Le documentaire Mondovino a fait de Michel Rolland le suppôt de l’uniformisation du vin. Un portrait à la grosse louche qui occulte la personnalité de l’onologue le plus influent de la planète. Détenteur d’un savoir unique, le Bordelais mérite qu’on remette les pendules à l’heure.

« Micro-oxygénez, micro-oxygénez, bon sang ! »  » Le vin, c’est d’abord la diversité. C’est pour cela qu’il y en a tant de mauvais d’ailleurs…  »  » Trop alcoolisé ? Suffit de le mettre au frais, vous sentirez moins les degrés.  » Autant de petites phrases assassines qui ont contribué à faire passer Michel Rolland pour un monstre assoiffé de notoriété, d’honoraires à plusieurs zéros et de flacons sur-concentrés. C’est Jonathan Nossiter qui les a immortalisées, à l’insu du plein gré de celui qui les a proférées, dans Mondovino, documentaire dénonçant les effets de la globalisation de la viticulture. Plutôt manichéen, ce long-métrage, présenté au festival de Cannes en 2004, scindait le monde du vin en deux camps, les bons et les truands.

Inlassablement filmé sur le siège arrière de sa Mercedes, un gros cigare à la main, Michel Rolland y jouait l’âme damnée d’une pièce de théâtre savamment orchestrée. Le coup porté fut rude. Pas tant du point de vue professionnel – son activité n’ayant jamais faibli – que sur le plan personnel.  » Après la projection, j’étais sonné, je suis directement allé voir Nossiter pour lui dire ce que j’en pensais, je lui ai bien pris la tête, explique le flying winemaker ( NDLR : £nologue travaillant dans plusieurs vignobles à travers la planète). Je me suis senti complètement manipulé, il a tout sorti du contexte et n’a gardé que ce qui pouvait servir son propos… mais le mal était fait.  »

Il faut dire que, pour avoir pu le rencontrer de façon exclusive au Château Ad Francos, un domaine de l’AOC Francs Côtes de Bordeaux qu’il conseille (lire aussi Le Vif Weekend du 28 octobre dernier), Michel Rolland possède le profil idéal de la victime médiatique. Animé d’une verve made in Sud-Ouest, il aime parler et semble ignorer, même après sa mésaventure, le sens du mot  » méfiance « . S’il ne s’agit pas ici de prendre parti pour ou contre le style du propriétaire du Château Le Bon Pasteur, il est en revanche question d’apporter des pièces supplémentaires au puzzle qui est le sien.

D’origine modeste –  » mes grands- parents étaient viticulteurs et boulangers  » -, Michel Rolland se revendique paysan :  » J’appartiens à la terre.  » Et l’on y croit pour avoir pu observer sa bonhommie prompte, entre mille et un autres détails, à déballer les photos de ses petits-enfants au premier venu. Le Fronsadais possède dans son escarcelle 350 clients, répartis sur 4 continents, auxquels il faut ajouter 300 propriétés bordelaises qui considèrent ses recommandations comme parole d’évangile. Doté d’une résistance hors-pair – il ne connaît pas les effets du décalage horaire -, il a glané ses connaissances en voyageant. Nul autre que lui ne peut se targuer d’une vision aussi globale de la viticulture. De cet aperçu unique, il s’est fait l’apôtre omnipotent d’une signature gustative orientée vers  » le caractère mûr, la finesse et la rondeur  » qui a fabriqué un consensus. À l’aube de ses 41es vendanges et de sa 65e année, il n’a pas perdu un iota de ce qui le rend unique : sa science incontestable de l’assemblage. L’homme déguste entre 120 et 250 échantillons de vin… par jour. Et l’univers du vin il en dessine le futur. Prochaine destination ?  » La Chine sans aucun doute comptera à l’avenir de grands vins mais il faut aussi tourner les yeux vers les pays qui s’étendent aux alentours de la mer Noire. La Turquie, la Bulgarie et l’Arménie – la terre qui est le berceau du vin -, seront le Nouveau Monde de demain. « 

PAR MICHEL VERLINDEN

 » J’APPARTIENS À LA TERRE. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content