Inassouvies, nos vies : en cette ère morose, le roman de Fatou Diome est une bouffée d’oxygène. L’auteure nous distille sa philosophie avec son franc-parler et son rire contagieux.

L’héroïne de Inassouvies, nos vies, Betty, soigne son mal-être solitaire en imaginant la vie de ses voisins d’en face. Parmi eux, une veille dame, avec laquelle elle tisse un lien plus fort que tout.

Votre plus beau souvenir d’enfance.

Fatou Diome : La sieste, au Sénégal. Je m’endors sur ma grand-mère… Notre lien est puissant. Je l’appelle  » Nakony « , qui signifie maman chérie. Elle est ma mère, ma terre. A 94 ans, cette femme coquette a toute sa tête. Je lui traduis mes romans oralement.

En quoi  » les vieux sont des pédagogues qui s’ignorent  » ?

Ils contiennent des trésors en voie de disparition. En les muselant, on se prive de leur mémoire. Comme ils n’ont plus de projets, ils se replient sur le passé et se délectent de le revivre. Leur regard nous renvoie à notre devenir. J’ai presque l’âge de ma pointure (rires). Or dans cette société de compétition, on doit avoir un beau mec, un superappart, un boulot parfait. Nul n’est satisfait et bon nombre d’entre nous sont célibataires. Jeune d’esprit, ma grand-mère m’a appris que chaque âge a sa beauté.

Qui dit amitié dit…

Confiance et douceur, quel que soit l’âge ou le sexe. Les amis sont rares. Avec eux, je baisse les armes, mais il n’est pas facile de se laisser aimer.

Préférences vestimentaires.

Au Sénégal, je dessine des robes sur mesure. Elles sont réalisées par ma s£ur, couturière, car je ne trouve pas ma taille ici. Les marques sont hors de prix, mais j’admire Jean Paul Gaultier. Underground et plein d’humour, ce poète prône une liberté créatrice.

Couleurs fétiches.

Du noir avec une touche de mauve : mélange de rouge et bleu, de chaleur et de froid, d’Afrique et d’Europe, des brûlures et des joies de la vie.

Qu’est-ce qui embellit votre vie ?

La possibilité d’écrire et l’humour, qui rend la vie plus supportable. Les larmes de clown permettent de faire passer une réflexion dans un sourire.

Rêves ?

Ne plus avoir envie d’écrire un livre, fonder une grande bibliothèque en Afrique et avoir des triplés ! Contrairement à Betty, je n’entasse pas mes rêves.

Courrez-vous aussi derrière le bonheur ?

Non, je m’affale sur le canapé. Le bonheur n’a qu’à venir à moi s’il en a le courage. La vie se compose de petits bonheurs successifs, qu’il faut apprécier. Même si aujourd’hui, des gens lisent mes livres, je n’oublie pas que j’ai fait des ménages pour survivre. Nous devons accepter nos fragilités pour s’émerveiller de la vie.

Inassouvies, nos vies , par Fatou Diome, Flammarion, 271 pages.

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

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