Barbara Witkowska Journaliste

L’architecte Daniel Dethier bouscule les habitudes et bâtit une maison en verre au milieu de la campagne verviétoise… Ce projet original et insolite a été couronné par l’Award 2001 de l’architecture belge.

Autour de Verviers, les prairies vallonnées s’étendent à l’infini. Dans ce cadre paisible, au charme éternel et immuable, l’architecte liégeois Daniel Dethier a bâti un lieu résolument contemporain, digne du IIIe millénaire. La transparence règne en maître absolu. La maison, un parallélépipède de métal et de verre, est très ouverte et ne comporte quasi aucune porte. On circule avec la plus grande liberté d’une zone à l’autre. Partout, la nudité, la transparence, la rigueur. Les angles et la disparité des volumes s’effacent. On a le sentiment de flotter dans un endroit imaginaire, entre le ciel, l’herbe et les arbres.

Kathleen Ortmans et Michel Denis vivaient dans un appartement à Liège, lorsque l’ocassion s’est présentée d’acquérir ce terrain magnifique, très bien situé, dans un endroit de rêve. Ils décident alors d’y faire construire  » un appartement à la campagne « , clair, spacieux, en communion parfaite avec la nature environnante. Le contact avec Daniel Dethier se fait d’emblée très complice. L’architecte écoute, essaie d’être pragmatique et sensible aux problèmes de budget et de délais, décrypte les besoins et finit par proposer une maison insolite, entièrement vitrée, une sorte de grand loft, n’ayant rien à cacher.  » Les maisons qu’on conçoit et qu’on construit, ne correspondent plus à notre mode de vie!  » Daniel Dethier ne mâche pas ses mots.  » Les matériaux classiques, la brique par exemple, coûtent cher, sont dépassés, affirme l’architecte. Les murs épais de 30 cm empiètent sur l’espace. Ici, les murs extérieurs sont très fins: ils ont trois centimètres. Dans la région wallonne, la fermette est toujours l’archétype dans la construction. Il s’agit d’une référence faussée. Il faut aller vers des choses plus essentielles. Maison laide ou maison belle? Cette distinction n’est plus tellement importante, il faut partir vers des concepts qui correspondent et s’adaptent au mode de vie actuel « .

Daniel Dethier ne se contente pas de lancer des théories. Il apporte des solutions concrètes. Une maison sur pilotis, pour commencer. On ne retourne pas le sol, on n’y enterre pas de  » déchets « . On est doux avec la terre, on la respecte. Industrialisée et préfabriquée, la maison du IIIe millénaire est montée sur place avec des matériaux contemporains. Aérienne, légère, très bien isolée, elle est chauffée par le sol. Les façades de verre opalin (sablé) nécessitent peu d’entretien. Conçue comme évolutive, l’habitation peut être très facilement agrandie. Maison de verre, elle est également  » verte « . Petit à petit, les façades sud et ouest vont se couvrir de végétation. L’architecte a prévu des câbles permettant le développement et l’épanouissement de la vigne. Les feuilles apporteront l’ombre en été. En hiver, après la chute des feuilles, les façades s’animeront d’ombres colorées. Dernière nouveauté? A l’inverse des maisons traditionnelles, où la toiture sert de  » parapluie « , Daniel Dethier a conçu un toit-entonnoir, recouvert d’une végétation de plantes grasses. L’eau de pluie est filtrée et prête à être employée.

A l’intérieur, Daniel Dethier continue à bousculer les habitudes et à chahuter les routines tout en proposant des solutions plus adéquates avec le mode de vie évolutif. Le sas d’entrée? Pas vraiment indispensable. Son absence permet, en plus, de récupérer des mètres carrés précieux. Les couloirs sont inexistants, c’est une autre façon d’optimaliser les volumes. La cuisine? Minimaliste, dans tous les sens du terme.  » Aujourd’hui, les gens actifs ne s’embarrassent pas de longues préparations culinaires. On privilégie les plats surgelés « , argumente l’architecte.

Daniel Dethier annonce également le retour de l’alcôve. La chambre des maîtres des lieux est donc une véritable alcôve de 4 m2. Cachée, pendant la journée, derrière une porte coulissante, elle s’ouvre, la nuit, sur la nature environnante.  » La chambre classique est, en général, quatre fois plus grande, souligne l’architecte. Ce qui correspond à un certain coût, au mètre carré. En économisant ce montant, on peut l’investir ailleurs, dans le volume ou dans l’espace Internet, par exemple « . La chambre du fils, plus grande, aménagée dans une des extrémités de la maison, au-dessus du garage, lui offre une autonomie totale.

Ce projet audacieux et vraiment innovant n’est pas passé inaperçu. Lors du concours  » Emerging Architecture « , organisé par le magazine  » The Architectural Review  » et destiné aux architectes de moins de 45 ans, la maison de Daniel Dethier a décroché un des quatorze prix octroyés à une réalisation  » jugée particulièrement prometteuse et intéressante pour l’avenir  » (NDLR: ce concours a attiré plus de 700 projets en provenance de 60 pays). Le nouveau concept écologique a traversé également les océans. Daniel Dethier a été invité à le réitérer… en Australie. Une architecture wallonne à la pointe des tendances et qui s’exporte, voilà qui mérite bien d’être souligné.

Barbara Witkowska

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