Elle passe plus de temps dans les avions qu’avec ses parents à Saint- Ghislain. Moitié belge, moitié congolaise, Davina Mulimbi est le nouveau visage qui éclaire les défilés. Elle a un corps de rêve, une allure altière et un sourire divin. Entre deux shows haute couture à Paris, elle a accepté un shooting 100 % belge pour Weekend Le Vif/L’Express.

On l’avait repérée pour son charisme et son allure, à la semaine de la mode de Barcelone en septembre dernier, alors qu’elle commençait à défiler pour l’agence Ford. Six mois après notre première rencontre, on la retrouve toute simple à l’arrivée du Thalys à Bruxelles : en jeans et bottes portés sous un manteau marron aux manches bordées de franges, ses splendides cheveux frisés coiffés en queue de cheval, très légèrement maquillée. On pensait, d’après l’échange de messages téléphoniques, qu’elle avait perdu son accent belge. Mais Davina garde ce charme et cette simplicité qui nous ont fait craquer lorsqu’on l’avait rencontrée en backstage. Elle parle de Bruxelles en disant  » la capitale  » alors que, du haut de son mètre 84, elle se mesure au quotidien aux gratte-ciel new-yorkais. Deux heures avant notre rendez-vous, elle avait défilé devant la reine Paola dans le XVIe arrondissement de Paris, pour présenter, en privé, quelques pièces de la collection Armani haute couture. Et c’est tout naturellement, dans un café de la gare du Midi, que Davina propose de répondre à notre interview. Entre deux trains la reconduisant vers sa famille établie à Saint-Ghislain, dans la région de Mons, avant de repartir au petit matin vers New York. Un retour express donc dans sa Belgique natale, où elle est encore officiellement domiciliée, pour cette top de 21 ans, née à Etterbeek, qui vit désormais à cent à l’heure, avec, pour seule escorte, une énorme valise. Depuis les défilés printemps-été 2005 de la capitale catalane, où l’on avait pressenti les atouts d’une grande, Davina a parcouru bien du chemin. De Londres à New York en passant par Milan et Paris, le top belge est désormais booké sur les grands shows. A Paris, elle a défilé pour Dior prêt-à-porter, Armani haute couture et Jean-Louis Scherrer (pour la deuxième saison). A New York, elle est ce printemps l’égérie de la campagne publicitaire du grand magasin Saks situé sur la 5e Avenue. On la verra aussi dès la semaine prochaine en Belgique, dans la campagne de pub intitulée  » Femmes du monde  » de la marque française de lingerie, Chantelle. Le mois dernier, elle faisait la couverture du magazine britannique ultrabranché pour hommes  » Esquire  » qui l’a consacrée parmi les sept nouveaux tops les plus  » hot « . Elle compte aussi à son palmarès des photos pour  » Marie Claire  » Australie ou encore  » Glamour  » France. Pour Weekend Le Vif/L’Express, elle a accepté de poser pour un shooting 100 % belge, à Paris, entre deux défilés haute couture. Davina, moitié congolaise par son père, moitié belge par sa mère, affiche fièrement la beauté des mélanges. Cette jeune fille naturelle et spontanée, qui se dit  » normale  » et  » travailleuse « , se verrait bien s’établir à New York où elle commence à faire son trou. En tant que métisse, elle apprécie l’ambiance multiculturelle de la Big Apple, l’intégration qui y est  » plus facile « , et les opportunités que cette ville énergique offre aux gens qui ont de l’ambition. Elle répond aux questions en regardant droit dans les yeux, prend son temps même s’il est compté, dégage une belle sérénité. Cette fille est vraiment du pur bonheur.

Weekend Le Vif/L’Express : Vous n’étiez plus rentrée en Belgique depuis longtemps?

Davina Mulimbi : Chaque fois, je rentre en coup de vent. Mes parents me disent qu’il faut prendre rendez-vous pour me voir ! Mais j’ai encore mon adresse officielle chez eux, à Saint-Ghislain, bien que je sois à présent basée à Paris où je travaille pour l’agence Ford.

Vous passez désormais de plus en plus de temps à New York…

Oui, c’est une ville que j’adore, qui a beaucoup d’énergie. En tant que métisse, je m’y sens plus facilement intégrée. Là-bas, ils n’hésitent pas à faire des covers de magazines avec des Blacks ou des métisses alors qu’en France ou en Belgique, c’est plus frileux. Et puis, il y a plus de possibilités, plus de castings pour les gens comme moi qui sont motivés. On y rencontre aussi de grands photographes. Les gens sont dynamiques là-bas, ils ont plusieurs boulots, ils courent partout.

Faut-il être une fille travailleuse pour réussir dans le mannequinat ?

Oui et c’est ça que j’aime à New York. Cela fait quelques mois que j’y suis et je commence à faire mon trou. J’ai fait des photos pour la campagne de pub du grand magasin Saks. C’est un peu l’équivalent des Galeries Lafayette à Paris. Au printemps, je serai affichée sur des grands panneaux dans la 5e Avenue et dans toute la ville. J’ai participé aux défilés prêt-à-porter, j’ai fait des shootings pour différents magazines. Je constate que les journalistes de mode commencent à me reconnaître dans les backstages, c’est bon signe.

A terme, aimeriez-vous vivre à New York ?

Idéalement, c’est une ville où j’aimerais rester. Je crois qu’elle me correspond bien. En plus, je perfectionne mon anglais, ce qui est indispensable. Je voudrais aussi profiter d’être dans cette ville pour faire d’autres activités et multiplier les centres d’intérêt. Je voudrais prendre des cours de théâtre, de chant, reprendre la danse aussi. Je faisais de la danse orientale mais j’ai dû arrêter par manque de temps.

Vous êtes mannequin, vous dansez, vous chantez, vous multipliez les talents.

Je peins aussi (rires). J’adore ça, je peins de l’abstrait pendant mes voyages. Je tiens ça de mes parents qui sont tous les deux très créatifs. J’aimerais, plus tard, ouvrir une galerie d’art.

Penseriez-vous déjà à votre réorientation ?

Je crois que l’avenir, c’est de faire plein de choses, de multiplier les facettes. On ne peut pas rester uniquement dans le mannequinat, il faut avoir plusieurs cordes à son arc. D’ailleurs, regardez, de plus en plus, ce sont des actrices ou des chanteuses (Madonna, Vanessa Paradis, Beyoncé, Uma Thurman…) qui volent la vedette aux jeunes mannequins dans les grosses campagnes de pub. Pour être connue, l’idéal c’est de faire la campagne de H&M ou de Mango ou alors de se tourner vers le cinéma.

On a l’impression que vous êtes bien coachée par vos parents.

Oui, je les appelle souvent pour leur demander leur avis. Dans ce milieu, on peut vite être perdue. Mes parents me guident, ils me connaissent bien. Les parents, c’est nos meilleurs amis. Ma mère ne travaille pas, et mon père est fonctionnaire au ministère des Finances. De lui, je tiens ce côté business, mais pendant un temps aussi, il était dans le milieu de la production. Et il nous a initiées, ma s£ur et moi, au monde du spectacle. Quand on était petites, on se produisait dans des fêtes dans les villages sous des chapiteaux.

Votre s£ur, n’est-elle pas jalouse de votre succès ?

Non pas du tout. Elle est très jolie. On nous demande toujours si on est jumelles. Elle est plus âgée que moi et a choisi la médecine, le plus beau métier du monde. Moi je n’aurais pas pu. J’ai peur du sang. Si je dois faire une prise de sang, je ne dors pas la veille. Quand je l’accompagne à l’hôpital, je reste dans la voiture, alors que pour elle, c’est son univers.

Et vos études ? Quelle a été votre formation scolaire ?

J’ai fait mes Humanités à Saint-Ghislain puis je me suis lancée dans le mannequinat. Maintenant, j’aimerais reprendre des études d’architecte d’intérieur par correspondance.

Quand exactement avez-vous commencé à être mannequin ?

Mes parents ne voulaient pas que je me lance trop vite. Quand j’étais plus jeune, des gens des agences m’arrêtaient quand on se promenait rue Neuve, à Bruxelles. Puis j’ai participé, à 17 ans, au concours Future top model of Belgium que j’ai remporté. C’était en 2000. Et là mon père m’a dit  » c’est bon, tu peux y aller, on voit ce que ça donne sur un an, et puis on avisera « .

Le mannequinat, est-ce un milieu difficile, où on a besoin d’être protégée ?

Ce n’est pas un milieu plus difficile qu’un autre. La drogue et tout ça, c’est un peu le cliché. Ce milieu a évolué. Dans les années 1980, les mannequins sortaient beaucoup. Il y avait des grands top models et un véritable star system. D’ailleurs, à 30 ans, elles continuent. Maintenant, il y a tellement de filles et de plus en plus jeunes que ça tourne. On sait que c’est une carrière qui va durer très peu de temps. Donc on anticipe. Le plus difficile, c’est de trouver sa place. Au début, on investit de l’argent quand on voyage. Maintenant, je suis indépendante financièrement. Ce ne sont pas les shootings qui rapportent de l’argent, on les fait pour le book, mais ce sont davantage les campagnes de pub et les catalogues.

A quoi ressemble le quotidien d’un mannequin ?

On voyage beaucoup, on vit dans des appartements que l’on partage à plusieurs filles. Quand c’est la saison des défilés, à New York, à Londres, à Milan, à Paris, c’est assez fatigant, on finit tard, on se lève tôt. Et puis, il y a les décalages horaires. Les séances de maquillage sont parfois très longues, il faut attendre. Mais une fois qu’on entre en scène, il y a l’adrénaline qui monte et ça passe très vite.

Quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Le show de Dior prêt-à-porter. C’était pour moi un des plus grands. Galliano crée toujours des spectacles événements. Le maquillage était superbe et puis évidemment Giorgio Armani haute couture où les robes étaient somptueuses et Jean-Louis Scherrer pour lequel je défile pour la deuxième saison déjà.

Et le défilé haute couture d’Armani, comment s’est-il passé ?

Giorgio Armani était très nerveux, il nous a demandé notre collaboration. C’était superbe. Moi je portais une belle robe longue noire.

Vous avez participé aussi à un défilé privé Armani pour la reine Paola…

Oui, c’était très intime comme défilé. On était cinq ou six mannequins et on a présenté quelques tenues. Le rapport avec le public était plus proche que dans un défilé traditionnel. La reine souhaitait toucher les tissus alors on devait s’approcher.

Quels sont vos mannequins préférées ?

Naomi Campbell car, en tant que métisse, on est toujours contente quand une Black réussit. On rencontre encore des barrières lorsqu’on est de couleur. Par exemple, au défilé Dior haute couture, c’était clair, ils ne voulaient ni black, ni métisse, ni asiatique.

Et c’est sûrement dur à entendre…

Non, on s’y habitue…

Ce métissage, c’est aussi ce qui fait votre exotisme et votre beauté.

Les gens ne savent jamais vraiment d’où je suis. On me croit brésilienne, colombienne, marocaine, indienne, selon la façon dont je coiffe mes cheveux, mais jamais congolaise !

Quels sont vos créateurs fétiches ?

Versace, j’adore, je rêverais de défiler pour ce créateur. C’est vraiment un rêve de petite fille.

Et chez les Belges ?

Je me suis rendu compte, en faisant le shooting pour Weekend Le Vif/L’Express, que les vêtements des Belges étaient très beaux. J’aime beaucoup Jean-Paul Knott et Bruno Pieters mais curieusement je ne les connais que depuis que je suis à Paris. C’est dommage, en Belgique, il y a plein de talents mais on ne le sait pas forcément.

A l’étranger, revendiquez-vous votre identité belge ?

Oui, je me sens belge. Quand je rentre ici, je me sens chez moi, c’est plus petit, plus rassurant quand on vient de quitter les grands buildings new-yorkais. J’essaie de garder le contact avec mes amies aussi. Mais j’ai tendance à perdre l’accent belge quand je reste à Paris et c’est dommage…

Sortez-vous beaucoup ?

Pas trop. On dit que les filles qui sortent beaucoup sont celles qui ne travaillent pas. J’ai une vie saine, je mange sainement, j’essaie de bien dormir, de marcher, de faire du sport en salle. Une fois, lors d’une interview pour la télé polonaise, on m’a dit  » mais vous êtes une fille normale !  » Je pense que c’est une question d’éducation.

Une fille normale donc et à l’aise avec sa beauté.

Je ne me dis pas le matin quand je me regarde dans le miroir  » je suis belle « , je suis très critique. Quand je regarde des photos, je me dis  » tu aurais pu faire ça, bouger comme ça « . La beauté, c’est un tout, un équilibre.

Avez-vous encore du temps pour les amours dans tout ça ?

( Elle sourit.) Comme pour le reste, il faut trouver un équilibre.

Agnès Trémoulet

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