C’est le designer qui monte. Ses objets sont résolument chics, élégants même. Les éditeurs les plus pointus l’ont déjà repéré, qu’ils se nomment Cappellini, Domeau & Pérès, Hermès ou Kréo. À 45 ans, la cote de popularité de ce designer obsédé par la légèreté des objets s’envole.

François Azambourg est bien plus qu’un designer. C’est un designer à brevets poétiques qui expérimente ses idées lui-même dans les 80 m2 de son atelier de Clichy, au nord-ouest de Paris. En pantalon noir et chemise blanche, boutonnée du col aux poignets, le regard franc, les prunelles brillantes, il nous accueille. Le look et la syntaxe sont plus proches de l’artiste contemporain que du designer branché. Et c’est aussi l’image que donne la Very Nice, une chaise singulière qui emprunte, comme il le dit lui-même, aux amateurs de tour Eiffel en allumettes. Editée par l’un des labels de design les plus élitistes du marché (Domeau & Pérès, 2005), elle va marquer un tournant dans sa carrière.

Comme beaucoup de créateurs, François Azambourg puise sa force et son imagination dans l’enfance. Petit, il enchaîne les maquettes, ces frêles bouts de bois entoilés de papier Japon. Des objets  » craquants  » qui le fascinent encore aujourd’hui. Au point de tendre la chaise Very Nice, dans sa version originale, d’un film polyester translucide et rouge, la couleur qu’il emmènerait sur une île déserte. Diplômé de l’ENSAAMA (Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art – Olivier de Serres, Paris) en 1987 pour une étude technique sur… le saxophone (une bestiole qu’il juge infirme, instable, lourde et qu’il n’aura de cesse d’asticoter techniquement pendant dix ans pour améliorer son rapport énergie dépensée/efficacité musicale), il est obnubilé par le poids et la gaucherie de ces objets fabriqués à l’ancienne (et dont il est pourtant amoureux), le designer a trouvé son combat : la virtuosité s’exprime dans la légèreté. C’est aussi sa conception du développement durable : alléger la matière à toutes les étapes de la création, car l’homme ne pourra cesser de produire. De la conception (récup’, expérimentation à petite échelle) à la production (diminuer la production de déchets qui sont le problème numéro un de l’industrie), sans oublier la distribution…

Un casse-tête résolu à point nommé en 1999, début d’une nouvelle ère, en un tour de main magistral. La chaise Pack (développée avec le VIA) est malheureusement trop futuriste pour être un best-seller (elle n’a jamais été éditée), mais l’estime de ses pairs est gagnée. C’est une chaise livrée dans une capsule plastique toute simple. Il suffit de l’ouvrir, de tourner le bouton activateur, de secouer 20 secondes, de laisser gonfler 1 minute et de laisser reposer et le tour est joué. Devant vous se tient une chaise en tissu capitonné gonflée de mousse, aussi solide que du bois. Pas de moule à injection, pas de déchets, pas de stockage. On retrouve cette démarche quand il travaille la lumière. Dès 2001, c’est dans les nouvelles technologies qu’il pioche, créant un fagot de fibres optiques édité en 2005 chez Ligne Roset et baptisé Yvette. Sur le même principe, il crée Brindille (2006).  » J’aime les choses dématérialisées « , concède-t-il.

Cette virtuosité technique le fascine, même si elle n’est pas de tout repos : combien de prototypes en tissu, en métal, en bois, ont explosé sous la pression de la mousse, laissant un modèle défoncé, maculé, et bon pour la poubelle ?… ou la galerie d’art ! Cette mousse, il la coince par exemple entre deux plaques de contreplaqué de bouleau, créant un sandwich souple ; la série des  » Bois-mousse ? « , entreprise en 1998 sous la houlette du VIA (Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement), prendra vie en 2007 sous la forme du siège Jockey, édité par Poltrona Frau. Il la comprime entre deux feuilles de métal (tabouret d’argent massif, galerie Kréo, 2005). Un travail d’orfèvre qui donne naissance à la série des Monsieur Bugatti en tôle d’acier froissé pour la maison italienne Cappellini (chaise, fauteuil, tabouret, table, lampe, 2006-2008), poussée à la production par le succès inattendu d’une présentation grand public… Et baptisée Monsieur Bugatti pour le choix du bleu de carrosserie.

Un peu japonais dans l’âme, François Azambourg est inspiré par le pays du Soleil-Levant où il se rend régulièrement depuis dix ans. C’est l’occasion de remettre ses projets en main propre aux entreprises avec lesquelles il collabore sur place. Et d’explorer ce léger décalage propre à la création japonaise qui permet de créer une certaine poésie des objets avec… très peu de moyens.

Sixtine Dubly

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