Terre mythique d’Amérique latine, le Pérou offre un beau mélange de peuples, de paysages et de reliefs. Des côtes désertiques et embrumées aux plateaux des Andes illuminés de ciels sursaturés, le parcours emmène le voyageur de zéro à 4 000 mètres.

Construite au bord des eaux froides du Pacifique, la ville de Lima subit un étrange climat : très sec tout en étant peu ensoleillé. Du moins de juin à octobre, lorsque le brouillard apporté par la  » garua  » la couvre d’un fin crachin venant de la mer. Comme beaucoup de mégapoles du sud, elle a grandi trop vite. Foule, embouteillages et pollution, tel est le décor à traverser dans les quartiers périphériques avant de rejoindre son coeur. Un centre historique qui, malgré les séismes, a gardé de beaux restes et est désormais estampillé patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Comme la plupart des cités fondées par les conquistadores, Lima s’agence autour d’une immense place centrale, la Plaza Mayor, bordée des édifices officiels (résidence du président, cathédrale, palais épiscopal…). D’autres palais, églises et couvents coloniaux sont éparpillés un peu partout dans la vieille ville, mais le quartier qui bouge s’appelle Miraflores. C’est ici, le long de l’océan et de ses (huit !) plages que l’on trouve hôtels, restaurants et bars branchés.

LA  » ROME  » DES INCAS

De la trépidante Lima, il faut moins d’une heure de vol pour atterrir dans un autre monde, au milieu des Andes. L’altitude flirte déjà avec les 3 400 m. Cuzco était la  » Rome  » des Incas et, aujourd’hui encore, elle reste profondément indienne. Par les visages que l’on croise en rue mais aussi par les bâtiments, souvent construits sur les murs aux pierres colossales des maisons incas… que l’on retrouve jusque dans les chambres d’hôtels. Cuzco monte et descend, au point d’en avoir parfois le souffle court. La Plaza de Armas, autour de laquelle se regroupaient autrefois les temples, est peut-être l’une des plus belles d’Amérique du Sud. Bordée d’églises, de palais et de monastères somptueux, elle est superbement éclairée dès la nuit tombée. Coup de coeur aussi pour le quartier San Blas. Ou encore pour le temple du soleil, le Coricancha. Le plus célèbre site de l’Empire inca, couvert d’or, s’élevait ici. L’or n’est bien sûr plus là, mais subsistent les murs aux pierres parfaitement emboîtées.

Au marché, les femmes en habits traditionnels, coiffées d’un melon ( » bombin « ) ou d’un chapeau coloré, vendent ce que mangeaient déjà leurs illustres ancêtres : d’incroyables variétés de pommes de terre (plus de 4 000 sortes sont cultivées au Pérou !), du maïs bleu ou rouge, quantité de fruits et légumes inconnus chez nous, du chocolat pur à 100 % ou même… des cactus hallucinogènes. Et, selon la saison, du  » pan wawa « , le nom quechua du pain brioché, fourré de raisins et de sucre, que l’on offre aux enfants à la Toussaint. Pour l’occasion, les familles se rendent sur les tombes et le dégustent en l’accompagnant des mets préférés des défunts, tout en écoutant leur musique favorite.

CITÉ DES NUAGES

Posté à 2 430 m d’altitude en lisière de l’Amazonie, le Machu Picchu constitue une halte aussi incontournable que fabuleuse. Le scénario diverge rarement : quasiment chaque matin, la brume masque complètement le site puis, tout d’un coup, les nuages sont évacués et la ville fantôme apparaît d’abord par pièces, puis dans sa totalité. Oublié et peu à peu englouti par la forêt, Machu Picchu fait partie de ces mythiques cités perdues, l’une de celles qui a été redécouverte le plus tard, en 1911, par un archéologue américain. Il est resté inaccessible jusqu’à la découverte du chemin de l’inca – un sentier qui relie Cuzco au Machu Picchu – en 1940. Les théories à propos de ses origines sont variées : cité religieuse habitée par des prêtres, résidence impériale, ultime capitale inca… On n’en sait trop rien. Les conquistadores connaissaient son existence mais n’y trouvaient aucun intérêt stratégique. En revanche, les qualités esthétiques du site sont indiscutables. Posé entre deux énormes cônes rocheux, cerclé par la forêt et léché en contrebas par le rio Urubamba, il invite à la contemplation et, aujourd’hui, à une avalanche de clichés. La cité elle-même est l’une des créations urbaines les plus stupéfiantes de l’Empire inca : murailles, terrasses et rampes gigantesques sculptent les escarpements rocheux dont elles paraissent le prolongement. Tout autour, plusieurs sentiers de randonnée vertigineux, dont celui, assez escarpé, qui grimpe au Wayna Picchu, le piton qui surplombe le site et offre une inoubliable vue plongeante.

VALLÉE SACRÉE

La vallée creusée par le rio Urubamba, verdoyante et fertile, était jadis le grenier à céréales de l’Empire inca et porte le nom de Vallée Sacrée. Sur les hauteurs, des villages du bout du monde, comme Chinchero. Un véritable décor de western. Les bâtisses s’imbriquent dans les murs faits d’énormes blocs taillés et ajustés à la perfection, sans ciment. Le marché de produits artisanaux – qui s’y tient les mardi, jeudi et vendredi – est l’un des plus colorés de la région. Plus isolé encore, Tiobamba semble perdu au milieu de l’altiplano. Ce minuscule hameau du village de Maras est construit autour d’une grande église en pisé abandonnée et veillée par quelques lamas. Juste à côté, quelques hommes fabriquent des briques d’adobe avec de la paille et de la boue, comme le faisaient leurs ancêtres il y a des siècles. Les enfants en uniforme d’écolier jouent avec des cerceaux. La halte permet d’offrir à l’instituteur quelques fournitures scolaires bien précieuses sous ces latitudes.

Au loin, on distingue les cimes des Andes encapuchonnées de neiges éternelles. En poursuivant la route vers Maras, les tons changent dès que l’on suit la piste de Las Salinas. Au détour d’un virage, on tombe en arrêt devant un spectacle inattendu : des milliers de grandes taches blanches étincellent sur la cordillère. A flanc de montagne, 4 000 bassins sont alimentés par un rio salé. Vêtues d’habits traditionnels, des familles y récoltent les précieux cristaux. Comme le faisaient déjà les peuples ayant précédé les Incas. Une agréable promenade en équilibre sur les rives des bassins permet d’en parcourir l’entièreté.

LE PEUPLE DU ROSEAU

De Cuzco, la plus belle façon de rejoindre le lac Titicaca, c’est en train. Un fantastique parcours d’une journée à travers l’altiplano désertique. Avec une seule halte, surréaliste, à près de 4 330 m d’altitude, soit au niveau des plus hauts sommets des Alpes, à la chapelle de La Raya, rendue célèbre par le film Le Grand Bleu : à côté, quelques lamas et un mini-marché indien où faire quelques emplettes. En passant par Juliaca puis en arrivant à Puno, le train se faufile entre les maisons et la foule. Les marchands qui ont disposé leurs étals entre les rails retirent les auvents pour les remettre immédiatement après le passage du dernier wagon. On frôle à nouveau les 4 000 m d’altitude à l’approche du lac, l’une des voies navigables les plus hautes de la planète, résidu d’une gigantesque mer préhistorique (dont le sel a été évacué vers les lacs inférieurs pour former les fameux salars de Bolivie). La plus belle façon de l’expérimenter, c’est de séjourner et partager le quotidien des communautés aymaras qui vivent sur le Titicaca, en réalité sur des îles flottantes faites de roseau (totora) ! Troublante impression lorsqu’on pose le pied sur cette couche de trois mètres de ces végétaux tressés, où l’on marche comme sur un gros matelas. Tout – maisons, meubles, barques – est fait de cette plante. Même le filet pour jouer au volley, un sport que les locaux affectionnent. Inutile de dire qu’avec l’oxygène plus rare, cela devient un véritable exploit de tenter de les affronter. 2 500 personnes vivent sur cette Venise péruvienne, sans électricité, en étroit contact avec le lac, de l’élevage des truites et des canards, mais aussi de l’artisanat. Un mode de vie unique au monde, l’occasion de se poser entre le ciel étoilé et l’eau, prisonnier volontaire pour une nuit – ou plus – de cette étrange civilisation du roseau.

PAR ERIC VANCLEYNENBREUGEL

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