Pour rendre le sourire aux villes, quelques joyeux farfelus offrent désormais leurs biens personnels aux foules anonymes. Fou mais pas trop.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Vous allez bientôt passer un petit week-end à Paris ? Mieux, vous serez précisément ce samedi 23 octobre au c£ur de la Ville lumière ? Parfait. Avec un peu de chance, vous tomberez sur une poignée d’individus sympathiques prêts à vous faire des cadeaux. Bizarrement, ils vous proposeront de vous offrir des livres, des disques, des vêtements, des vases, des jeux… Juste comme ça. Pour le plaisir de donner. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’une manifestation caritative, ni d’un happening artistique et, encore moins, d’une caméra cachée. Non, l’objectif de cette opération apparemment loufoque est 100 % gratuit et s’inscrit dans l’étonnante logique du  » Grand Don « . Audacieuse et louable, l’idée est née lors d’un déménagement entre copains. A la fin d’une journée passée à transporter des meubles d’un logis à un autre, les amis en question se sont finalement retrouvés avec une série d’objets dont ils voulaient se séparer. Deux scénarios s’imposaient dès lors à eux : jeter le tout à la poubelle ou donner ces  » beaux restes  » aux passants hagards. Réflexion faite, ils votèrent pour la seconde option et se mirent à distribuer généreusement à des inconnus les derniers bibelots de leur déménagement. Cette expérience unique suscita cris et chuchotements, rires et étonnements, peurs et remerciements, et fut, en vérité, un réel succès. Dopés par cette grande aventure spontanée, la bande de copains nourrit alors le projet de renouveler régulièrement ce principe du grand don et d’en informer les foules anonymes via un site Internet construit à cette fin ( http://granddon.free.fr). Aujourd’hui, les heureux donateurs en sont à leur quatrième rendez-vous parisien et espèrent bien sensibiliser les gens au-delà de l’aspect a priori  » gadget  » de leur initiative. Car derrière la beauté du geste, c’est surtout une prise de conscience des méfaits de la société de consommation que les organisateurs veulent induire. Dans une économie de marché où les rapports d’argent triomphent, il est bienvenu de redonner une place légitime à d’autres valeurs telles que le don et l’altruisme, sans calcul ni arrière-pensée. Un brin surréaliste, cette  » manifestation  » entend donc réintroduire non seulement une notion de plaisir gratuit, mais elle veille surtout à renouer un lien social en réelle perdition. A l’instar des  » flash mobs  » û ces rassemblements éclair dictés par le Net qui secouent les villes depuis un an déjà ( lire Weekend Le Vif/L’Express du 29 août 2003) û, le  » Grand Don  » sert en effet à favoriser les échanges et les rencontres entre des gens qui passent le plus clair de leur temps à se croiser sans se saluer. Bref, en piratant la société avec ce genre d’action gratuite, les grands donateurs cherchent avant tout à sortir le citadin de son  » ultramoderne solitude  » pour le placer au c£ur d’une autre citoyenneté, teintée de joie et de convivialité. Paris et d’autres villes françaises ont déjà succombé aux charmes de cette grande fête collective. Il reste à espérer que le  » Grand Don  » passe désormais notre frontière. Mais après tout, rien ne vous empêche d’offrir déjà aux passants le trop-plein de votre futur déménagement…

Frédéric Brébant

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