C’est une star planétaire des cocktails. Le Français Julien Escot publie, aux éditions de la Martinière, une encyclopédie de son art et nous propose ici trois mix au champagne. Vivement les douze coups de minuit…

Il est des parcours qui font rêver tant ils semblent cousus de fils d’or. Celui de Julien Escot est de ceux-là, la chance et le talent ayant uni leur force pour faire de ce jeune Français timide le lauréat 2012 du Grand Prix Havana Club, l’une des plus prestigieuses récompenses dans le secteur de la mixologie, à l’échelle planétaire. L’histoire commence pourtant assez mal. Alors qu’il patauge dans ses études secondaires, le futur champion du cocktail décide de s’orienter vers une formation professionnelle et s’inscrit à l’école hôtelière de Sète, s’imaginant déjà maître d’hôtel chez Maxim’s, à Paris. Après deux ans en restauration, il postule dans la section  » barman  » et se voit refusé, ses connaissances en matière d’oenologie étant insuffisantes… Comble de l’histoire, il a depuis été appelé pour devenir professeur dans cette même classe ! Il trouvera néanmoins, à l’époque, un autre établissement pour acquérir les bases de la discipline. Stagiaire au Club Med puis au Martinez, à Cannes, il finira par se faire engager à l’hôtel Cap-Eden-Roc d’Antibes, l’un des plus réputés de la Côte d’Azur.  » A ce moment-là, j’ai su que j’étais sur la bonne voie « , avoue-t-il. Epaulé par son chef, Christophe Lencioni, il découvrira derrière le zinc toutes les ficelles du métier. L’art des mélanges certes, mais aussi l’aspect relationnel de sa tâche.  » Entrepreneurs, milliardaires, politiciens, stars de cinéma, tous connaissaient Christophe et l’appelaient par son nom. Il savait se mettre à leur service sans en avoir l’air, être amical sans devenir familier.  » Le maître du shaker en devenir enchaînera les jobs, entre Courchevel, Toronto et Sydney.

En 2009, à la naissance de son fils, il décide de se poser chez lui, à Montpellier, et d’ouvrir Papa Doble. Les débuts sont difficiles mais, après deux ans faits de hauts et de bas, le Drink International Magazine classe l’endroit parmi les cinquante meilleurs bars du monde. C’est la consécration ! S’ensuivent diverses récompenses et d’autres projets, notamment l’inauguration, il y a quelques mois, d’une adresse parisienne, Baton Rouge, avec l’un de ses amis, Joseph Biolatto :  » C’est un lieu inspiré de la Louisiane avec des bourbons et whiskys notamment « , décrit le patron. En parallèle, ce dernier a également mis sur pied un restaurant à Balaruc-les-Bains, Mamacita.

Cette passion, Julien Escot aime aussi la transmettre et a déjà publié plusieurs livres dont cette bible, Cocktail Now, parue aux éditions de la Martinière. Au fil des pages, il livre 200 recettes à base de vodka, gin, rhum, etc. – certaines personnelles, d’autres soufflées par des confrères – et tous les secrets et gestes pour réaliser ces divins breuvages. Rencontre et avant-goût… effervescent.

Comment définir votre style ?

J’essaie de créer des cocktails simples, mais qui privilégient l’intensité. Pour cela, je fais en sorte que l’un des ingrédients au moins soit fait maison, ce qui permet de mieux concentrer les saveurs. C’est le cas du Velvet Falernum, par exemple, une liqueur aux épices que je prépare moi-même.

Comment procédez-vous quand vous créez un mélange ?

Je connais une grande quantité de classiques, je regarde ce qui se fait ailleurs… A force, j’assimile de nombreuses constructions qu’il suffit de décliner à l’infini. Je peux aussi être inspiré par un nom, quelque chose que j’ai vu. Je préfère partir d’une piste comme celle-là que de me dire  » je vais mettre un peu de ceci, un peu de cela…  » Question dosage, j’ai tellement l’habitude que je trouve généralement les quantités nécessaires, quasi du premier coup.

Faut-il goûter quand on réalise un cocktail ?

Théoriquement non puisque les mesures sont précises… Mais je conseille à mon équipe de le faire car, surtout quand on enchaîne les verres, on risque d’oublier un ingrédient. Les agrumes aussi peuvent, d’un fruit à l’autre, être un peu différents.

Avez-vous une recette signature ?

Je n’ai pas vraiment de préférence dans tout ce que j’ai créé. Cela dit, le Casse-noisette, à base de vodka, liqueur de café et sirop de noisette remporte, depuis toujours, un énorme succès. Je n’imaginerais plus quelque chose comme cela aujourd’hui car, d’un point vue équilibre, je le trouve vraiment sucré. Mais je le garde à la carte puisqu’il plaît. Côté classique, j’apprécie le Stinger, composé de crème de menthe et cognac. Il est digestif et frais à la fois.

Votre art s’apparente-t-il à la chimie ?

Pas vraiment. C’est plutôt une synthèse entre le travail du pâtissier et celui du sommelier.

Le cocktail est-il de plus en plus tendance ?

C’est sûr ! Rien qu’en 2015, une dizaine d’adresses ont ouvert à Paris. Depuis le début des années 2000 s’est développé un revival qui mettait en avant des boissons rétro. On évolue vers autre chose maintenant, avec davantage de diversité, chaque barman essayant d’exprimer sa propre vision du métier, ce qui donne des propositions plus personnelles. Un changement s’est aussi opéré au niveau de la qualité, avec l’utilisation de fruits frais et d’épices plutôt que de sirops. Et l’introduction du chinois qui permet de filtrer les mélanges conçus avec ces produits naturels.

Quel conseil donneriez-vous aux apprentis barmans ?

Etre intransigeant sur la fraîcheur des ingrédients, ainsi que sur la qualité des alcools et de la glace utilisés.

Nous avons sélectionné dans votre bouquin trois préparations au champagne. Y a-t-il des précautions à prendre ?

Vérifier que la bouteille est bien fermée pour avoir un liquide très effervescent ; ne jamais passer les bulles au shaker et surtout, si on leur associe un spiritueux, ne pas trop le doser car le champagne est déjà alcoolisé. L’équilibre serait vite rompu…

Cocktail Now, par Julien Escot, éditions de la Martinière, 320 pages.

PAR FANNY BOUVRY

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