Il était une fois une île en bordure d’Europe où les légendes des Vikings et des pêcheurs pérennisaient les souvenirs d’elfes et de trolls. Un pays où les nuages de poussière atteignent la stratosphère et où la nature est tellement belle qu’elle semble presque irréelle.

On a beau s’y attendre, la surprise est toujours aussi forte lorsqu’on débarque pour la première fois sur cette île de l’Atlantique Nord au paysage lunaire et volcanique, sorte de désert de pierres parsemé de roches noircies et de luxuriants lichens. Ici, aucun habitant ne s’installe à l’intérieur du pays, où la chaîne de montagnes s’enveloppe d’un épais brouillard : les yeux rivés sur l’océan, les Islandais vivent à Reykjavik ou sur une bande étroite le long de la côte.

Géologiquement très jeune, l’Islande fascine par son bouillonnement perpétuel. Les geysers crachent ponctuellement leur vapeur à des dizaines de mètres de hauteur. Parfois, la terre tremble ou un volcan émet une coulée de lave issue des entrailles de la terre. Et depuis le 20 mars dernier, la planète entière a les yeux rivés sur l’Eyjafjöll dont l’éruption génère ces nuages de cendres entraînant d’importantes perturbations dans le transport aérien.

Halte incontournable sur la route menant de l’aéroport de Reykjavik au centre-ville : le célèbre Lagon Bleu semble issu d’ Alice au Pays des Merveilles. Dans la vapeur du froid glacial, l’eau turquoise aux nombreuses vertus de cette station thermale se fraie un chemin entre les roches couleur noir de jais. Les baigneurs s’enduisent d’argile blanche de la tête aux pieds, flottent dans le bain à bulles chaud et laissent leur esprit divaguer face au paysage qui les entoure. Comme dans un rêve fiévreux, les couleurs paraissent irréelles.

Pister les elfes

 » Environ la moitié des Islandais est convaincue que les elfes existent vraiment, souffle Sigurbjörg Karlsdttir. L’autre moitié ne sait pas quoi penser mais presque personne n’ose nier formellement leur existence.  » Avec son chapeau pointu rouge et ses yeux rieurs, Sigurbjörg propose, depuis de nombreuses années, des visites guidées dans Hafnarfjördur, la capitale des elfes, où l’on peut admirer leur palais, une falaise surplombant les maisons, mais aussi chercher leurs traces dans le parc de cette ville située à 10 kilomètres au sud de Ryekjavik. La probabilité d’en apercevoir reste cependant faible puisqu’elles n’apparaîtraient en moyenne que quatre nuits par an, aux alentours de minuit.

Dans ce pays où le soleil luit plusieurs mois d’affilée avant que la nuit ne prenne le pouvoir, rêve et réalité se côtoient étroitement.  » Il vous est sûrement déjà arrivé de chercher, affolé, votre gsm ou vos clés partout et de les retrouver tout à coup dans l’endroit le plus improbable. Cette simple situation prouve que les elfes existent, affirme sans ciller Sigurbjörg. Elles aiment taquiner les humains et tout en se faisant invisibles, elles vivent dans les roches et montagnes islandaises. « 

Snorri Sturluson (1179-1241) propose une autre version de la légende et prétend que les elfes vivent dans l’un des cieux avec Odin. La vie de ce grand poète – le seul poète médiéval islandais connu, tous les chroniqueurs de la période légendaire étant anonymes – fut encore plus improbable que ses contes fantastiques mettant en scène Odin, Thor ou Freya. C’est lui, en effet, qui créa l’imaginaire contemporain du royaume germanique des dieux.  » À cette époque, les langues parlées en Scandinavie, dans le nord de l’Allemagne ou en Angleterre étaient très similaires, précise la chercheuse norvégienne Evy Tveter du Snorrastofa, un musée situé à Reykholt et dédié au poète de la patrie. Et ce n’est pas pour rien que le mot « saga » soit d’origine islandaise. Les récits légendaires racontant les premiers siècles d’invasion humaine, lorsque les fermiers norvégiens quittèrent leur royaume et colonisèrent cette île dont pléthore « . Dans Heimskringla, Snorri Sturluson – qui fut élu deux fois  » orateur législatif  » à l’Alpingi, le premier parlement islandais – narre la merveilleuse histoire des rois norvégiens :  » La littérature était un créneau intéressant à exploiter car qui chante les louanges du roi est largement récompensé.  »

A Borgarnes, à 66 km au nord de Reykjavik, l’Icelandic Settlement Center révèle non seulement les débuts de la colonisation mais aussi les péripéties du cruel Viking Egill Skallagrimsson qui commit son premier meurtre à l’âge de 8 ans. Toute sa vie ne fut que violence et vols, ce qui lui assura une fortune colossale. Grâce à un poème dédié au roi, le Viking échappa cependant à la potence. Sturluson eut moins de chance. L’écrivain mourut, poignardé une nuit sur ordre du roi de Norvège dont il avait pourtant fait l’éloge. Le trésor d’Egill serait toujours enterré quelque part dans le désert. L’héritage de Snorri est, lui, bien visible tout comme celui d’Odin.  » Saviez-vous que Tolkien avait été éduqué par une jeune fille au pair islandaise ? L’inspiration du Seigneur des Anneaux a été directement puisée ici « . Et la matière est riche, chaque endroit de l’Islande semblant avoir une origine légendaire.

Se balader dans le Golden Circle

Les principaux lieux touristiques sont rassemblés dans ce que l’on appelle le Golden Circle (le Cercle d’Or), dans le sud du pays. Ainsi, Gullfoss consiste en une succession de deux chutes d’eau spectaculaires situées sur la rivière Hvítá. A proximité se trouve la vallée d’Haukadalur, un domaine géothermique hautement actif. Si le Grand Geysir, qui donna son nom à l’ensemble des geysers, n’est plus actif depuis plusieurs années, le Stokkur, lui, crache, toutes les cinq minutes environ, une colonne de vapeur de vingt mètres de hauteur. Là où la source d’eau chaude émerge, une bulle de couleur bleu cobalt gonfle lentement avant d’exploser avec violence, offrant un spectacle époustouflant.

Thingvellir, situé à environ cinquante kilomètres à l’est de Reykjavik, constitue la dernière étape du Golden Circle.  » À aucun autre endroit dans le monde, on ne peut voir à la surface la collision des plaques tectoniques américaine et européenne, explique le guide. L’Islande se trouve en outre sur un hot spot, c’est-à-dire un endroit où le magma est particulièrement épais sous la surface de la terre. « 

Les colons étaient-ils au courant de l’existence de ce sous-sol singulier lorsqu’ils choisirent cette plaine en l’an 930 pour y établir l’Alpingi, le premier parlement islandais dont les membres se réunissaient chaque été jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ? Si dès 1798, le parlement déménagea vers la capitale, les Islandais se rassemblent néanmoins toujours à Thingvellir pour les occasions importantes. En 1874, les mille ans de colonisation y furent commémorés et la première constitution présentée. En 1930 fut célébré dans cette plaine l’anniversaire du millénaire de l’Alpingi. Quant à la république moderne, c’est ici qu’elle fut proclamée le 17 juin 1944.

En Islande, tradition, légende et modernité sont indissociables. Depuis la nuit des temps.

Par Jo Fransen

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