» Le monde est beau  » n’est pas qu’un slogan publicitaire, c’est la philo de Kenzo. Sacré Jungle Jap.

Vingt-huit ans déjà que Kenzo Takada a débarqué à Marseille en provenance de Yokohama, après escale à Hongkong, Saigon, Singapour, Colombo, Djibouti et Alexandrie, avec sa valise pleine de cartes postales, quelques rêves flamboyants et son billet aller-sans retour Japon-France. De ce voyage initiatique, il a gardé le goût des hybridations gaies et insolentes, de son pays natal, la beauté d’un kimono et les mots de Mishima. On est en 1993, dans six ans, Kenzo dira  » sayonara  » à la mode et à sa maison pour mieux s’adonner à un certain hédonisme, flâner, peindre, voyager, écouter de la musique, profiter de ses amis, de son jardin de bambous, de la vie. En attendant, il a à peine 54 ans et vient d’être racheté par le groupe LVMH qui s’apprête à étoffer ses lignes Homme, Enfant et Maison. Lui fleurit ses vêtements comme jamais.

MADLY KENZO

L’histoire de Kenzo débute réellement à Tokyo, où il est le premier garçon à suivre les cours du Bunka Fashion College, contre l’avis de son père qui dirigeait une machiai, une maison de thé, mais avec la bénédiction de ses grandes soeurs qui lui ont appris le b.a.-ba de la mode en lui refilant leurs magazines de filles. Il lui faudra traverser mers et océan, d’est en ouest puis monter à Paris, galérer un peu sans se prendre le chou, vendre ses dessins à Louis Féraud puis s’installer en 1970 galerie Vivienne qu’il décore à son goût, avec fresque peinte à la façon du Douanier Rousseau, une forêt vierge qui donnera son nom à sa boutique, Jungle Jap. L’époque est encore au futurisme à la Cardin, Courrèges ou Rabanne, Kenzo démode tout d’un coup, avec ses imprimés fleuris, son folklore multi-ethnique joyeusement bouturé, ses patchworks inspirés, son idée de la fête et son sens des défilés insouciants qui cassent les codes classiques et poussiéreux de la couture. Sur le podium, ses mannequins dansent, sa mariée chevauche un cheval et lui, juché sur un éléphant, sourit de toutes ses dents. Ses premières clientes ? Les bobos de l’époque qui ne portent pas encore ce nom duosyllabique, et toutes les autres qui s’offrent un foulard ou une écharpe, avant même l’apparition officielle des it accessoires. En 1976, Kenzo installe ses studios et sa boutique phare place des Victoires, à lui le monde. New York, Londres, Milan, l’Homme (1983) et les parfums dès 1988 avec Kenzo by Kenzo suivi d’une giclée de jus inédits et de flacons organiques sculptés par des designers en phase. Ses fragrances – avec idylle contenu contenant – frappent l’imagination. Une fleur sur un galet, une feuille, un bambou bleu, un coquelicot enserré dans la transparence (ci-dessus), une odeur marine, une identité olfactive à part et surtout jamais d’or sur le packaging – les codes ici aussi sont joliment malmenés. Mais toujours poétiquement. Ne sera-t-il pas celui qui célébrera le premier jour de l’été en 1994 en transformant le Pont-Neuf en champs de fleurs multicolores ? Et quand il choisira de se retirer en 1999, il offrira en un feu d’artifices qui n’a rien d’artificiel un show-événement sans mégalomanie où amis, collaborateurs, stars et anonymes défileront pour lui en total look Kenzo millésimé et évidemment mélangé. Après, à la direction artistique, on retrouvera Gilles Rosier et Roy Krejberg (2000-2003), Antonio Marras (2003-2011) et Opening Ceremony (2011). Tandis que lui, Monsieur Takada, un peu las des chiffons mais pas de la décoration, siffle tous les matins Parlez-moi d’amoursous sa douche.

ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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