Rabelais, Sade, Proust, Coletteà La liste des écrivains gourmets est aussi longue qu’une liste de courses à la veille d’un gueuleton. Il suffit de lire le passionnant dossier que le Magazine littéraire (n°480) de ce mois de novembre consacre aux rencontres entre la gastronomie et la littérature pour achever de s’en convaincre : puissants moteurs à métaphores, les choses de la table font saliver l’imaginaire, chatouillent les fantasmes, (r)éveillent émotions et souvenirs, traduisent goûts et dégoûts. En écho, quelques livres tout chauds mêlant les lettres et la cuisine invitent à se mettre à table avec les grandes plumes. Florilège.

1. Ma langue au chocolat. Recettes gourmandes de la littérature, par Fabienne Gambrelle (Flammarion).

Pour dire son amour du chocolat, l’auteure s’est aventurée chez les écrivains à la recherche des  » vocables cacaotés  » qui truffent çà et là récits et romans. Elle est revenue de cette expédition en bibliothèque avec Ma langue au chocolat . Soit un recueil de récits fantasmant le chocolat mousseux  » que Casanova se faisait servir au lit « , le chocolat chaud qu’Hercule Poirot boit dans les romans d’Agatha Christie, ou encore le chocolat vert d’Amélie Nothomb, en référence à la tablette au thé vert que M. Saito fait goûter à la stagiaire belge dans Stupeurs et tremblements. A chaque univers romanesque, sa recette : le maître chocolatier Michel Richart s’est en effet échiné à retraduire en gâteaux, soufflés et autres crèmes les atmosphères évoquées par Fabienne Gambrelle. Les fans de la littérature russe pourront ainsi déguster un délicieux  » chocolat avant le duel  » inspiré de Pouchkine, les inconditionnels de Roald Dahl,  » aimant chanter en travaillant  » se sustenteront d’un superdélice Wonka à la guimauve et les aficionados d’inventaires à la Perec tenteront de ne pas rater les  » trois charlottes, neuf mousses et quatre gâteaux de l’année 1974 « à

2. Le Thé dans l’encrier, par Gilles Brochard (Arléa).

Dans un esprit moins fantaisiste mais racontant avec la même ferveur la passion d’un produit à l’aune de la littérature, Gilles Brochard, signe chez Arléa Le Thé dans l’encrier . Une ode aux infusions, écrite avec la permission des Nietzsche donnant des leçons de dégustation adéquate du breuvage, Marcel Proust y trempant sa célèbre madeleine, et autres Jean Genet chez qui  » il y a toujours la place pour une tasse de thé « .

3. La soupe de Kafka, par Mark Crick (J’ai Lu).

Enfin, on ne peut en aucun cas manquer la parution en livre de poche de La Soupe de Kafka. Une histoire complète de la littérature mondiale en 16 recettes, signée Mark Crick. Compilation jubilatoire de pastiches de Gabriel García Márquez, Virginia Woolf, John Steinbeck, etc., ce petit ouvrage se sert de recettes pour réécrire les classiques à sa sauce. Savoureuse s’il en est. Exemple : la soupe Miso à la Franz Kafka. Ce qui donne :  » K. se fit la réflexion que si un homme n’est pas toujours sur ses gardes, ce genre de choses pouvait arriver. Ouvrant le réfrigérateur, il le trouva complètement vide, à part quelques champignons qu’il commença à couper en morceaux. Ses invités étaient assis à table, en train de l’attendre et ils n’avaient presque rien à leur offrir. Mais étaient-ils vraiment invités où étaient-ils arrivés là sans être conviés ?  » On ne vous raconte pas la fin de l’histoire, naturellement. Vous l’apprendrez face à votre casserole. Une fois la soupe chaude et prête à servir.

Baudouin Galler

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