Habillée de mélèze et d’ardoises, elle séduit aussi par ses lignes ingénieuses. L’architecte Jean Leclercq a dessiné une maison claire et graphique qui, par son goût du dépouillement et de la rigueur, affiche un classicisme intemporel.

Tout autour, des villas bourgeoises et classiques cachent jalousement leur intimité derrière leurs murs épais de pierres et de briques. Et puis, on remarque cette maison, singulière et audacieuse. Elle est habillée de bois et d’ardoises, percée d’immenses baies vitrées et donc ouverte, largement, vers l’extérieur. Jean Leclercq, un jeune architecte bruxellois, l’a dessinée pour la famille de son frère. Les maîtres des lieux souhaitaient une construction contemporaine, ouverte, fluide, conviviale et baignée de clarté. Le premier projet, très novateur, était coiffé d’un toit plat. Hélas, il a rencontré un refus catégorique des autorités. Les prescriptions urbanistiques de la région, très sévères, imposent, en effet, à toutes les constructions nouvelles, un toit en pente. Cette obligation pose évidemment un problème de perte d’espace à l’étage. Pour parer à cette contrariété, l’architecte a incliné carrément l’une des façades, celle qui comporte la porte d’entrée. Sa partie supérieure se penche légèrement vers l’avant et le volume de l’étage paraît plus grand, comme dilaté. L’autre singularité de cette façade principale ? Le parti pris de travailler avec une  » peau  » continue. Le recouvrement en ardoise synthétique se prolonge sur tout le toit et forme une espèce de  » carapace  » protectrice, dense et opaque. En revanche, la façade opposée, habillée de mélèze, est légère et très graphique. De généreuses ouvertures offrent une vue magnifique sur la nature environnante. Le toit plat n’est pas la seule contrariété à laquelle l’architecte a été confronté. Dans ce quartier résidentiel, les garages doivent être obligatoirement intégrés à la maison. Les propriétaires ont opposé un refus très net à cette obligation. Jean Leclercq a trouvé, une fois de plus, une solution bien astucieuse. Le garage a été installé à l’intérieur d’une grande  » boîte  » recouverte également d’ardoises et reliée à la maison par une terrasse en bois. L’unité de l’ensemble est ainsi sauve. De plus, l’architecte a conçu la terrasse de façon à ce qu’elle évoque une ambiance  » patio « .

La liste des contrariétés ne s’arrête pas là. La situation du terrain a obligé l’architecte à procéder d’une façon peu conventionnelle. Le plus souvent, le sud est derrière la maison. Or, ici, il se trouve côté rue. D’où le parti pris de Jean Leclercq de travailler dans la longueur du terrain et d’aménager deux terrasses. La terrasse du soir est orientée côté sud, plus proche de la rue. Celle du matin, orientée vers l’est, se trouve derrière la maison.

En franchissant le seuil, on remarque, à gauche, le bloc technique, réunissant le vestiaire, le W.-C. et un petit garde-manger. En levant la tête, on a un excellent aperçu de la façade  » fuyante  » vers l’avant. Mais l’£il est déjà attiré par ce grand espace fluide et ouvert où l’on circule en liberté. Le regard embrasse la salle à manger, la cuisine et le salon, puis s’évade très loin, vers la terrasse et la verdure.  » Nous avons travaillé avec un budget serré, note Jean Leclercq. D’où le choix de valoriser plutôt les espaces et les surfaces que les finitions.  » Le sol est en béton lissé, puis huilé. Ce matériau d’une esthétique très contemporaine présente aussi l’avantage d’être peu onéreux. Le blanc est un autre parti pris économique. La lumière ricoche sur les murs et les plafonds et amplifie davantage la clarté qui s’engouffre déjà généreusement par d’immenses baies vitrées. Solides, épais et très présents, les châssis en mélèze ajoutent une note traditionnelle et rassurante, dans cet ensemble aérien et transparent.

La structure de la maison est soutenue par quatre colonnes métalliques. Partout ailleurs, c’est le règne du bois. Le mélèze est privilégié, mais on remarque aussi la présence du pin polonais. Ce matériau est encore peu utilisé dans les intérieurs belges. Pourtant, ce bois très blond, dépourvu de n£uds, ne manque pas de chaleur, tandis que ses dessins sinueux créent une belle animation de la surface. Ici, il recouvre le manteau de la cheminée, ainsi que le comptoir-vaisselier, séparant la cuisine de la salle à manger. Le bois a été simplement huilé et demande peu d’entretien. Le mobilier ? Il se résume à l’essentiel. L’architecture de la maison ainsi que la vue extérieure sont si captivantes que l’£il n’éprouve pas le besoin d’être accaparé par la contemplation d’objets et de bibelots. En s’avançant vers la cuisine, on découvre une série de rangements très simples. Tout est astucieux et fonctionnel. Les ustensiles, les appareils se trouvent à portée de la main. Dans la cuisine, les perspectives sont bien dégagées et la maîtresse des lieux n’a aucun mal à bavarder avec la famille ou surveiller les enfants, tout en préparant les repas. Dans le fond, un sympathique coin petit déjeuner, réunit la famille dans une ambiance plus intime.

A l’étage, on retrouve la même simplicité des matériaux, la même recherche de dépouillement et de rigueur. Le sol est recouvert de panneaux multiplex en pin polonais. On a renoncé aux chambranles : les portes ont été réalisées en ébrasement. Cette solution économique se double d’une valeur ajoutée esthétique certaine. L’espace de l’étage bénéficie largement de la luminosité venant du rez-de-chaussée, des ouvertures astucieuses dans la toiture ajoutent des jeux de lumière ponctuels et supplémentaires.  » C’est un projet qui a demandé beaucoup de temps, conclut Jean Leclercq. L’étude de la lumière fut, surtout, longue et laborieuse. Cela dit, il me semble que nous avons atteint notre but : une maison où l’espace, la lumière et la mobilité jouent les vraies vedettes.  » Les maîtres des lieux, ravis, ne peuvent pas dire le contraire.

Barbara Witkowska

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