Rayon mode, on connaît les abonnés de la provoc’. Fin juin, lors des présentations des collections masculines pour l’été 2009 à Milan et à Paris, Vivienne Westwood, John Galliano et Bernhard Whillhelm n’ont pas failli à leur réputation de trublions des catwalks. Gypsies louches chez la mamy punk, guerriers urbains du côté de chez John et cour royale décadente chez l’Anversois. Toujours aussi décapant. Quoique, finalement, pour bluffer le parterre de fashionistos, ces stylistes gagneraient à envoyer sur la piste aux étoles une cabine bon teint taillée dans le plus pur des classicismes.

En réalité, l’acte de rébellion se situait ailleurs, cette saison. Chez Yohji Yamamoto et Ann Demeulemeester, en particulier. Les deux stylistes ont fait marcher une série de mannequins atteints d’une  » maladie  » taboue sur la planète fashion : la vieillesse. Dans le même ordre d’idées, Yohji Yamamoto avait spécialement dessiné une tenue pour le vidéaste anglais Steve McQueen. Qui ne partage avec son célèbre homonyme que son nom : autant l’acteur de La Grande Evasion (1963) était blond et mince, autant l’ami de Yohji est black et franchement enveloppé. Certains modèles d’Ann Demeulemeester, en plus d’être âgés, affichaient le type indien et africain. Rien de bien original en soi. Sauf en terre modeuse, où, à une époque hypermondialisée et où l’on vit de plus en plus vieux, les podiums restent imperturbablement dominés par le jeune garçon, grand, maigre età blanc.

Comme le remarquait récemment Tyler Brûlé dans sa chronique du Financial Times :  » La mode homme espère attirer de nouveaux acheteurs sur les marchés de Pune, Amaty, São Paulo, Johannesburg et Busan. Mais les corps utilisés comme hameçons pour pêcher ces nouveaux consommateurs viennent de Lübeck, Tartu, Malmö et Tampere « . On connaît déjà la réplique :  » fashion is fiction  » comme on dit dans le milieu. C’est vrai : un défilé ne colle pas à la réalité ; les mannequins sont là pour nous raconter l’univers d’un styliste ; un show est une sorte d’histoire où l’on surligne nos phrases préférées afin de les réinterpréter dans notre patois personnel. N’empêche, et c’est ce qu’ont compris Ann et Yohji, multiplier les langues véhiculaires d’une collection en décuple la portée émotionnelle sur le plus grand nombre. C’est tout bénéfice. Car en termes de business, c’est bien connu, l’unilinguisme n’est jamais bon pour les affaires.

Baudouin Galler

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