Imprimés sophistiqués, décors d’artistes, verres rutilants et couleurs flashy… Les grandes marques ne cessent de multiplier les innovations techniques pour habiller parfums et cosmétiques. Pour nous surprendre et titiller nos sens aussi. Revue de détails.

Quand les artistes s’en mêlent…

Parfois, les concepts parfumés (jus, nom, flacon, communication) sont tellement réussis que les marques les considèrent comme des £uvres d’art. Elles n’hésitent donc pas à faire appel au talent d’un artiste renommé pour les doter, le temps d’une édition limitée, d’une valeur ajoutée. Estée Lauder a demandé à Ruben Toledo, peintre, sculpteur et chroniqueur de mode new-yorkais, d’interpréter Pleasures. Frais et léger, ce floral cristallin sans prétention, l’un des plus grands succès de la marque,  » incarne les plaisirs simples de la vie « . Pour Pleasures Artist’s Edition (1), Ruben Toledo a donc évoqué l’atmosphère magique d’un jardin de notre enfance où se cacheraient l’aventure et le jeu. La palette chromatique est simple comme bonjour et décline trois couleurs basiques : le bleu, le rose et l’orange. Trois artistes revisitent le célèbre coquelicot Flowerbykenzo (2). Lorenzo Mattotti met en scène deux amoureux, fascinés par la même fleur. Rébecca Dautremer transforme les coquelicots en fées, tandis que Pierre Mornet présente, à la façon des surréalistes, une jeune fille aux grands yeux noirs au milieu de coquelicots XXL. Trois étuis ont ainsi été redécorés. Chacun d’eux contient une petite toile qui enveloppe le flacon Flowerbykenzo.

Le verre de couleur

Pour échapper à la banalité, certains créateurs ont eu une idée bien judicieuse : décorer l’intérieur du verre et laisser l’effet transparaître à l’extérieur, ce qui implique une prouesse technique. Le concept s’inspire des anciens flacons à priser chinois. Leurs parois intérieures peintes permettaient de mettre le contenu à l’abri des regards indiscrets ! L’idée a séduit Narciso Rodriguez. Pour son premier parfum, le créateur espagnol a choisi un flacon architecturé aux lignes épurées, inspiré par le Bauhaus et Mies Van Der Rohe. Un c£ur noir, enchâssé à l’intérieur, abrite le précieux parfum, une variation sophistiquée autour du musc. Avec Narciso Rodriguez For her (1), on tient en main un objet lisse et laqué, mystérieux, sensuel et extrêmement élégant. Superbe ! Spécialiste des robes de soirée, le créateur espagnol Jésus del Pozo aime le noir. Il le décline dans toutes les nuances, mate ou brillante, opaque ou changeante, brumeuse ou dramatique. Pour habiller J. del Pozo in Black (2), son dernier opus olfactif, il a également osé le noir. Le verre noir opaque, monté sur un socle en aluminium brillant, s’accompagne d’une poire en maille noire. A l’intérieur de cette sphère parfaite coule une fragrance magnétique, mêlant la cerise noire, l’iris noir et le bois de réglisse. Après le noir, le rose. Il habille le flacon de Promesse de Cacharel (3). Une fois de plus, le verre est travaillé de façon étonnante : deux faces sont roses, les deux autres sont transparentes. L’idée ? Créer un dé symbolique avec lequel on pourrait jouer son destin… Et puis, il y a ce petit clin d’£il sympathique sous forme de ruban rose, en forme d’alliance. Invitation au bonheur ? Promesse s’apprête à tourner la tête des garçons avec un délicieux cocktail de mûre, de mandarine, de jasmin Sambac, d’ambre et de musc.

Décors à effets spéciaux

Au royaume des cosmétiques, le décor n’occupe plus seulement la surface des écrins. Il est aujourd’hui intrinsèquement lié à un packaging, en fait partie intégrante et donc est pensé dès la phase de conception. Les spécialistes de l’impression et du traitement de surface nous jouent des tours aussi savants que secrets qui reflètent les tendances les plus avant-gardistes. La dernière idée ? Des imprimés en sérigraphie avec l’aide d’un robot. Tel l’habillage du nouveau parfum Cat Deluxe de Naomi Campbell (1), créé par une agence de design à Sydney. Le chaud imprimé léopard tapisse les deux faces du flacon mais il le fait dans des nuances contrastées de blanc pur et de rose mutin. Le sommet est décoré d’un clip en forme de pompon pelucheux, un clin d’£il à la personnalité glamoureuse et frivole du top model. La fragrance, est une composition puissante et charnelle autour de la violette, boostée par le piquant de la cardamome, la saveur juteuse de la pêche et la chaleur veloutée de la vanille. Même procédé sophistiqué par laquage et sérigraphie pour Brit de Burberry (3) qui interprète le célèbre carreau de la marque britannique. Dedans, une composition qui conjugue l’espièglerie des fruits, la tendresse d’une note dragée et la chaleur d’un fond ambré vanillé. So british ! Piquant et plein de séduction, Miss Me de Stella Cadente (2) mêle le benjoin du Siam et les baumes dans un sillage amandé et vanillé à croquer. Le flacon est un chef-d’£uvre de haute technologie. Le verre, teinté dans la masse de reflets rose parme, se pose et se superpose en profils décalés et se déhanche en mouvements inattendus. Le bouchon, poli à la main, séduit comme une mini-sculpture en cristal lumineux.

La noblesse du verre

Face à la redoutable concurrence des plastiques chics (le PVC, le PET ou le PP), le verre n’a pas dit son dernier mot. Au cours des derniers mois, il a retrouvé ses lettres de noblesse, s’est considérablement sophistiqué et alourdi, jouant des effets de transparence et de volume avec un fond épais, très pur et qualitatif. Sa forme minimaliste est souvent associée à des détails travaillés et luxueux qui prolongent l’allure du concept. Le premier parfum de Prada s’épanouit dans un flacon en verre massif aux lignes fortes. Un bouchon décentré et une plaquette métallique artisanale sur laquelle sont gravés les principaux ingrédients de la fragrance font toute la différence. Une poire à l’ancienne renoue avec les valeurs de la parfumerie traditionnelle. La boîte, très pure, s’orne d’une étiquette en tissu et fait le lien entre le parfum et la mode. Tout nouveau, Prada Tendre (1) réinterprète les composants phares (feuilles de patchouli d’Indonésie, bois de santal d’Inde, labdanum de France et benjoin de Siam) avec plus de légèreté, plus de fraîcheur et plus de fluidité. La styliste Barbara Bui aime les demi-teintes. Le suggéré. Le clair-obscur. Le Parfum de Barbara Bui (2) reflète admirablement ce  » luxe silencieux « . Le flacon est en verre lourd, aux contours doux et simples, tracés rapidement comme une épure. Ou une esquisse. Il y a aussi ce jeu, entre la densité et la transparence. Un jeu dans lequel Barbara Bui excelle. Le jus ? L’encens, l’ambre, le musc et le cèdre s’élèvent dans un halo boisé et mystique, chaud et aérien, forcément contrasté. Stella McCartney adore les parfums et les beaux flacons, conçus comme  » des objets précieux à chérir « . Stella de Stella McCartney (3) se love dans un bel écrin : sculpté en verre lourd et en partie taillé à la main, on dirait du cristal. Comme un bijou, les facettes reflètent le rose délicat du parfum, la couleur prune et la lumière cristalline. Dedans, un somptueux hommage à la rose, infusée de pivoine, de mandarine et d’ambre.

Les packagings des designers

On décèle de plus en plus une volonté d’ouverture aux designers qui travaillent d’habitude le mobilier, les objets… Ils sont nombreux à être régulièrement consultés, même si le nombre de créations est encore timide. Créateur multidisciplinaire, Karim Rashid a une approche holistique et spirituelle du design. Il vient de réinventer tous les flacons de Kenzo, réunis dans la collection Ryoko (1 ) ( » voyage  » en japonais) et présentés comme des galets doux et lisses qu’on glisse dans la poche. Chacun est coloré différemment et évoque une fragrance : Flowerbykenzo, L’eauparKenzo, l’Eauparkenzo pour homme, Summerbykenzo et Kenzopourhomme. Le designer français Fabien Baron, travaille à New York à de nombreux projets. Son dernier opus ? Euphoria de Calvin Klein (2). Le jus est un hymne à la volupté de l’orchidée noire. Le flacon, avec ses lignes surprenantes, évoque donc une orchidée en éclosion. Le flacon se glisse dans un élégant fourreau en aluminium, tout en dévoilant la couleur améthyste du parfum le long de ses courbes transparentes. Le cabochon, argenté et rectangulaire, est la signature architecturée des parfums de Calvin Klein. Patrick Veillet a créé des bijoux étonnants dont les structures en résine biomorphique sont fascinantes. Il tente aussi de redonner vie aux objets en les maquillant, en les traitant de façon plus organique. Son flacon pour My Queen d’Alexander McQueen (3) est une sphère de métal d’où sont enlevés deux éclats pour former un c£ur dans un esprit gothique qui sied au créateur. Le bois de santal donne le ton de la fragrance Kingdom qui révèle, au fil du temps, son puissant sex-appeal. Les deux frères Erwan et Ronan Le Bouroullec dessinent objets et boutiques. Pour la gamme corps d’Issey Miyake (4), ils ont imaginé  » une ligne liée à des volumes qui ne montrent pas leur volume, sans épaisseur, pour créer un petit jeu visuel « . Dedans, des textures divinement moelleuses et sensuelles exhalent les notes vedettes de l’eau d’Issey : le freesia, la pivoine, le nénuphar…

Les flacons des joailliers

Les grands joailliers n’ont pas besoin de suivre les tendances pour concevoir les écrins de leurs parures olfactives. Il suffit de se plonger dans les archives pour y puiser des idées éclatantes. Le dernier exemple ? Délices de Cartier (1). Son flacon extraordinaire s’inspire librement d’une broche, dessinée par le joaillier dans les années 1920. Sa silhouette sphérique évoque la griotte, la vedette de la fragrance. Les parois s’épanouissent en éventail où se succèdent rondeurs délicieuses et pans coupés. La fleur transparente du capot, très stylisée, n’existe pas dans la nature, mais renvoie, de façon symbolique à l’élément floral du parfum, un trio de jasmins différents (un petit clin d’£il aux trois anneaux de Cartier). Flacon bijou et objet de collection, il est irrésistible. C’est en 1988 que Boucheron (2) a imaginé, pour son parfum éponyme, son célèbre flacon en forme de bague. Dix-huit ans plus tard, ce magnifique joyau vient d’être subtilement réactualisé. Le nouveau design accentue la pureté des formes circulaires et met davantage en valeur la sensualité des courbes. Le cabochon saphir (la signature du joaillier) a été épuré avec une forme plus moderne. A l’intérieur coule un jus couleur d’or, luxueux et opulent où se mêlent fleurs précieuses et notes orientales. Van Cleef & Arpels a été le premier joaillier a lancer un parfum. Extrêmement voluptueux, First a été enchâssé dans un magnifique flacon inspiré d’un pendentif de la maison. Après vingt ans de parcours sans faute, ce grand séducteur sait comment booster nos sentiments : en changeant d’habit et en métamorphosant subtilement son jus. L’Eau de Toilette pour l’Eté First de Van Cleef & Arpels (3) rend hommage à la pivoine. Le flacon de couleur rose (aux accents de saphirs roses…) reflète la délicatesse de la fleur qui s’est posée de surcroît en bouquet sur le verre. Une autre édition limitée, appelée First Love, emprunte à l’améthyste ses subtils tons de violet et souligne ses lignes voluptueuses par un col argenté. La graine de paradis, l’osmanthus et la mandarine composent un sillage gourmand et envoûtant.

Barbara Witkowska n

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