Sur les épaules de Fernando Alonso, 23 ans, tout le futur de la Formule 1. Le jeune Espagnol, véritable coqueluche de son pays et des aficionados de belles compétitions, secoue désormais les paddocks. Rencontre.

Spa – Francorchamps, 27 août 2004. Dans le motor-home de Renault l’activité est fébrile. A 16 heures, après la seconde session pour les qualifications où Fernando Alonso a terminé 9e et Jarno Trulli 16e, la presse télévisée interviewe les deux pilotes de l’écurie. Autour de Jarno Trulli, le deuxième pilote Renault, une marée de reporters italiens. Très populaire, il est d’autant plus difficile d’imaginer que la saison prochaine, le jeune pilote ne sera plus présent aux côtés de Fernando Alonso, son coéquipier et premier pilote de Renault (ndlr : Jarno Trulli a été remercié par Renault et se retrouvera sans doute chez Toyota Panasonic la saison prochaine). Fernando Alonso arrive enfin. Plus discret, moins extraverti, il dissimule son regard derrière la visière de sa casquette, profondément enfoncée sur son crâne. Déçu des résultats de cette seconde session pour les qualifications ? Pas facile à deviner. Extraordinaire de sang-froid, l’Espagnol d’Oviedo (Asturies) ne réserve ses coups de chaud que sur les circuits automobiles.

A 23 ans, Fernando Alonso a déjà derrière lui près de vingt ans de compétition. Enfant déjà, il participe activement aux courses de karting organisées par son père, simple employé dans une usine d’explosifs. Faute de circuits, les épreuves se déroulent dans les rues d’Oviedo et des environs. A 2 ans, le garçonnet atteint tout juste les pédales grâce à un système bricolé par son papa. Sa première course, il l’a remportée, à 3 ans, devant des  » grands  » de 8 ou 9 ans. La légende est née…

A 13 ans, le jeune garçon gagne son premier titre de champion junior de karting à Genk en Belgique. Avant de devenir la révélation espagnole de la Formule Nissan à 18 ans. En 2000, il est remarqué par le sponsor Telefonica qui lui offre une saison en Formule 3000 qu’il termine par une impressionnante première place sur le très sélectif circuit de Spa-Francorchamps. Le très médiatique, mais toujours alerte, Flavio Briatore, le prend aussitôt sous son aile de manager. Placé en  » apprentissage  » chez Minardi, Fernando Alonso s’y taille une jolie réputation ainsi qu’un palmarès intéressant. Qui lui permettent de devenir pilote d’essai chez Renault et pilote titulaire pour la saison 2003. A 22 ans, il signe même une première place au GP de Hongrie.

Depuis les superlatifs louangeurs pleuvent sur la tête du jeune Espagnol. Son pays d’origine, et même le roi Juan Carlos, se sont pris d’une passion folle pour l’Asturien. Déjà on tire des plans sur la comète. Après le retrait de Michael Schumacher en 2006, d’aucuns le voient déjà en rouge chez Ferrari, le front ceint de la couronne de champion du monde…

A Spa-Francorchamps, dans le motor-home très cosy de Renault, Weekend Le Vif/L’Express a rencontré Alonso, graine de champion, véritable idole des foules et des paddocks de Formule 1.

Weekend Le Vif/L’Express : Depuis l’année dernière, vous êtes devenu une célébrité en Espagne. Qu’est-ce que cela a changé à votre vie ?

Fernando Alonso : Tout ! Je ne peux plus me déplacer tranquillement dans les rues, aller quelque part sans que les gens me reconnaissent et cela va des jeunes en passant par leurs parents et leurs grands-parents. Si je vais au cinéma, je dois arriver quand les lumières sont éteintes. Sinon, je ne peux voir le film ! Les gens se lèvent, prennent des photos, demandent des autographes et cela jusqu’au milieu de la séance ! Au restaurant, c’est pareil.

Comment vivez-vous au quotidien cette nouvelle ferveur des foules ?

Ce n’est pas évident. Je préférerais que l’on me laisse tranquille. Mais d’un autre côté, être reconnu, cela veut dire que je gagne et j’aime ça !

Vous êtes aussi devenu la star des médias. On ne parle plus que de vous…

(Regard ennuyé). Non, non, ce n’est pas vrai. Je pense que l’on ne parle pas plus de moi que des autres pilotes. S’il y a des interviews dans la presse c’est qu’aujourd’hui le métier de pilote est fait d’une multitude de choses, dont entre autres assurer des interviews à longueur de journée et partager son temps avec les sponsors. C’est comme ça, et je trouve cela tout à fait normal…

Vous avez l’air déçu des résultats d’aujourd’hui ?

Oui, un peu (NDLR : 9e aux qualifications) mais j’essaie de considérer cette journée comme un jour normal. Les résultats ne sont pas très importants car nous sommes toujours en train d’essayer d’améliorer la voiture. On fait surtout des essais de pneumatiques… Disons que demain, cela sera plus sérieux (NDLR: après une très bonne troisième place sur la grille de départ, Fernando Alonso abandonne pour des problèmes techniques).

Il y a deux jours, Michael Schumacher et quelques autres pilotes ont participé à un match de football pour Child Focus. C’est important pour les pilotes de s’investir dans des présentations charitables ?

Oui, c’est important de s’investir dans de telles représentations. En s’impliquant dans des projets charitables, nous nous sentons non seulement en phase avec notre époque mais je pense aussi que le public est de plus en plus attentif à ce que nous faisons et qu’il attend de nous que nous participions à de tels événements. Personnellement, je pense qu’il est normal d’aider les autres… (NDLR : Fernando Alonso n’a pas participé au match en Belgique, mais il défend de nombreuses autres causes en Espagne).

Dans une interview récente, Bernie Ecclestone, le grand manitou de la Formule 1, affirme que les pilotes sont devenus des êtres intouchables, gâtés et protégés. Qu’en pensez-vous ?

Mais non (sourire)! Je pense tout simplement que les pilotes sont des gens… normaux. C’est vrai que les équipes essaient de protéger leurs pilotes. Cela vient sans doute que le monde de la Formule 1 fait fantasmer des millions de gens. C’est un monde  » mystérieux « , mais de là à dire que nous sommes intouchables… Il y a beaucoup d’exagération !

L’année prochaine, Max Mosley, le patron de la FIA, veut réduire la vitesse sur les circuits. Que pensez-vous de cette décision ?

Personnellement, j’adore la vitesse et j’aurais en horreur de devoir aller plus lentement. Mais il faut être juste. Tout le monde est d’accord pour affirmer qu’aujourd’hui la Formule 1 n’est plus sécurisante et qu’il faut bien se résoudre à réduire la vitesse des voitures. Les pilotes ne peuvent que se réjouir que l’on veille ainsi à leur sécurité.

Vous connaissez tous les pilotes. Quels sont ceux qui vous impressionnent le plus ?

Tous ! Tous sont très professionnels, chacun possède des qualités. Disons que Michael Schumacher m’impressionne ; tout comme il impressionne le monde de l’automobile car après autant d’années et de titres de Champions du Monde, il reste motivé. Même s’il est parfois fatigué, il réussit aussi à toujours nous donner la meilleure image de lui.

Y a-t-il des choses qui vous déçoivent ou au contraire vous surprennent agréablement dans le monde de la Formule 1 ?

Je suis toujours épaté par le nombre de personnes que peut composer une équipe de Formule 1. Cela se compte par centaines de personnes… sans compter les PR et les journalistes qui gravitent autour de chaque équipe. C’est impressionnant et cela m’étonne toujours…

L’année prochaine, vous changez de coéquipier. Jarno Trulli sera remplacé par Giancarlo Fisichella. Il est sensiblement plus âgé que vous. Peut-il vous apporter des conseils ?

Difficile de répondre… Je ne le connais pas très bien. Pour moi, il n’y aura pas de problèmes. On a décidé en haut lieu de me garder… et de changer mon équipier. Je m’incline devant cette décision. Je pense qu’ils font au mieux et dans l’intérêt de toute l’équipe. Je pense de toute façon que son expérience me sera profitable. Expérience qu’il pourra aussi apporter pour toute l’équipe.

Quelle est pour vous la définition d’un bon pilote ?

Avant tout, il doit être rapide ! Après, je dirais qu’il doit être hyperprofessionnel. Ensuite, c’est vraiment un ensemble de petites choses…

L’année passée, vous avez eu un accident assez sérieux au Brésil. C’est difficile ensuite de se remettre au volant d’une F1 ?

Non (ennuyé). Ce n’est pas difficile. Vous oubliez et repartez aussi vite.

Pour vous Flavio Briatore est-il un bon manager, un ami ou juste votre patron ?

Difficile d’expliquer. Avant tout il est le patron de l’équipe Renault et donc mon patron. Je le respecte bien sûr, même s’il sait se montrer dur quand je fais des erreurs de pilotage. Mais en contrepartie, il s’est toujours montré très amical avec moi. Je pense que pour moi il est les trois à la fois.

Comment voyez-vous votre avenir ?

Pour le moment je joue sur du velours. J’ai 23 ans. Je suis le pilote numéro un dans une équipe qui est pour le moment numéro deux dans le championnat du monde de F1. Je pense que j’ai encore quelques années devant moi pour prouver que je suis bon et que je peux gagner aussi bien le championnat des pilotes que celui des constructeurs.

Vous allez rester chez Renault ?

L’année prochaine ? Certainement !

Propos recueillis par Chantal Piret

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