Légume typiquement belge, le chicon a une histoire presque aussi longue que celle de notre pays. Et si on bousculait un peu les habitudes en le mariant à d’autres ingrédients que les traditionnels jambon et béchamel ? Nos recettes tout en saveurs.

Lorsqu’on cherche à démêler l’histoire d’une plante comestible, il est souvent bien difficile de distinguer légendes et réalité… et la découverte du chicon ne fait pas exception. La tradition affirme ainsi qu’en 1830, au moment de la révolte qui a mené à l’indépendance de notre pays, un paysan belge du nom de Jan Brammens aurait dissimulé des racines de chicorée sous une fine couche de terre. Le temps que le calme revienne dans la région, la plante avait produit de petites feuilles blanches, tendres et doucereuses, qui auraient inspiré à l’agriculteur le nom de  » wit loof « , blanc feuillage.

Si nul ne sait exactement quelle est la part de vérité dans cette anecdote, il est en revanche établi qu’un certain Frans Breziers, £uvrant, lui, au Jardin botanique de Bruxelles, est parvenu en 1850 à faire pousser des feuilles sur les racines de Cichorium intybus ; dans la foulée, il a également observé que trois facteurs – l’obscurité, l’humidité et la chaleur – étaient déterminants pour préserver la blancheur des feuilles. Proposé pour la première fois à la vente sur le marché de Bruxelles en 1867, ce nouveau légume allait connaître un succès croissant – et à son heure de gloire, durant la première moitié du XXe siècle, il recevra même le surnom d’  » or blanc  » !

LA TERRE OU L’EAU ?

Dans notre pays, c’est le triangle Bruxelles-Malines- Louvain qui forme aujourd’hui le fief de la culture du chicon, dont le centre névralgique se trouve à Kampenhout. Alors que le légume était autrefois cultivé exclusivement en pleine terre, une grande partie de la production (90 %) provient désormais de l’hydroculture ou culture hydroponique. Les chicons de pleine terre, très appréciés pour leur goût plus fort et leur texture plus ferme, sont de véritables délices ; profitez-en lorsqu’ils sont disponibles, car la saison ne dure que de septembre à mai.

Dans un premier temps, la culture du chicon de pleine terre est comparable à celle du chicon d’hydroculture : en mai, les graines sont semées en plein air sur des buttes ou ados (bandes de terre surélevées). Le sol très calcaire de la région se prête particulièrement bien au développement des racines. Lorsque celles-ci ont atteint leur pleine maturité, vers le mois de septembre, elles sont récoltées ( » arrachées « ) et mises au repos durant quelques jours avant d’être repiquées – une étape qui semble bénéfique à la texture du légume. Le chicon de pleine terre est ensuite replanté dans une tranchée et recouvert d’une couche de terre de 15 à 20 cm. Un système de chauffage circule directement sous les racines. En fonction de la période de l’année (automne ou hiver), le développement de la plante peut prendre de trois semaines à quelques mois. Une fois à maturité, les chicons sont récoltés à la main, inspectés et emballés. Le processus de culture se déroule entièrement à l’air libre et exige beaucoup de travail, ce qui explique que le chicon de pleine terre soit plus cher et plus exclusif que son équivalent issu de la culture hydroponique. Ceux qui sont produits à Bruxelles et dans le Brabant flamand bénéficient d’ailleurs même du label européen  » indication géographique protégée « .

En hydroculture, les racines sont placées dans des bacs contenant cinq centimètres d’eau, qui est maintenue à une température constante de 16 °C et contient également des engrais. Les chicons atteignent leur pleine maturité en trois semaines et sont récoltés à la machine. Précisons également qu’une partie seulement des racines sont immédiatement mises en culture : le reste est conservé au frais pour être utilisé plus tard, ce qui permet de produire des chicons toute l’année durant. Ce mode de culture se déroule à l’intérieur, dans des hangars, et repose en grande partie sur des machines ; elle demande donc beaucoup moins de labeur.

EN CUISINE

Les roulades au jambon gratinées sont sans aucun doute la plus célèbre des préparations à base de chicons… mais comme la plupart des classiques, cette recette indémodable a grand besoin d’une touche de nouveauté. Pourquoi ne pas remplacer le jambon cuit par du lard ou du prosciutto et le fromage râpé par un bon bleu ou un crottin de chèvre, avant d’égayer le tout de noix grillées, d’un mélange d’herbes fraîches hachées ou d’un soupçon d’alcool (bière, vin blanc, liqueur, etc.) ? Et si vous préférez une version plus  » light « , laissez tomber la béchamel ! Par ailleurs, pourquoi ne pas vous inspirer des ingrédients pour concocter un plat complètement différent, comme une soupe aux délicats arômes italiens (recette en page 59).

À cause de son amertume caractéristique, le chicon est aussi souvent braisé avec une pincée de sucre, jusqu’à être légèrement caramélisé. Cette même association douce-amère se retrouve du reste dans une série de mariages réussis avec des fruits tels que la pomme, la poire et surtout l’orange. En confit, le chicon et l’orange accompagnent par exemple agréablement le canard (pour une variante originale du traditionnel canard à l’orange), mais aussi les poissons blancs comme le loup de mer. Ajoutons qu’il n’est pas indispensable de braiser les chicons pour les caraméliser. Utilisez-les par exemple dans une tarte tatin, une recette qui convient aussi bien aux fruits qu’aux légumes et que vous agrémenterez avec quelques miettes de fromage bleu pour en équilibrer parfaitement les saveurs.

Le chicon est également délicieux cru – et c’est même sous cette forme qu’il se marie le mieux avec les fruits. Combinez-le par exemple avec des pommes sucrées, des noix grillées et du céleri vert pour une variante de la salade waldorf qui mettra tout particulièrement en valeur son amertume. Pour les vrais amateurs !

PAR VEERLE DE POOTER

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