L’ex-star du groupe Gucci est enfin de retour. Bien décidée à imposer son label comme  » la première marque de luxe de ce siècle « . Pour lancer sa ligne de cosmétiques  » Tom Ford for Estée Lauder « , l’Américain a tenu salon chez Colette, à Paris. Un cocktail hypertrendy où se croisaient Lou Doillon, Aure Atika, Andrée Putman, Emmanuelle Seigner, Liz Hurley et Gwyneth Paltrow. Weekend aussi y était.

Cette collection en série limitée est disponible en exclusivité chez Colette, 213, rue Saint-Honoré, à 75001 Paris.

Quand on a bossé dur, comme lui, pendant dix ans, s’offrir une année sabbatique est plus que mérité. Le temps de se ressourcer, de déprimer un peu, de retrouver un but. Et de peaufiner la mise en scène de son retour. Un an tout juste après son dernier défilé pour le groupe Gucci, Tom Ford annonçait, enfin, en avril dernier, son grand come-back. Sous son nom. Aux étudiants d’Oxford à qui il avait pourtant juré mordicus  » jamais sous mon propre label « , il sert aujourd’hui un tout autre mantra :  » ne jamais dire jamais « . Bien d’à propos pour un créateur qui a l’ambition de lancer  » la première vraie marque de luxe de ce siècle « . Tout y passera : l’homme, la femme, la maison, les lunettes, les chaussures et autres accessoires, les intérieurs de jet, les voitures. Et les cosmétiques bien sûr. Un secteur pour lequel cet architecte de formation s’est trouvé un partenaire à sa mesure. Avec lequel, en guise de mise en jambes, il vient de lancer pour Noël une mini-ligne de parfums et de maquillages. Avant même la mise en rayon cet automne,  » Tom Ford for Estée Lauder  » est déjà un collector (lire l’encadré en page 18). A New York, où la gamme  » Amber Nude  » n’était en vente que chez Saks, la rupture de stock fut quasi immédiate. Objectif suivant : Paris dans la très select boutique Colette où la gamme devrait disparaître aussi vite.  » Nous avions l’habitude de travailler avec Tom du temps de Gucci et Saint Laurent « , rappelle la propriétaire du concept-store le plus trendy de la Ville lumière.  » C’était son souhait que la ligne soit vendue ici « , insiste-t-elle. Et que s’y tienne, le 1er décembre dernier un cocktail de lancement réservé à quelque 250 happy few. Dont Weekend Le Vif/L’Express.

Quelques jours plus tôt, le précieux sésame était arrivé à la rédaction. Un carton crème spécifiant en lettres d’or manuscrites que Tom Ford m’invitait à découvrir, à ses côtés, les premiers maquillages littéralement gravés à son nom. Selon l’humeur du jour du  » fashion mogul « , comme disent les Américains, il serait ou non possible de l’approcher, de lui parler. Un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout. La consigne de l’agence de com, dirigée par Angelo Sensini, en charge de l’événement, se voulait évasive et prometteuse à la fois.  » Il donnera peut-être des interviews, avant le début de la soirée. Venez un peu plus tôt, on verra bien ce qu’on peut faire pour vous.  » A voir la grappe de journalistes agglomérée dès 18 h 30 devant l’entrée, Angelo Sensini avait délivré le même message d’espoir à plus d’unes, toutes bien décidées maintenant à le lui rappeler.  » Angelo, tu me l’as promis, je l’aurai dix minutes, rien qu’à moi, n’est-ce pas ? » supplie l’une d’elles en se jetant au cou de l’Italien.  » Je serai assise à côté de lui, bien sûr « , ajoute sa voisine, le calepin déjà rivé dans la main. Comme elles, je décide d’y aller au culot :  » Et pour moi, ça se passera comment ? Quelqu’un de chez vous m’a dit hier que je pourrais l’interviewer pendant la soirée.  » L’élégant PR que je vois pour la première fois me dévisage.  » Vous avez appelé chez moi ? Et on vous a dit ça ? » Tout miel, je persévère.  » Oui, un jeune homme charmant avec une fort accent américain. Il a dû oublier de vous passer le message.  » Un peu perplexe, Angelo choisit de se laisser convaincre. Et fournit le nouveau modus operandi :  » Tom Ford est en retard, il n’arrivera pas avant 19 h 15. Tout se fera de façon informelle durant la soirée. Restez à proximité, je vous présenterai.  »

Entre-temps, la file s’est déjà étirée tout le long de la devanture où trônent les produits ambrés, mais aussi la première ligne de lunettes solaires du créateur. Le dress code de la plupart des invités est casual, version négligée ultrasophistiquée. Surtout ne pas laisser penser que l’on s’est habillé pour la circonstance. Ni que l’on est content d’être là. D’ailleurs, l’attente n’a rien de glamour. Et dans le rang frigorifié, ça commence à grogner.  » Tu comprends, je rêverais de prendre une petite coupe de champ avec toi, assure une jeune femme à sa voisine de file. Mais là, ils annoncent déjà du retard, alors si dans un quart d’heure ça n’a pas commencé, moi je propose qu’on se casse parce que ça me saoule déjà ce truc.  » Elles resteront pourtant car voilà que la porte s’ouvre. Sanglée dans son manteau Dior, une ravissante brune m’empoigne le bras et dépasse les curieux qui restent scotchés à la vitrine.  » Il faut savoir s’imposer « , justifie-t-elle, d’un haussement d’épaule mutin. Si parisien. Avant de disparaître à l’étage où de séduisants jeunes gens, vêtus de blanc des pieds à la tête, passent à la ronde avec des zakouski aux mensurations de top-modèles.

Soudain, les flashs se mettent à crépiter. Tom Ford vient d’arriver. Le teint parfait. Bronzé à souhait. Costume noir et souliers vernis. Chemise blanche, toujours, échancrée, of course, jusqu’au quatrième bouton. Si le rôle de James Bond restait à prendre, on le dirait taillé pour lui. Aux côtés d’Aerin Lauder, Senior Vice President of Global Creative Directions de la marque américaine, il livre avec un plaisir manifeste son bon profil à tout ce qui prend des images. Arrivé au sommet d’une première volée d’escaliers, ses yeux brillent : il vient d’apercevoir deux vieilles connaissances qui l’attendent sur le palier.  » Bonsoir, mesdames, comment allez-vous, comme vous êtes belles ce soir, s’exclame-t-il charmeur. Toute cette fourrure, j’adore, c’est si beau, tellement doux « , ajoute-t-il en les embrassant. Gourmand, comme si le toucher de ses peaux de bêtes drapées lui manquait, de ses deux mains, il caresse les manteaux, les cols de vison. Mais déjà Angelo le tire vers l’étage où, pendant environ une heure et demie, il va papillonner de groupe en groupe, à la manière d’un chef d’Etat donnant audience. A l’un il parle d' » Amber Nude  » bien sûr, de cette passion qu’il a depuis toujours pour les cosmétiques.  » J’en rêvais depuis longtemps. Déjà pour mes défilés pour Gucci ou Saint Laurent j’attachais une énorme importance au maquillage, à la coiffure qui peuvent changer votre look « . A l’autre, il se dit emballé de travailler avec Estée Lauder,  » une marque-phare aux Etats-Unis que j’admire depuis toujours « .

Mais le voilà qui se retourne. Croise mon regard. Et emprisonne ma main dans la sienne pendant que je me présente. Pour un instant, il est là, rien qu’à moi. Fantasme absolu de fashionista. Un scénario dont aurait pu rêver Carie dans  » Sex & the City « .  » Bonjour Isabelle, ravi de faire votre connaissance, comment allez-vous ? » me demande-t-il avec cette décontraction à l’américaine qui pourrait laisser croire qu’on se connaît depuis dix ans. Comme le veut la casual étiquette, je lui retourne la question.  » Moi je vais très bien, je suis enchanté d’être ici en France.  » Sur la lancée de ma première audace, j’enchaîne : où en est-il avec ses projets de cinéma ?  » Je pourrai bientôt annoncer quelque chose, au début de l’année prochaine. Là c’est encore un peu tôt, mais ça va se faire, je vais bien diriger un film.  » L’idée lui plaît, comme en témoigne le pétillement de ses grands yeux bruns. Mais il revient vite sur Terre pour reparler de sa première ligne Homme.  » Elle sortira à l’automne prochain. Il y aura tout, les vêtements mais aussi, les chaussures, les accessoires. Je ne ferai pas de défilé. Et tout sera quasiment fait sur mesure. Très exclusif en tout cas.  » Dans la veine du glamour Gucci ?  » Vous savez, Gucci et Saint Laurent, c’était moi ! Déjà. Alors oui, il en restera quelque chose, mais j’ai vieilli depuis, j’ai aussi vécu d’autres choses qui vont m’influencer.  » Sa collection aura- t-elle une touche Ralph Lauren auquel il s’est déjà souvent comparé ?  » Moi, je ne pense pas en termes de mode italienne, française ou américaine. La mode aujourd’hui est globale.  » Mais déjà Angelo le rappelle à l’ordre.  » Désolé, mais il m’emmène « , se hâte-t-il de susurrer en attrapant une nouvelle fois ma main, toujours ravi, à l’entendre d’avoir pu papoter quelques minutes avec moi.

Le timing est parfait pour attraper la première coupe de champagne de la soirée. Hasard des mouvements de foule, la jolie Parisienne de l’entrée se retrouve à mes côtés. J’apprends qu’elle est rédactrice beauté dans un magazine féminin. A-t-elle déjà accroché Tom Ford ?  » Non, et je ne cherche pas à le faire, sourit-elle. Il ne dit rien que l’on ne sache tous déjà.  » Je dois bien reconnaître qu’elle n’a pas tort.  » Ce qui intéresse mes lectrices, avant tout, ce sont les produits dont j’ai déjà parlé. Et franchement, ce poudrier doré, c’est très beau, mais ça reste très sage, très Estée Lauder finalement. Je ne suis pas sûre de toute façon qu’il puisse se lâcher d’avantage pour cette marque-là. Quand il sera sous son propre nom, on verra.  »

Perchée sur d’improbables escarpins en vernis rouges, Lou Doillon, en revanche, est venue tout exprès pour rencontrer le designer superstar.  » C’est un des seuls créateurs que je ne connais pas, avoue- t-elle. Même si j’ai déjà porté des pièces de lui dans des shootings. Alors oui, je suis curieuse. Vous savez, je ne connais pas bien la mode, je m’intéresse à plein de choses mais pas vraiment à ça. Lorsque je vais à un défilé de Galliano, par exemple, c’est parce que c’est un ami, avant tout.  »

Pendant qu’Andrée Putman embrasse le héros du jour sous les flashs, Liz Hurley, qui sort d’une séance de pose devant la table des produits… et une porte grande ouverte sur l’hiver glacial, remonte l’escalier en courant.  » Oh, il fait tellement froid ici, vous ne trouvez pas ? » s’excuse-t-elle en soufflant et en se frottant les bras. Il faut dire que sa petite robe noire laisse bien de la place pour les courants d’air. Ce qu’elle pense de la collection ? Rire.  » Oh, je l’adore, c’est vraiment magnifique, c’est totalement moi, je me sens très  » Amber Nude « .  » Mais déjà un des hommes d’Angelo la rattrape fissa pour une autre série de photos.  » Gwyneth est là, avec Tom, il nous faut une photo de vous deux avec lui « , justifie le grand baraqué à l’oreillette. Un petit groupe de journalistes japonaises s’interroge.  » C’est bien Gwyneth Paltrow, avec monsieur Ford ? » Je les rassure :  » Oui, c’est bien elle.  » Et les voilà qui dégainent toutes ensemble leurs portables voleurs d’images. Débarque alors au pas de charge un caméraman qui manque de renverser un plateau couvert de cocktails maison et le jeune homme qui le transporte.  » On va tout balancer sur satellite dans le monde entier pour eux, juste après, s’excuse la journaliste qui l’accompagne. Vous comprenez, il y a des images qu’on DOIT avoir.  » Ce sera d’ailleurs l’une des dernières. Gwyneth, qui incarne depuis peu le visage du parfum  » Pleasures « , n’a visiblement pas l’intention d’en faire plus qu’il ne faut. Et à sa suite, Tom, Liz, Earin et les autres mettront les voiles en un instant.

Alors que la blonde égérie s’éclipse par la porte arrière, un couple s’approche de la vitrine visiblement intrigué par ce va-et-vient de célébrités.  » Qu’est-ce qui se passe ici, mademoiselle ? » demande-t-il curieux ?  » C’est Tom Ford qui lance une gamme de cosmétiques exclusifs chez Colette pour Estée Lauder.  »  » Tom qui, vous dites ? » demande l’homme sceptique

C’est alors que je me souviens de cette petite phrase du gourou de la mode, prononcée il y a quelques semaines à peine à Londres :  » Tout est différent lorsque vous n’êtes plus dans le milieu de la mode. J’ai été très surpris de réaliser que finalement, un grand nombre de gens ne s’y intéresse pas, tout simplement. Et des choses, qui pour vous sont tellement importantes, ils ne les remarquent pas, ils s’en fichent, même. Ça m’a beaucoup aidé de comprendre cela pour ce que je voudrais faire maintenant. Je sens que j’ai eu ma dose de vraie vie en prenant du recul pour un temps.  »

L’architecte a peaufiné ses plans. Il n’y aura pas de coup d’essai. A 43 ans, c’est son nom qu’il lui faut construire maintenant.

La femme Tom Ford : glamour et nature à la fois

Tout est parti d’un vaporisateur de poche doré fabriqué par Estée Lauder dans les années 1970. Cet objet-phare, lourd et précieux, a inspiré tout le design de cette première collection de maquillage et de parfum  » Tom Ford pour Estée Lauder  » où le créateur invite la femme d’aujourd’hui à retrouver les rituels de beauté d’autrefois, aux antipodes du tout à jeter.  » Mon objectif était de reprendre le glamour, l’histoire, l’expérience, la qualité et l’esprit d’Estée Lauder, précise l’Américain. J’ai repris le vocabulaire de la marque, j’ai essayé de le réduire à sa forme la plus épurée pour le rendre jeune, moderne et contemporain.  » Comment ? En s’emparant tout d’abord d’un parfum historique, Youth Dew que portait déjà sa grand-mère et qui hante encore aujourd’hui sa maison de New Mexico. Tom Ford a allégé la fragrance, notamment par une réduction de la concentration en patchouli. Rebaptisé pour l’occasion Youth Dew Amber Nude, son packaging aussi en sort relifté, somptueuse réinterprétation des célèbres cannelures dorées. Cette  » signature  » se retrouve également sur les produits de la ligne maquillage  » Amber Nude « . Côté couleurs, cette mini-collection (dix produits au total) illustre bien la philosophie de la beauté féminine vue par le designer superstar : des nuances nature pour les lèvres, transparentes pour les ongles, un soupçon d’or 24 carats pour enluminer les lèvres et les pommettes.  » C’est vraiment ce que j’aime le plus : une bouche neutre, une peau magnifique et des yeux puissants, spectaculaires.  » Ce look unique peut être adapté par toutes les femmes selon leur teint. Une déclinaison d’or et de chair, qui annonce déjà l’arrivée de ces deux tons vedettes de l’été 2006.

Isabelle Willot

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