Jeune créateur belge installé depuis cinq ans à Milan, Armando De Vincentiis signe une mode voluptueuse et sophistiquée. Après trois collections très couture, il propose cet automne une ligne de prêt-à-porter bucolique et chic à la fois.

Il faudrait toujours laisser des poupées à la portée des petits garçons. Au pire, ils s’en soucient comme d’une guigne. Au mieux, elles deviennent leurs muses et suscitent une vocation précoce. Armando De Vincentiis a commencé par malmener celles de ses s£urs. Avant de leur confectionner des garde-robes complètes. Désormais membre de la très sélecte Camera Nazionale della Moda ( NDLR : la Chambre nationale de la mode italienne), où se retrouvent aussi Armani, Versace et Dolce & Gabbana, il présente, cet automne, une première collection de prêt-à-porter précieuse et sophistiquée. Aux lignes masculines de ses gilets et pantalons noirs brillants répondent des robes et des pulls en maille duveteuse tressée de fin fil d’or et des trench-coats immaculés mêlant cuir et velours côtelé. Pour dessiner ses imprimés, le jeune créateur a cherché son inspiration en forêt.  » J’ai ramassé des feuilles et j’ai scanné les plus belles, nous explique Armando De Vincentiis devant les photos de ses robes et chemisiers vaporeux. En jouant ensuite sur les palettes de couleurs proposées par l’ordinateur, j’ai créé des tissus uniques, propres à cette collection.  »

Alors qu’à Milan, où il vit depuis cinq ans, on le qualifie de designer belge, en Belgique on lui prête plutôt une patte  » à l’italienne « .  » J’aime par-dessus tout les petits détails couture, tout ce qui ajoute du volume, de la structure, du relief aussi, justifie-t-il en nous montrant ses feuilles aux reflets dorés, serties de cristaux Swarovski de tailles différentes, qui parcourent le dos d’un long fuseau noir ajusté. Et ça, c’est très italien. Mais j’adore aussi mélanger le velours, le chiffon, le cuir craquelé et l’organdi, ce qui ne se fait pas trop là-bas. Mon côté belge sans doute.  »

A l’époque où il dût choisir une école, ce fût pourtant la fibre du Sud qui l’emporta.  » J’ai passé l’examen d’entrée de l’Académie d’Anvers, se souvient-il. Mais à la fin des deux jours d’épreuve, Walter Van Beirendonck m’a dit que mon style correspondait davantage à Paris ou Milan. J’avais tout juste 21 ans. A cet âge-là, on ne rêve que d’une chose, s’éloigner le plus loin possible de ses parents ! Et puis ma famille est originaire d’Italie. C’est de là que sont venus mes grands-parents. J’ai donc choisi Milan.  »

Pour Armando De Vincentiis, la mode a d’ailleurs toujours été de près ou de loin une affaire familiale.  » Tout petit déjà, j’aimais regarder coudre ma grand-mère maternelle, rappelle le jeune créateur. Elle cousait elle-même ses vêtements en regardant la télévision. J’étais fasciné par l’élégance des présentatrices de la RAI.  » Il sait donc très vite qu’il veut devenir couturier. Mais son père, bien que promoteur de l’Outlet Village de Maasmechelen, ne voit pas au départ la chose d’un bon £il.  » A ses yeux, la mode, c’est du rêve, du vent, pas un métier qui vous apporte de la sécurité, ajoute-t-il encore. Il voulait que je sois architecte, comme lui. Je me suis inscrit à Sint-Lukas. Mais j’ai fini par décrocher.  »

Arrivé à Milan, il suit deux années d’études à l’Istituto Marangoni – d’où sont sortis Domenico Dolce et Franco Mishino – mais il a très vite l’impression d’y perdre son temps.  » Dès le début, j’ai obtenu de très bonnes cotes et j’ai même été sélectionné pour faire un défilé dès la première année, explique-t-il. J’attendais une critique constructive pour pouvoir évoluer. Mais c’était toujours positif, et finalement pas très stimulant. Je n’apprenais rien, et cela coûtait cher. C’est pourquoi j’ai préféré me lancer après la deuxième année.  »

Fort du soutien paternel retrouvé –  » il m’a donné un budget pour financer mes premières collections « , reconnaît-il -, il se lance dans des expériences plus proches de la haute couture (ou tout au moins du sur-mesure de luxe) que du prêt-à-porter. Remarqué par le  » Vogue  » italien qui met en scène une de ses vestes en jeans sexy dans l’une de ses productions de mode, il séduit aussi des présentatrices de la RAI qui lui empruntent des vêtements pour leurs shows télévisés. Dans la foulée, il est admis à la Camera Nazionale della Moda.

 » Je veux continuer à produire mes collections en Italie, insiste ce Limbourgeois de 26 ans. Il n’y a qu’ici que je puisse trouver les ateliers capables de réaliser mes robes de gala.  » Mêlant audacieusement organza et cuir craquelé, sa  » robe à ondes « , l’une des toutes premières pièces qu’il ait créée et que l’on peut encore commander aujourd’hui, a nécessité plus de 500 heures de travail. Depuis lors, Armando De Vincentiis a imaginé d’autres toilettes somptueuses, portées, telles des écrins précieux, lors de la présentation des nouvelles collections des diamantaires Graff, Steinmetz et Rosy Blue.

Conscient qu’il lui faudra simplifier ses modèles s’il veut les diffuser plus largement, Armando De Vincentiis ne rêve pas pour autant de production de masse.  » Je ne fais pas ce métier pour être une star, sourit-il. D’ailleurs, si vous interrogez les gens dans la rue, la plupart ne connaissent pas les noms des designers de mode.  » Son ambition ? Que l’on aime simplement ses créations pour ce qu’elles sont, pour les émotions qu’elles suscitent aussi. L’été prochain, c’est dans un univers très différent qu’il nous fera voyager.  » Je me suis rendu en Afrique du Sud, avec une mission économique, précise encore Armando De Vincentiis. Ce pays m’a vraiment touché. Les enfants surtout. Je sais que j’ai beaucoup reçu. J’aimerais à mon tour faire quelque chose pour les autres.  »

Carnet d’adresses en page 195.

Isabelle Willot

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