Le premier album d’ Eté 67 s’inscrit dans une lignée de pop française pratiquant la mélodie de qualité, traquant les détails du quotidien avec assiduité comme dans le très accrocheur  » Le Quartier de la gare « . Les vibrations vocales de Nicolas Michaux donnent un supplément d’âme à ces chroniques de la postadolescence que sont  » Les Pilules  » ou  » Autodestruction massive « . Dans un style qui n’est pas sans rappeler les charges émotives de Noir Désir – en moins exhibé -, ces six jeunes musiciens wallons méritent de passer les frontières. Voilà ce qu’en pense Nicolas Michaux, figure publique d’Eté 67, interviewé au c£ur de l’hiver et devenu momentanément mannequin malgré lui. On tutoie le jeune homme qui, un peu farouche, insiste pour vouvoyer son interlocuteur.

Weekend Le Vif/L’Express : Définis-toi en cinq qualificatifs.

Nicolas : Je pense que personne ne peut se résumer honnêtement en cinq qualificatifs. Certaines personnes ont écrit des livres entiers sur eux-mêmes sans épuiser le sujet.

On m’a dit que tu avais émis des exigences précises lors de notre production de mode. Peur de te sentir  » déguisé  » ? Coquetterie ?

Non, au contraire, la séance de prise de vue fut très pénible pour moi. Je n’aime pas du tout ce que représente ce genre d’exercice. L’éloge du superficiel, de l’apparence, du toc, des marques et donc du capitalisme imbécile. C’est pas mon truc. Il y a un trop grand écart entre la manière dont nous appréhendons notre métier de musicien et ce genre de choses. En général, je mets des tee-shirts absurdes. C’est une façon d’exprimer mon indifférence car, en effet, la mode m’indiffère… ( NDLR : Nicolas s’est pourtant prêté au jeu !)

Tu parles de  » capitalisme imbécile « , mais la mode est une industrie tout comme la musique. Eté 67 est également un  » produit  » : c’est un fait, objectif.

Nous sommes, Eté 67, co-producteur financier du disque que nous sortons. Nous avons sillonné la Belgique pour gagner un peu d’argent et pour pouvoir l’investir ensuite dans des journées de studio afin de réaliser notre album comme nous l’entendions. Et atteindre ainsi une forme d’idéal, pour ne pas être tiré vers le bas par des contingences. Si nous vendons des disques, nous pourrons faire un deuxième album dans le même esprit. Je pense que ça ressemble plus à de l’artisanat qu’à du capitalisme imbécile.

Cite-moi trois moments de look absolu dans l’histoire du rock ?

John Lennon et Yoko Ono posant nus sur la couverture de  » Two Virgins « . Bob Dylan et son costume de vieux rocker mexicain à Forest-National il y a quelques mois. La chemise à carreaux de Neil Young.

L’opération que tu as récemment subie au dos croise la sortie de ce premier album tant attendu : comment as-tu géré ces deux types de stress ?

Nous avons fini l’album avant mon opération sur laquelle je n’ai rien à communiquer.

Le monde  » interlope  » sert de nourriture au  » Quartier de la gare « , votre tube radio :  » C’est partout pareil, les hommes dorment sous leur carton, etc.  » : quelle est la part autobiographique dans cette chanson ?

Si vous voulez savoir si j’ai déjà dormi dans une gare sous des cartons, la réponse est non. Je suis issu de la classe moyenne et j’ai toujours dormi dans des draps confortables. Cette chanson est due, je pense, avant tout, à un sens de l’observation prononcé. Notre ligne de bus passait devant le quartier des Guillemins à Liège, et je m’y suis parfois arrêté pour regarder vivre le petit monde de cette gare. Mais le plus souvent, je ne faisais que passer. Je pense que c’est ce qui donne le côté photographique et instantané à la chanson.

Tu parles de la gare des Guillemins de Liège : quel est ton sentiment par rapport à cette ville ?

Liège est une ville qui me touche. J’y suis attaché comme tout le monde est attaché à la ville de sa jeunesse. Elle n’est pas exceptionnelle, elle n’est pas particulièrement grande ou belle, mais je la trouve poétique et pudique. Elle ne se montre qu’à ceux qui s’y intéressent. En tous les cas, Liège nourrit nos chansons :  » Le Quartier de la gare « ,  » Les Vacances à la plage « , et plus profondément, elle influence certainement notre façon de voir la vie et les gens.

Le  » rock wallon  » est-il réel ou une sorte de monstre du loch Ness ?

Le rock wallon, c’est William Dunker ?

Non, le rock wallon est le rock pratiqué par les Wallons. Vous faites des bals ? Vous en feriez ?

Nous en avons fait, nous n’en faisons plus. Mais pourquoi pas s’y remettre ? On adore jouer des reprises. Je connais un nombre impressionnant de chansons, j’anime souvent les soirées entre amis avec des titres des années 1950 et 1960. Les Kinks, les Beatles, les Stones, les Doors, ce genre de truc.

Faudrait-il plutôt investir l’argent de Francorchamps dans le rock ?

Je suis très prudent quand il s’agit de parler politique car je tente d’être le moins prétentieux possible et je ne pense pas être assez au fait des tenants et aboutissants de l’actualité pour la juger. Mais j’investirais plutôt l’argent de Francorchamps dans des £uvres sociales. Et le rock n’en est pas une.

Que penses-tu de la vague  » rock belge  » précédente : t’inclines-tu devant les Girls in Hawaii ou Ghinzu ou, dévoré d’ambition, es-tu prêt à tout pour leur piquer la place ?

J’aime beaucoup l’album des Girls in Hawaii, mais je ne connais Ghinzu que de nom. Cela dit, je ne pense pas que la musique soit une compétition. Notre éventuel succès ne me semble pas pouvoir nuire à ces groupes.

 » Les Vacances à la plage « , à mon avis la meilleure chanson du disque, raconte l’éventualité d’un succès : peux-tu définir le terme  » gloire  » ?

Non, le mot gloire n’évoque chez moi que le sourire crispé de Carlos Vaquera ( NDLR : présentateur de feu  » Pour la gloire « ).

 » Autodestruction massive  » cite  » les femmes, l’alcool et la drogue « , la trilogie diabolique. Tu me sembles un peu jeune pour avoir un jugement aussi définitif !

Cette chanson me semble pourtant être une rengaine adolescente. Nous l’avons écrite il y a longtemps. Venez aux concerts ! Les jeunes semblent se retrouver dans cette chanson. Vous avez des enfants ?

Oui, trois. Ton approche de la langue française est nourries d’observations douces-amères : est-ce plutôt le fruit de la lecture ou de l’absorption massive de télévision ?

La lecture, oui. Les romanciers américains, surtout. Et plutôt le cinéma que la télévision, énormément de cinéma. Et puis n’oublions pas la chanson : partout, tout le temps, par tous les temps. J’adore le format chanson. J’aime la musique, mais je préfère la chanson.

Pourquoi reprendre encore une fois le tube de ce vieux misanthrope de Lou Reed ?

Nous adorons jouer des reprises. Nous jouions déjà celle-ci à l’époque où nous nous produisions dans les cafés de Liège ou lors de mariages. Un soir, alors que nous avions énormément travaillé sur une des chansons de l’album, nous avons voulu nous relâcher avec  » I’m Waiting for the Man « . Nous étions un peu saouls et l’enregistrement s’est fait en une ou deux prises. Ce fut un merveilleux moment de cohésion musicale. Et d’amitié aussi.

Le tremolo dans ta voix : tu l’entretiens ?

Non, je chante spontanément en essayant de coller au texte, sans verser dans la théâtralité inutile. Je chante juste, mais je ne me pose pas de questions techniques.

Saule et Eté 67 seront en concert le 10 mars au Théâtre 140, à 1030 Bruxelles. Tél. : 02 733 97 08. Internet : www.theatre140.be, www.sauleetlespleureurs.be et www.ete67.be

Production : Valeria Siniouchkina et Gaëtan Caputo.

Stylisme : Valeria Siniouchkina.

Assistante stylisme : Barbara Massaut.

Photos : www.gaetan-caputo.com

Assistants photo : Bernd et Freddy D’Hoe.

Coiffure et maquillage : Paul Elsen (C’est Chic).

Photos réalisées grâce à l’aimable collaboration de Yves Merlabach (Bang !) et d’Arlette (Theâtre 140).

Carnet d’adresses en page 80.

Philippe Cornet

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