Messieurs, allons donc, parler mode ne se limite pas à causer chiffons. Néanmoins, afin de rendre vos conversations fringue respectables, il vous faudra joindre l’érudition à l’élégance. La méthode infaillible pour se la ramener sans plomber l’ambiance avec un jargon de machine à coudre tient simplement à repérer les influences culturelles qui se nichent dans les défilés automne-hiver 11-12. On vous mâche le travail en dix exemples cousus main.

DRIES VAN NOTEN

Chez Dries, les mannequins pâles aux cheveux roux brillantinés en arrière et aux pantalons oversized évoquent l’élégance et le glamour de David Bowie à l’époque de l’album Station to Station (1976).

Pour se la ramener :  » On est là en pleine période du Thin White Duke, avatar romantique et racé d’un Bowie lisant Nietzsche et se poudrant un peu trop le nez. « 

SALVATORE FERRAGAMO

Chemises à lacets, frocs en peau, figure mythique du cow-boy solitaire et sexy en guise de fantasme, Ferragamo revisitait la sensualité virile de la fin des années 60-70 au rythme sensuel de Ghost Song, tuerie posthume de Jim Morrison publiée sur An American Prayer (1978).

Pour se la ramener :  » Je sais pas toi mais, du coup, les seventies des pattes d’ef et des couleurs sourdes m’ont fichtrement donné envie de ressortir mes vieilles plaques des Doors empoussiérées par toutes ces années à renier mon adolescence aux aspirations ridiculement rebelles et libertaires. Quand on se matait Le Péril jeune de Klapisch en boucle, tu vois ?  »

JEAN PAUL GAULTIER

Avec l’humour qu’on lui connaît, Jean Paul Gaultier détourne la figure du plus mâle des mâles, Bond James Bond, en le métamorphosant au fil de son show en James Blonde, agent transgenre préférant les délires pailletés au smoking ajusté.

Pour se la ramener :  » J’adore les références populaires transgénérationelles. « 

PRADA

Comme toute la planète mode fantasmant copieusement sur le New York subversif du XXe siècle, Miuccia Prada est-elle fan de la musique post-punk des Talking Heads ?

Pour se la ramener :  » Quand j’ai vu cette veste de costume oversized, j’ai tout de suite songé au look iconique que David Byrne porte dans Stop Making Sense (1984). Trop culte.  »

DOLCE & GABBANA

Domenico et Stefano dessinent un vestiaire saupoudré de silhouettes de crooners et de fantaisies glam-rock en hommage aux riches heures du chanteur de Roxy Music.

Pour se la ramener :  » Et ce n’est pas rétro pour un sou. C’est dingue comme Bryan Ferry reste l’insubmersible dandy de la scène pop britannique. Comment tu trouves son dernier album ? Oui, Olympia (2010), avec Kate Moss sur la pochette.  »

KRIS VAN ASSCHE

Le Belge continue d’interroger la frontière délicate entre l’adolescence et l’âge des responsabilités à travers un vestiaire hésitant entre le confort du survêt’ sportswear et le formalisme du monde du travail.

Pour se la ramener :  » J’ai trouvé la bande-son particulièrement bien tapée. Le tubesque Where Is My Mind des Pixies en version piano mélancolique. Tout à fait à l’image de la génération grunge nourrie par la colère triste de Frank Black.  »

LOUIS VUITTON

Chez Louis Vuitton, Paul Helbers, directeur du Studio Homme (remplacé depuis juin dernier par Kim Jones), explore la rusticité minimaliste du style amish et y instille un soupçon de mystère emprunté à l’univers de David Lynch.

Pour se la ramener :  » Le défilé était emballé dans une bande-son de vieux airs fifties rappelant la BO du vénéneux Blue Velvet, ce qui dégageait une espèce de noirceur subrepticement détraquée tout à coup illuminée par un éclair couleur rouge-orange. Inquiétant comme le néon d’un motel sur une route déserte et humide de Caroline du Nord. Genre.  »

VERSACE

On n’en a pas fini avec les eighties. Donatella Versace cite les années de gloire de la marque et de la proto-électro.

Pour se la ramener :  » Avec leur raie gominée sur le côté, leur dégaine froide comme un théorème, les vêtements parcourus d’effets 3D et de détails graphiques à la Commodore 64, on aurait dit que les mecs de Versace sortaient tout droit d’une track de Kraftwerk. « 

ERMENEGILDO ZEGNA

À Milan, Ermenegildo Zegna fait clairement les yeux doux à la Chine, marché à la croissance stratosphérique pour le tisserand de Biella. Qui envoyait sur le catwalk quelques mannequins asiatiques en costumes laqués comme un panneau du musée Guimet au son de la BO d’In the Mood for Love (2000) de Wong Kar Wai.

Pour se la ramener :  » Selon moi, un des films les mieux sapés de l’histoire du cinéma chinois. Avec Lust, Caution, de Ang Lee.  »

MOSCHINO

Chez Moschino, ça sent très fort les années fac vintage.

Pour se la ramener :  » J’ai beau le repousser au fond de ma mémoire, Le Cercle des poètes disparus et sa bande VHS usée comme un loden remontent à la surface de mon esprit. Il était bien Ethan Hawke. Quand même. « 

PAR BAUDOUIN GALLER

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