Dressing Right, ça claque comme un manifeste. Et c’en est un : pour un vestiaire équitable, pour une mode durable et pour une garde-robe fairtrade mais fashion. Une histoire belge dans un altermonde. Soutenue par Weekend en un défilé précurseur, à la soirée Dirty Dancing (*), ce samedi 6 septembre, au Mirano, à Bruxelles.

Milieu de l’été, l’équipe de Dressing Right vient de mettre en boîte sa collection printemps-été 2009. Des photos très  » matière « , avec palmier doré dans le cadre, façon discothèque seventies et des garçons bien comme il faut, habillés de coton équitable. Tony Delcampe et Thierry Rondenet sont fourbus, mais heureux. Le premier est le directeur artistique de cette toute jeune marque, par ailleurs, collaborateur d’Annemie Verbeke et directeur du département mode de La Cambre, à Bruxelles. Le second est responsable de la troisième année, dans le même département et forme la moitié du duo de créateurs Own. Ils goûtent cet instant entre deux, quand la tension retombe, que le temps s’effiloche lentement. L’un prend la parole, l’autre finit la phrase, un tandem qui se connaît par c£ur pour une collection mode équitable/éthiquable, le pari n’est pas gagné d’avance. A les écouter raconter l’année qui vient de s’écouler, entre l’ébauche de l’idée plutôt géniale et cette séance de photos, tout n’a pas été rose. On aimerait croire aux contes de fées, pourtant dans le meilleur des mondes, il n’en est rien ; alors dans celui-ci, imaginez.

 » On veut du durable « 

Rétroactes. En juillet 2007, Tony Delcampe croise Philippe Lebordais lors d’un cocktail improvisé sur les toits de Flagey. L’ingénieur industriel, qui lança Arrivero Pizza, lui parle de son projet de mode en coton équitable, ils se donnent rendez-vous, se revoient une fois, deux fois, trois fois.  » Il était tellement enthousiaste, se souvient Tony. Et cela correspondait parfaitement à ce que je défends, ce contre quoi je me bats, dérisoirement – le pillage par les grandes enseignes du travail des créateurs et des savoir-faire à travers le monde. Je me suis dit que c’était l’occasion de me lancer dans un projet réel !  » Tony Delcampe est partant pour l’aventure, il se rend compte qu’il ne peut tout assumer tout seul et fait appel à l’équipe. Thierry Rondenet dit  » oui « ,  » parce que c’était Tony et que c’est un beau projet. Il y a du Own dans Dressing Right, la cible et la stratégie sont un peu les mêmes. Et puis la dimension  » équitable  » me tentait – personnellement, politiquement, je ne fais pas grand-chose, je la ramène beaucoup mais je milite peu. Je trouvais donc intéressant de travailler sur ce projet mode et de casser les a priori, le côté baba, un peu ethnique du coton fairtrade.  » Car Dressing Right, c’est un vestiaire masculin relativement classique mais twisté. Impérativement. Son nom affiche la couleur, son projet aussi et en filigrane, sous-tendue, cette idée de développement durable.  » Ce n’est pas une mode gadget, pas une mode qu’on jette « , fait Thierry. Et Tony poursuit :  » Ce vestiaire de base a une approche assez facile du vêtement : on ne part pas dans des élucubrations fantasmées de mode ! On veut du durable, donc par définition, des pièces qu’on a envie de porter de saison en saison, de bonne qualité, avec le bon détail, pas gratuit et une bonne proportion, c’est cela qui importe. « 

Une collection zéro

Au début, il y a un an donc, tout est encore à inventer. Le nom, l’image, la collection qu’ils rêvent Homme et Femme et la filière équitable. Concrètement, équitable, cela veut dire un label Max Havelaar et l’exigence d’une filière entière qui correspondent aux critères, du plant de coton au veston, en passant par l’usine de filature, de tissage et de confection.  » On se rend compte que ce n’est pas un projet utopiste mais presque, lâche Tony. Rien que mettre en place la filière du coton équitable, cela a pris un an. Il faut les reins solides ; Philippe Lebordais a déjà investi dans une collection Hiver complète, Homme et Femme, un catalogue, des salons, l’achat des tissus pour les prototypages. Et puis, il n’a pas été possible d’obtenir la production de l’automne-hiver 08-09…  » Ils repensent à ce shooting fait dans les entrailles de Forest-National, avec les danseurs du Ballet de Béjart et cette collection qu’ils préfèrent désormais appeler zéro et qui ne sera jamais produite. Ils avaient imaginé des poses à la Erwin Wurn, comme les clichés que prend ce photographe surréaliste, des sculptures humaines, tendues dans l’espace, en un équilibre incertain mais si fixe pourtant. En mannequin-vedette, trois danseurs du Béjart Ballet Lausanne avaient enfilé un pantalon, une robe, une veste, une parka, une chemise Dressing Right et avaient pris la pose, c’était bien.

Il a donc fallu laisser dormir la Femme, se concentrer sur la collection Homme et inventer le printemps-été 2009.  » En croisant les doigts « , souligne Tony Delcampe, puisque la filière du coton équitable semble décidément très problématique.  » Il fallait convaincre les tisseurs italiens de travailler avec des qualités de coton africain, malien pour être précis, qu’ils n’achètent généralement pas. Pourtant, il n’est pas de moindre qualité, seul le process est différent. Quand on dit équitable, le lecteur lambda voit des tissages ethniques épais, il n’imagine pas des popelines fines, craquantes… Pourtant, c’est possible ! « 

On les croit sur parole, surtout quand on palpe le printemps-été de Dressing Right. Une collection confondante de subtilité, de finesse, avec coton cachemire, coton huilé, jersey, twill, serge crêpe. Une collection inspirée par les photos de Jackie Nickerson, ex-photographe de mode qui a traversé l’Afrique du Sud et shooté les travailleurs aux champs, sous le cagnard ou les nuages, comme au milieu de nulle part, des portraits impressionnants de dignité et d’élégance. Cela donne un vestiaire équitable dans des pastels, du vert pâle au mauve, en passant par des gris mastic, des gammes de couleurs  » très sensibles « . Thierry Rondenet reconnaît qu’il y a aussi dans Dressing Right, version été,  » un petit truc 1950 « .  » Plus, pour les gammes de couleurs, une inspiration de la peinture réaliste de ces années-là, embraie Tony. Voilà le point de départ. Après on s’est lancé sur une garde-robe qui doit l’être à part entière, donc un manteau, un trench, une veste sport, un costume de ville, des chemises, des tee-shirts.  » Ils savent qu’ils n’ont pas choisi le plus facile. Ils savent que le fairtrade n’est pas un vain mot, que le moment est venu, qu' » il faut que cela puisse exister ! « , qu’ils ont raison, qu’ils sont précurseurs. Ils espèrent juste ne pas être précurseurs prématurément. Rendez-vous le 6 septembre, au Mirano, pour un premier défilé Dressing Right, orchestré par Dirty Dancing (*). L’avant-garde équitable sur un plateau.

A.-F. M. (*) Toutes les informations sur le défilé Weekend/Dressing Right à la soirée Dirty Dancing

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