A Vico Equense, sur la côte Amalfitaine, Gennaro Esposito interprète avec une extrême délicatesse les merveilles gourmandes que lui offrent la mer et les collines environnantes. Sa cuisine tout en saveurs séduit les plus grands connaisseurs. Poussez donc, vous aussi, la porte de la Torre del Saracino.

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Un véritable bonheur, un privilège même. Pousser la porte de la Torre del Saracino, à Vico Equense, c’est entrer dans un univers de saveurs à nul autre pareil. La cuisine de Gennaro Esposito magnifie la fraîcheur.  » Ce qui m’intéresse, martèle le chef italien, c’est de proposer un dialogue entre ma créativité et la nature des produits. Nous avons des produits de grande qualité et je n’entends pas faire autre chose que de les valoriser.  »

Fin février dernier, Gennaro Esposito était à Los Angeles. Il cuisinait pour Elton John, à l’occasion du gala de charité que la superstar donnait à la suite de la cérémonie des oscars. En décembre 2004, c’était Alain Ducasse, le numéro 1 des cuisiniers français, qui l’invitait à ses fourneaux pour un banquet de cent personnes. Le même Ducasse, interrogé récemment sur ses restaurants préférés dans le monde, n’en a retenu qu’un seul pour toute l’Italie : la Torre del Saracino, une table qu’il a découverte, voici cinq ans, au cours d’un des périples gastronomiques qu’il affectionne.

Ne croyez pas pour autant que Gennaro Esposito n’est jamais dans sa cuisine, qu’il court inlassablement le monde en quête d’honneurs et de falbalas. Si d’aventure vous passez par Vico Equense, arrêtez-vous à la Torre del Saracino. Vous y mangerez délicieusement et à satiété. Et vous pourrez aussi goûter de très bons vins û notamment de Campanie û parmi le millier de références que compte la carte, reflet d’une cave riche de quelque 25 000 bouteilles.

Comme d’autres, vous serez sans doute surpris par le bâtiment anodin qui abrite le restaurant, prostré aux pieds de cette ancienne et majestueuse tour d’observation, autrefois destinée à prévenir les habitants des éventuels passages au large d’une flotte ennemie. Mais qu’importe, puisque l’on vient ici pour l’assiette… Et que l’on en ressort comblé.

Le festin commence avec une exquise corbeille de pains et de grissini… et se termine avec un inoubliable baba au rhum tout chaud, dont la belle portion constitue le plus chaleureux des viatiques. Ces deux attentions traduisent un grand souci du détail. Mais toutes deux se veulent aussi un hommage : celui de Gennaro Esposito à son grand-père pâtissier Fraddanno, chez qui il a commencé à travailler, durant les vacances scolaires. Il a alors 14 ans et fréquente l’école hôtelière de la localité. S’en suivront quelques emplois dans des restaurants de la région.

Savoir-faire et générosité

Gennaro Esposito a 22 ans, en 1992, lorsqu’il ouvre son restaurant, situé en bordure de la plage, juste à côté de la pizzeria de Ciro Aiello, son futur beau-père. Pour comprendre tout l’art du chef de la Torre del Saracino et ce qui justifie amplement l’étoile que lui a décerné le célèbre Guide Rouge Michelin, il faut tout simplement déguster ses antipasti composés d’une dizaine d’associations entre pâtes et produits de la mer. Là où d’autres se livreraient, mode et modernité obligent, à un cortège de petites portions, sorte de menu tapas à l’italienne, il vous sert le tout sur une seule et même assiette froide copieusement garnie. Côte à côte sont proposées de petites et grandes bouchées qui mettent en scène des poissons crus (anchois, thon, bar…) et des fruits de mer (langoustine, crevette, oursin, seiche…) associés à des pâtes divines.

Artisanales et de Campanie, les pâtes sont confectionnées comme autrefois à Gragnano, tréfilées dans le bronze et séchées à l’air ambiant.  » Chacune a son temps de cuisson, souligne Gennaro Esposito. La forme, l’épaisseur détermine une texture que je combine à tel ou tel produit de la mer. L’assaisonnement individuel varie selon qu’il s’agit d’un poisson bleu ou blanc. Pour les uns j’utilise la colatura d’anchois, une sauce typique de la région et pour les autres un peu de jus de citron. Sur l’assiette, vous trouvez deux sauces aigres-douces réalisées à partir de la chair et des zestes confits d’oranges et d’anchois.  »

Ce plat, digne des meilleures interprétations de la cuisine zen japonaise, est une délectable introduction au terroir qui vous accueille car il fait appel à deux ingrédients avec lesquels on ne peut pas tricher : les pâtes servies nature et les poissons que les pêcheurs locaux ont livré le matin même. D’autres mets d’anthologie sont également à recommander, comme ce ravioli d’espadon cru accompagné d’une sauce à base de tomates séchées, d’origan et de colatura ou l’étonnante soupe de ricotta aux oursins et aux rougets, préparée à partir de bouillon de légumes et d’une ricotta d’une exceptionnelle qualité.  » C’est une ricotta de vache maigre, faite à partir du sérum d’un lait qui a servi à faire de la mozzarella, précise Gennaro Esposito. Le berger qui la confectionne sur les collines voisines mélange le lactosérum du jour avec un peu de celui de la veille, comme s’il entendait insuffler à sa ricotta la mémoire, l’histoire du lait. Autant dire qu’il ne peut manquer un jour, pour ne pas briser cette chaîne.  » Quant à l’amuse-bouche que constitue cette soupe claire appelée  » eau de tomate « , il témoigne du credo du chef de la Torre del Saracino. Il s’agit tout simplement de l’eau naturelle qui se dégage lentement de tomates passées au moulin à légumes. L’assaisonnement se limite à quelques gouttes d’huile d’olive et un soupçon de sel. Mais cette transparence contient toutes les saveurs du fruit mûr.

Il en sera ainsi, tout au long du repas. Chaque ingrédient, de la plus simple fève des marais au plus rare des coquillages de roche, vient témoigner de ce qui fait la particularité de ce bout de Campanie et lorsque, après les pâtes, les poissons et la viande, arrive le dessert le plus populaire de la maison, le baba au rhum, on est au septième ciel. A l’image de ce gâteau gorgé de douceur, tout, ici, exalte la générosité, typique des gens du coin qui vous reçoivent comme à la maison.

Jean-Pierre Gabriel

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