veulent des tissus évoquant la nature et le naturel, pour se protéger, pour vivre une sorte de retour aux sources. Mais, attention, cette tendance est plutôt contradictoire parce que les tissus d’apparence très  » nature  » sont souvent d’une sophistication extrême. On mélange fibres naturelles et techniques pour créer un aspect assez brut. Les textiles contemporains ne peuvent plus se contenter d’être simplement beaux, ils doivent désormais jouer la carte de la sensorialité, par exemple. Ainsi un tissu à l’aspect rugueux se révélera d’une douceur extrême au toucher. Les consommateurs apprécient énormément les tissus qui réservent des surprises telles qu’une texture inédite, un relief en trompe-l’£il ou des alternances de motifs mats et brillants se révélant sous une certaine lumière. La tendance que je qualifie de tissage  » at random » (tissage aléatoire en français) est très intéressante également. En fait, au lieu de procéder au tissage en utilisant un patron bien précis, on travaille à l’instinct sans plan ni structure. Le résultat est très étonnant et toujours différent. Les illusions d’optique ont également la cote. Les imprimés géométriques et contrastés inspirés par le peintre Vasarely ou le designer Verner Panton vont certainement faire un tabac. Les dessins en forme de clin d’£il aux années 1960 tels que les pois et les rayures multicolores sont tout à fait dans le vent. Au niveau des tissus unis, les verts francs et vifs inspirés des couleurs de la nature et les rouges soutenus donnent du pep à nos intérieurs. Enfin, les imprimés fleuris font un come-back remarquable, mais les fleurs sont particulièrement colorées et évoquent l’univers délirant d’Andy Warhol et du pop art. Les petites fleurs romantiques, elles, sont définitivement out.  »

Serge Lvoff

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content