La designer Karen Chekerdjian a aménagé cette splendide habitation traditionnelle de façon très contemporaine, tout en gardant l’âme du lieu. Une belle vitrine de son talent, la touche locale en plus.

En ce mois de mai, l’Institut du monde arabe, à Paris, rend hommage au travail de Karen Chekerdjian avec une exposition montrant quelques-unes de ses réalisations les plus remarquables, emblématiquement située à la frontière des cultures (lire par ailleurs). Car la designer est à la fois hypermoderne et parfaitement orientale. Au fil de sa carrière, celle qui au départ ne jurait que par les concepts enseignés dans son école milanaise a appris à jouer de sa double sensibilité et à mettre en valeur ce que le pays du Cèdre pouvait lui apporter.  » Ne bénéficiant que d’une tradition limitée de procédés industriels de fabrication de produits, le Liban ne représentait pas une nation où les prototypes ou croquis pouvaient simplement être envoyés à l’usine afin d’être exécutés. Face à cette réalité, et plutôt que de se laisser décourager, j’ai recherché de nouvelles manières de créer « , précise-t-elle sur son site Internet. Au carrefour des civilisations, dans ce creuset prodigieux où elle est née, où elle vit et travaille, Beyrouth, elle a finalement su inventer un univers élégant et superbe, teinté de couleurs locales. Et si elle va présenter ses oeuvres en bord de Seine, c’est bien chez elle, au coeur des vieux quartiers de la capitale du Liban qu’elle en a donné la plus éclairante expression : sa maison.

Elle a choisi, avec sa petite famille, d’habiter un de ces appartements beyrouthins immenses, lumineux et pourtant protégés des rayons trop éblouissants du soleil. Les plafonds y sont hauts, les pièces particulièrement vastes et organisées autour d’un espace central qui joue à la fois le rôle de hall d’entrée, de petit salon et de galerie d’exposition. Ce lieu hybride distribue le grand salon, la salle à manger, la cuisine, la véranda, la terrasse, le bureau et les chambres.  » De cette manière, nous sommes toujours en contact les uns avec les autres « , commente la propriétaire. Une véritable résidence aristocratique à l’ancienne, d’où il se dégage  » une nonchalance qui me donne l’impression d’être en vacances. La vie semble facile quand on entre ici « , se réjouit-elle.

OBJETS CHOISIS

Les sols – inchangés depuis la construction de la bâtisse – sont en marbre ou en ciment teinté. La noblesse de ces matériaux souligne encore la qualité architecturale de cette imposante demeure bien proportionnée. Karen Chekerdjian a soigneusement respecté la destination des différentes entités, se gardant bien de recompartimenter l’ensemble. Mais elle l’a totalement modernisé, pour s’inscrire dans son temps. Côté mobilier, elle a fait la part belle aux productions des meilleurs concepteurs des XXe et XXIe siècles – en vrac, Gio Ponti, Le Corbusier, Charlotte Perriand, T.H. Robsjohn-Gibbings, Patricia Urquiola, pour n’en citer que quelques-uns… – qu’elle confronte à des trouvailles des plus originales, souvent non signées, comme cette remarquable lampe en teck et métal perforé datant sans doute des années 50. Chaque objet est si harmonieusement intégré dans la composition qu’il semble avoir été conçu spécialement pour ces volumes, comme si la créatrice avait su capter véritablement l’âme du lieu. La pièce de mobilier la plus remarquable est néanmoins cette étonnante chaise longue qui a pris place dans le hall. Ce meuble, qui s’appelle Living space III, joue en même temps le rôle de siège, de table basse et de rangement pour des magazines. Une oeuvre d’art à part entière.

La maison de Beyrouth est encore embellie par un ensemble de peintures, pour l’essentiel signées par des artistes orientaux contemporains. Parmi eux, deux Libanais de renommée, Etel Adnan et Seta Manoukian, qui jouent avec les formes et les lumières de façon presque émouvante. Une touche arty finale à cette belle synthèse entre Orient et Occident.

PAR LUXPRODUCTIONS ET FANNY BOUVRY

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