Après deux années qui ont consacré une allure arrogante et clinquante, les créateurs célèbrent en cet été 2003 une grâce inspirée des drapés antiques. Parées d’une assurance plus naturelle, les belles recouvrent une sereine féminité.

B rindille hippie après Mai 68,  » executive woman  » avec talons aiguilles conquérants en 1980, androgyne puis minimaliste dans les années 1990, madone sexy en strass et lamé à l’orée du nouveau millénaire… La femme a connu, en trois décennies, des allures multiples et contradictoires. Manquait à son palmarès un style qui l’identifie tout simplement à elle-même. Cet oubli est en passe d’être réparé : la mode de l’été 2003 amorce le retour d’une féminité plus apaisée.

 » Mes mannequins ont défilé pieds nus, souligne Rosemary Rodriguez, directrice artistique des lignes Paco Rabanne. Ils évoluaient ainsi avec une grâce différente, une allure plus sensuelle, plus lascive. On n’a pas besoin d’être perchée sur des talons hauts pour être belle.  » Cette  » attitude vraie  » tranche avec les excès d’atours sexués véhiculés par la tendance porno chic.  » Depuis quelques saisons, toutes les collections ont peu ou prou sombré dans des tenues tape-à-l’£il qui affirmaient la féminité de manière démonstrative, avec des seins arrogants, des fesses surexposées, du clinquant, commente la créatrice Isabel Marant. Moi, je préfère la douceur et la discrétion.  » Aussi s’est-elle inspirée, cette saison, des robes africaines et de la  » gestuelle qui les accompagne, avec de grands volumes taillés dans des matières fluides et des ouvertures mouvantes qui laissent apparaître une main, une épaule, une jambe… La beauté ne se traduit pas forcément à travers des tenues moulantes « .

C’est aussi l’avis de Giorgio Armani. Le maestro du style italien s’insurge contre  » la criante exploitation de la féminité, transformée en exhibitionnisme « . Et préfère rêver à Olympie ou aux vestales, drapées de longues robes blanches. Une ode à la félicité qui s’inscrit parmi les tendances majeures du plein été 2003. Naoki Takizawa chez Issey Miyake, Chloé, Alberta Ferretti, Donna Karan, Alexander McQueen, Prada, Versace, Louis Vuitton… nombreux sont-ils à s’être entichés de mousselines aériennes à la blancheur virginale ou au coloris chair, dont ils réinterprètent en version moderne les plis et les déliés, noués ou dénoués. Cet hommage à la poésie des tenues gréco-romaines concorde avec l’exposition  » Goddess  » (déesse), qui vient de fermer ses portes au Metropolitan Museum of Art, à New York, dans laquelle était précisément soulignée l’influence récurrente de cette grâce antique sur les couturiers, tels que Madeleine Vionnet, Paul Poiret, Mme Grès, Yves Saint Laurent… et, plus récemment, Roberto Cavalli, John Galliano et Yohji Yamamoto. Etonnamment, c’est à la créativité de Tom Ford – souvent décriée pour son sex-appeal agressif – que l’on doit, selon Harold Koda, commissaire de  » Goddess « , le grand retour de la douceur et du naturel.  » Certains de ses modèles créés en 2002 pour Yves Saint Laurent Rive gauche renouent avec le classicisme, revisité de manière très contemporaine, déconstruite « , déclare-t-il.

Selon Thomas Zylberman, styliste pour le département femme du bureau de tendances Carlin International, la mode, certes, est friande de ces mouvements de balancier qui font passer d’un style sportswear à une allure hypersexy ou à un genre petite fille en robe à smocks.  » Tous les territoires de la séduction agressive ayant été exploités ces dernières années, avec le look cow-girl, gothique ou glamour, il fallait trouver autre chose, analyse-t-il. Le choix s’est porté sur l’expression d’une féminité paisible, sûre d’elle, qui n’a pas besoin de se démontrer. Même les robes mini de Gucci, qui dévoilent haut les jambes, n’ont plus rien d’arrogant.  » Thomas Zylberman estime que le retour de la mode des sixties, géométrique, façon Courrèges ou Cardin, entre Jackie Kennedy et Grace Kelly, participe également de cette sereine assurance.  » L’élégance, voilà le vrai changement qui secoue la mode, insiste-t-il. Quoique l’on ne s’en rende pas bien compte, pour l’instant, dans la rue, où les pantalons de treillis tiennent encore le haut du pavé.  »

Karine Arabian, connue pour ses accessoires plutôt rock and roll, explique, elle, à quel point son point de vue sur la mode a évolué :  » Le côté punk de mes créations répondait à mon envie de casser les carcans, de libérer les filles d’une mode un peu poule. J’éprouve toujours ce désir, comme d’autres designers qui jouent cette carte pour la rentrée, parce que nous sommes dans une période de transition où la femme, après s’être battue contre l’image de la soumission, commence enfin à être elle-même. Mes clientes continuent d’acheter des chaussures en pensant faire plaisir à leur petit ami, mais c’est en train de changer.  » Ainsi, Karine Arabian étonne, cette saison, en délaissant ses modèles de baroudeuse pour adopter des formes élégantes, avec du bois précieux, de l’argent massif, accompagnés d’agate et de pierres semi-précieuses.

 » En jupe, veste et jolie chemise, dans de jolies matières, voici qu’est de retour, tout simplement, la femme, résume Ece Ege, créatrice des lignes Dice Kayek. Ni masculine ni aguicheuse.  »

Catherine Maliszewski

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