Le jeune styliste liégeois habille Yelle, icône de la hype, édite une minicollection pour le printemps-été 2009 et lancera sa propre griffe dans un avenir proche. Rencontre avec un Belge tout sauf minimaliste.

Dans son atelier de la rue d’Artois, à Bruxelles, la collection  » Ich will’nen Cowboy als Mann  » trône sur un portant. A la fois gri-gri et preuve tangible que toutes les propositions que l’on fait aujourd’hui à Jean-Paul Lespagnard, 29 ans, sont bien réelles.  » J’ai parfois encore du mal à croire que tout cela m’arrive « , confirme le styliste entre un coup de fil de son agent et un autre de la rédaction de Vogue Allemagne, qui souhaite se procurer une de ses créations pour un shooting de mode. Pour lui, il y a vraiment un avant et un après Hyères.

En avril dernier, Jean-Paul s’est en effet vu décerner deux des trois prix récompensant la jeune création au Festival international de Mode et de Photographie, qui se tenait pour la 23e année consécutive dans la petite ville du sud de la France. Seul Belge retenu pour participer à ce prestigieux concours, il a reçu, outre le prix du public, le prix 1., 2., 3., avec à la clé la somme de 15 000 euros et la possibilité d’éditer une collection pour la marque de mode française – à découvrir dès le printemps prochain dans les boutiques de la chaîne.

 » Je suis ravi que ma belgitude ait été récompensée « , nous confiait-il, ému, dans les minutes qui ont suivi la proclamation des résultats sur la plage de l’Ayguade. Né à Liège, installé à Bruxelles et travaillant notamment à Anvers, où il a beaucoup d’amis, Lespagnard est un  » vrai  » Belge. Ses créations surréalistes, teintées d’autodérision et d’humour gentiment grinçant, en sont la meilleure preuve. Sa collection  » Ich will’nen Cowboy als Mann « , il l’a construite autour d’un personnage imaginaire haut en couleur :  » Jacqueline, tenancière d’un fritkot, a deux passions dans la vie, explique le styliste. Gitte, chanteuse allemande très kitsch, et les cow-boys. Elle rêve d’en épouser un et finit par partir au Texas, où elle devient clown de rodéo. « 

La garde-robe de Jacqueline est donc composée d’un mélange hétéroclite et fantasque de tout ce qu’elle aime : rayures bouffonnes, jeans et chemises texanes, imprimés  » tipis  » et broderies au point de croix signées Patrick Croes, artiste polytalentueux et, accessoirement, pote de Jean-Paul. Sans oublier les improbables chaussures et lunettes  » frites  » qu’arboraient fièrement les mannequins en perruques blondes façon Dolly Parton, et qui ont fait le buzz dans la planète fashion. Au point de séduire Yelle, icône de la génération Fluokids, précédemment lookée par Jean-Charles de Castelbajac. Dans son clip Ce jeu, sorti en août dernier, la chanteuse porte la combinaison rayée et les fameux accessoires griffés Jean-Paul Lespagnard !

Parcours ascensionnel

Dans moins d’une heure, la RTBF vient tourner un petit sujet pour le JT. Et, dans les jours qui viennent, il y a aussi la ligne pour 1., 2., 3. à terminer. Une dizaine de pièces au total, avec aussi, en principe des sacs, des lunettes et des chaussures. Une première pour la marque, qui édite une mini-collection en collaboration avec le gagnant du Festival depuis six ans déjà.  » La pression est énorme, convient Jean-Paul. Pour mon défilé à Hyères, j’avais vraiment mis le paquet. On va m’attendre au tournantà « 

Une pression d’autant plus forte que le styliste a désormais trouvé un financier, qui l’aidera à lancer une griffe à son nom dans les mois à venir.  » C’était important pour moi d’avoir affaire à quelqu’un qui a été séduit par mon univers et le comprend, et pas seulement qui me donne des fonds tout en m’obligeant à vendre mon âme. « 

Tous ces nouveaux projets viennent se greffer sur ceux que Lespagnard avait lancés avant la petite tornade suscitée par le Festival international de la Mode et de la Photographie. Notamment, la réalisation des costumes de scène pour la chorégraphe américaine Meg Stuart, qui va le retenir à Berlin jusqu’à la fin du mois d’octobre. Car Jean-Paul aime varier les plaisirs et explorer les voies alternatives de la création.

En octobre 2002, c’est D’Ecolage, une expo organisée à Bruxelles par Weekend, qui lui avait servi de premier tremplin, trois mois après la fin de ses études à Château Massart (IFPME, à Liège). Il a ensuite collaboré durant plusieurs années à notre magazine, mettant ses talents de styliste et sa douce excentricité teintée d’humour au service de nos productions de mode. Un parcours riche, inventif et plein de rebondissements surréalistes. Tout à l’image de Jean-Paul Lespagnard.

Delphine Kindermans

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