Patrimoine architectural exceptionnel, jalonné de tables savoureuses… Serties dans des paysages à couper le souffle, ces deux cités cachent des trésors. Ce 30 juillet 2005, notre troisième Samedi Vif vous propose un rendez-vous avec la légendaire hospitalité liégeoise.

A Theux, les amoureux des belles  » vieilles pierres  » vont se régaler. Les demeures élégantes se suivent et ne se ressemblent pas. Voici la première et la plus importante. Construite en 1630, en briques et pierres dans le style Renaissance mosane, elle abrite la maison communale. On admire, sous la toiture, les consoles décorées de glands, les fenêtres à meneaux, à croisées de pierre, divisées en quatre, et les étages soulignés horizontalement avec des cordons de pierre calcaire. Le peintre Georges Lebrun, connu pour ses paysages intimistes de la Fagne, y vécut à la fin du xixe siècle.

Acquise en 1962, par l’administration communale, délaissant le  » vrai  » hôtel de ville au Syndicat d’initiative, juste à côté et dont la silhouette gracieuse dans le style Louis XVI a été dessinée en 1770 par l’architecte Barthélemy Digneffe. Placée à un carrefour, la bâtisse épouse parfaitement sa courbe. Admirablement restaurée il y a peu, la façade a été repeinte avec des couleurs fraîches, retrouvant, ainsi, son allure d’époque. En empruntant la rue de la Chaussée, la plus ancienne rue de Theux, on découvre avec émerveillement un  » véritable musée d’architecture en plein air « . Le xviie siècle avec son style mosan y côtoie avec bonheur le xviiie siècle, caractérisé par les styles Louis XV et Louis XVI. La pureté flirte avec la fantaisie. La variété des décors se double d’un éclectisme des détails. On admire les magnifiques façades de l’ancien hôtel Dandrimont (aujourd’hui une maison de repos), de la maison Lezaak, du presbytère et de l’hôtel particulier de Limbourg. Ce dernier a été remanié par l’architecte Barthélemy Digneffe pour Jean-Philippe de Limbourg. Homme d’affaires, médecin et bourgmestre de Theux à onze reprises, Jean-Philippe de Limbourg, homme de plume, s’est rendu célèbre dans toute l’Europe grâce à ses ouvrages qui vantaient la qualité des eaux de Spa. Ses descendants directs habitent toujours cette belle demeure. Bien entendu, on ne la visite pas. En revanche, du cimetière voisin, on peut jeter un coup d’£il panoramique sur le somptueux jardin à la française. Une merveille !

L’église de Theux recèle plusieurs points forts et mérite une attention particulière. A l’extérieur, on lèvera les yeux vers la tour carrée coiffée de  » hourds « . Construits en bois en 1350, ils dépassent la maçonnerie ce qui permet la défense de l’édifice. Seulement deux églises en Belgique ont ce type de toiture : Theux et Bastogne. A l’intérieur, on découvre les trois nefs qui ont la même hauteur (en général, les nefs latérales sont plus basses), un style d’architecture sacrée baptisé  » église halle  » et dont Theux est le seul exemple entre la Loire et le Rhin. Ici, les fenêtres sont percées uniquement dans les nefs latérales. Des piliers énormes dégagent les bas-côtés et un plafond peint admirable brosse des scènes de la vie du Christ et de la Vierge. Les peintures ont été effectuées au xviie siècle, à l’époque baroque, époque d’opulence où il était de bon ton d’afficher ses richesses.

Le centre-ville de Theux est coquet et pimpant. Les trottoirs, fraîchement refaits, incitent à la balade. On flâne dans le quartier de la Bouxherie, jadis centre nerveux d’un complexe industriel particulièrement actif et qui comptait une tannerie, un lavoir à laine, des courroieries et des forges. L’industrie métallurgique y était florissante. Lorsque le minerai s’est épuisé, les forges se sont reconverties en platineries (système à martinet actionné par la force hydraulique). Les batteries de cuisine portant le label de Theux étaient fameuses dans toute l’Europe. Aujourd’hui, les industries appartiennent au passé. Il reste quelques très beaux bâtiments, dont cette élégante maison de maître de forge, datant de 1650. Tout le quartier subit à présent un impressionnant lifting, dans le souci de préserver ce patrimoine unique.

Cap, ensuite, sur Franchimont, témoin de l’architecture médiévale de la région. Les ruines du célèbre château, construit sur et dans le rocher, se dressent au sommet d’une colline haute de 270 mètres, dans un petit paradis de verdure. Hélas, on ignore tout de sa construction d’origine. Le premier document qui cite le  » castrum Franchiermont  » date de 1155. Sa silhouette massive et imposante évolue en fonction des progrès de l’artillerie. En 1505, la forteresse est transformée en château de plaisance et devient l’une des douze résidences de la principauté de Liège. Les princes-évêques successifs l’embellissent, construisent une galerie autour de la cour d’honneur pour en faire un palais. Il se vide en 1794, lorsque la Principauté de Liège disparaît. Depuis lors, abandonné à son triste sort, il ne cesse de se dégrader. Quand un groupe de jeunes de la région commence à s’y intéresser, en 1967, il est vraiment en piteux état. La structure, fragilisée, menace ruine. La cour d’honneur croule sous un tas de gravats impressionnant. Les jeunes passionnés, bénévoles à 100 %, décident de  » sauver  » le château et commencent à le restaurer petit à petit, en travaillant tous les dimanches et jours fériés. Vu son état, la reconstruction est impossible. On se contente de désencombrer les lieux des gravats (une grande cheminée et deux fours ont ainsi pu être dégagés dans la cour d’honneur) et de stabiliser les murs. Réunis au sein d’une ASBL, les Compagnons de Franchimont réunissent aujourd’hui une trentaine de membres effectifs et, depuis 2004, gèrent le château sur le plan touristique. Pour les enfants, ils organisent des visites interactives où il est question de trésor caché et de nombreuses légendes. Quant à  » Franche-Foire « , grande fête de reconstitution historique, elle a lieu tous les deux ans, le troisième week-end d’août et attire toujours foule.

Capitale wallonne de l’écrevisse

Jadis, l’écrevisse à pieds rouges s’épanouissait dans tous les étangs et ruisseaux en Wallonie. Ce n’est plus le cas. Elle est même en voie de disparition. Le biologiste Didier Herman,  » sommité  » dans le domaine de l’écrevisse et chargé de mission à l’Association theutoise pour l’Environnement, a lancé, en 2000, un programme de sauvegarde de ce crustacé sympathique, très apprécié des fins gourmets. Grâce à des fonds de la Région wallonne, il a réalisé un relevé de toute la population d’écrevisses en Wallonie et a donné l’impulsion à la création de bassins d’élevage. Des animations didactiques et des livrets de sensibilisation complètent l’opération  » sauvetage « . Pour sa part, la commune de Theux a eu la bonne idée de propulser la cité au titre de la capitale wallonne de l’écrevisse et de l’inscrire ainsi dans un projet touristique global.  » Theux fait partie du pays des sources, explique Albert Kever, échevin du Tourisme, de l’Environne-ment et de l’Information. Verviers a été nommée capitale de l’eau, Spa est connue comme la ville des eaux. L’écrevisse demeure une spécialité gastronomique typique de Theux. Pour que le projet gagne en visibilité, nous avons créé l’Espace Ecrevisse, géré au quotidien par l’ASBL Astacus.  » A l’Espace Ecrevisse le visiteur peut se familiariser avec tout un éventail de crustacés. Les aquariums abritent les trois espèces indigènes de l’Europe occidentale, ainsi que plusieurs espèces invasives, dont, notamment, la californienne, la turque et l’australienne. Astacus, très impliquée dans le projet de sauvegarde initié par l’Association theutoise pour l’Environnement, n’oublie pas pour autant le volet gastronomique. Une nouvelle spécialité est ainsi en préparation : une terrine à base d’écrevisses et de Fleur de Franchimont, très bon vin à base de fleur de sureau. Dernier projet ? La création d’une écrevisse labellisée ! Le label or concerne les écrevisses à pieds rouges et les californiennes, tandis que le label argent touche les espèces turques et louisianaises. A déguster très prochainement dans les meilleurs restaurants de la région.

Que d’animaux, que d’animaux…

A un jet de pierre de Theux, le Parc animalier de la Reid se déploie sur 44 ha au c£ur des prairies et des forêts. Cet ancien parc d’élevage de gibier a été privatisé et reconditionné en parc animalier en 2002, suite à un  » coup de foudre  » de Philippe Lafontaine, un homme d’affaires liégeois.  » La fréquentation des parcs zoologiques est en baisse, explique Philippe Lafontaine. Le retour à la nature, la vague écologique et le souci de préserver l’environnement incitent les gens à admirer les animaux en liberté. Ici, nous avons 300 mammifères, répartis en 30 espèces. Il s’agit uniquement d’animaux de nos régions, de nos campagnes et de nos forêts, tels les bisons, les cerfs, les bouquetins, les chevreuils, les mouflons et les renards. Aucun animal n’a été capturé dans la nature. Il s’agit d’animaux sauvés.  » Le clou du programme ? Un couple de lynx, deux ours et huit loups ! Par ailleurs, une exposition très didactique est consacrée au loup, un animal mythique et fascinant. La balade à travers la forêt, dans des chemins admirablement entretenus, est un régal. Les animaux vivent dans de vastes enclos, ils sont sereins et épanouis. Le public, bien discipliné, manifeste beaucoup de respect pour cet environnement naturel unique. Pas de gestes inutiles ou déplacés. On se contente d’observer et d’admirer.  » Il n’y a aucun caractère militant chez nous, insiste Philippe Lafontaine. Nous nous concentrons uniquement sur l’aspect éducatif.  » Dans le même ordre d’idées, avec la collaboration de la Fondation Nicolas Hulot, un film de 8 minutes, produit par la Fondation, sera diffusé en boucle, pour sensibiliser enfants et adultes à la biodiversité. En 2004, 48 000 visiteurs ont découvert cet endroit enchanteur. Il y a un restaurant sympathique, une grande terrasse face à la nature et une vaste plaine de jeux. Entre amis ou en famille, on y vient passer toute une journée de rêve, pour s’instruire, se détendre et prendre un bon bol d’air.

Une halte à la ferme

Connaissez-vous le  » blanc-bleu-belge « , une viande tendre et succulente, appréciée des plus fins gourmets ? Son atout complémentaire ? Il s’agit d’une viande  » diététique « , ne contenant que 7 % de graisses, par rapport aux 27 % présentes dans les races traditionnelles. Emile Archambeau est un fermier passionné qui soigne ses bêtes comme il s’agissait de ses propres enfants. Il reprend la ferme Saint-Remacle en 1973, la rachète un an plus tard. En 1984, l’imposition des quotas par le Marché commun, suivie de la limitation de la production laitière, est un coup dur. Il faut s’adapter. Emile Archambeau se consacrera désormais uniquement à la production de viande.  » La race blanc-bleu belge a été créée par la famille Cassart, agriculteurs du Condroz, explique-t-il. Au travers d’une sélection très rigoureuse, on a obtenu une race de mâles très musclée, se caractérisant par de grosses épaules. C’est la Formule 1 de l’élevage, très exigeante, qui mérite de l’attention et de la passion.  » A la ferme, 500 bêtes vivent dans des conditions idéales, comme dans un hôtel 5 étoiles. Emile Archambeau s’occupe de tout, surveille le cheptel 24 heures sur 24. Attaché aux traditions, motivé et obstiné, il se bat tous les jours pour la qualité. Ce qui n’est pas chose facile. La province de Liège compte 5 000 fermiers qui appliquent la même philosophie que Saint-Remacle et pourtant, chaque année, 500 d’entre eux disparaissent. Emile tient bon. Il se montre aussi souple et conciliant. Conscient du fait que l’agriculture peut gêner, notamment par les odeurs, les citadins qui sont de plus en plus nombreux à s’installer dans la région, il est en train d’élaborer une charte de bon voisinage. Le but ? Apprendre à respecter l’autre et préserver la qualité de vie de chacun.

Barbara Witkowska – Photos : Frédéric Sierakowski/Isopix

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