Entre parenthèses

nicolas.balmet@levif.be © NICOLAS BALMET

Je m’en souviens comme si c’était avant-hier. Le soir où le gouvernement annonça que cette teigne de virus allait nous contraindre à rester chez nous  » jusqu’à nouvel ordre « , j’étais au restaurant. Avec quelques amis. Une enseigne italienne. Du bon vin, forcément. Une tagliata de boeuf avec une cocotte de légumes. Et puis un dessert, mais là, j’avoue que j’ai oublié lequel. On parlait évidemment beaucoup de la période à venir. La quarantaine, et tout ça. Les écoles qui allaient fermer, le boulot qui allait  » probablement  » se transformer en télétravail. Et plein de petites questions dont on n’avait pas vraiment la réponse, mais ce n’était pas bien grave, parce qu’on n’imaginait pas une seule seconde que cette situation durerait des plombes. L’ambiance était cool. A un moment, on s’est même dit que, nondidju, ces Italiens étaient vachement doués en cuisine (et en limoncello). Puis, en guise d’arrivederci, on s’est carrément fait la bise.

Notre vie sociale déchante, mais le printemps chante. En attendant que les violons s’accordent, on pimente notre quotidien comme on peut… et comme on veut.

Plusieurs années ont passé. En sensation, du moins. Aujourd’hui, un peu partout, une question brûle les lèvres :  » Quand tout ça sera fini, que feras-tu en premier ?  » Une interrogation perturbante, sorte de mélange entre le  » Qu’est-ce que tu voudras faire quand tu seras grand ?  » de Jacques Martin et le  » Si on devait mourir demain, toi tu ferais quoi ?  » de Pascal Obispo. Passons sur mes références en matière de philosophie : chacun ses maîtres à penser. Quoi qu’il en soit, le débat qui se déroule actuellement dans mon cerveau est intense. Ma toute première action, quand on reprendra le cours totalement normal de nos existences ? Pour être honnête, je commence par me brosser les dents : après deux mois, c’est le minimum. Ensuite, je crois que je sors dans la rue, que je lève mes poings vers le ciel et que je crie très fort  » Adrièèèène !  » comme si j’étais Rocky et que j’avais gagné le combat le plus important de ma vie (alors qu’en fait, j’ai surtout regardé LN24 à la télé). D’ailleurs, juste après, je passe un petit coup de fil à Sylvester Stallone pour lui demander (gentiment) de mettre fin à la vie terrestre des pangolins. Après, il va sans dire que je me remets au sport : si mes calculs sont bons, pour perdre le superflu, je dois faire environ 58 allers-retours entre mon domicile et New Delhi (non, pas le Delhaize, la ville) à cloche-pied. Suite à cela, je m’en vais avouer toute la vérité, rien que la vérité à mon voisin :  » Désolé, mais tes reprises de Pierre Bachelet tous les soirs sur ton balcon, c’était hyper soûlant, voire flippant.  » Bien sûr, je vais également souhaiter un joyeux Noël à mes parents. Je me réserve aussi un petit resto italien, avec mes amis de jadis, en espérant qu’ils se souviennent de moi. Enfin, je retourne au cinéma avec ma chère moitié, profiter d’un film en Dolby Digital Surround. En même temps, je dis ça, mais un doute m’envahit : quelqu’un sait si ça existe toujours, les cinémas ? Et les salles de concert, y en a encore ? Parce que dans le fond, maintenant que j’y pense, les artistes, ils ont survécu ou pas ? Sinon, bien sûr, je reste chez moi et je me fais livrer une pizza, tant pis, la vraie vie recommencera une autre fois.

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