Et le rituel devint virtuel
Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45,
dans l’émission » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).
Bernhard Willhelm a osé. Au c£ur du sacro-saint calendrier des défilés parisiens de l’été 2003, le créateur belge d’origine allemande a osé rompre avec l’incontournable tradition du réel. Iconoclaste, le jeune homme a en effet bousculé les conventions vestimentaires en présentant sa mode estivale sur Internet ( photo). Certes, les vitrines cybernétiques des couturiers existent depuis longtemps déjà, mais pour la première fois dans l’histoire des podiums, l’annonce d’un défilé repris par le calendrier officiel ne mentionnait pas une adresse » physique « , mais bien les coordonnées d’un site établi sur la Grande Toile. A l’heure H, la presse et les acheteurs internationaux étaient donc priés d’aller surfer au cybercafé du coin pour découvrir, en exclusivité, les silhouettes griffées Bernhard Willhelm sur www.totemfashion.com/willhelm. Evidemment, les puristes crient au scandale, arguant qu’il est impossible, dès lors, de ressentir l’atmosphère de la collection et, surtout, la subtilité des matières. Mouais. A vrai dire, l’initiative est louable, voire même salutaire, dans le grand carnaval des défilés de prêt-à-porter. Pratique, la cyber-présentation permet non seulement d’exposer clairement des vêtements visibles par le plus grand nombre, mais elle empêche aussi les retards récurrents et autres bousculades inhérentes aux vrais défilés de mode. Et puis, il y a surtout le nerf de la guerre : l’argent. Entre une présentation virtuelle par pixels interposés et le défilé de mode classique avec location de salle, DJ, petits fours et staff de sécurité, l’addition peut passer du simple au décuple. Bref, l’argument est séduisant, notamment en temps de crise, et va probablement susciter un nouveau courant parallèle de » défilés virtuellement off « , d’autant plus que l’impalpable est dans l’air du temps. Le maître Bill Gates l’avait prédit il y a quelques années déjà : tout est en train de devenir digital et donc virtuel. Les e-mails remplacent les lettres manuscrites, l’agenda cartonné cède la place au Palm et la photo numérique a relégué au grenier les bons vieux tirages papier. L’inconvénient majeur étant qu’à la moindre panne informatique et/ou électronique, les souvenirs s’effacent. Qu’à cela ne tienne ! L’homo digitalus a pensé à tout et est même prêt pour de nouvelles aventures avec les armes technologiques qui sont désormais à portée de main. Rêveur, il peut en effet s’inventer une ou plusieurs vies virtuelles par le biais de sites valorisant son ego déstabilisé. Par exemple, sur www.liferacers.com, le surfeur en mal d’identité peut ainsi devenir un nouvel habitant de Megapolis, une cybercité en pleine expansion, où il gère son devenir selon les règles établies en augmentant ici son sens artistique, là son » talent au lit » ( sic). Certes, la ville n’a pas encore organisé de défilés de mode, mais il se pourrait bien qu’un certain Bernhard vienne squatter, un jour, la salle de spectacles bidimensionnelle…
Frédéric Brébant
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