Oubliés les diktats du style et de l’usage uniques. Comme l’a révélé le 45e Salon international du meuble de Milan qui s’est terminé le 10 avril dernier, on  » habille  » désormais sa maison comme on se vêt soi-même : en suivant les tendances tout en les personnalisant. Tous les genres et les mélanges sont permis. A vous de customiser à renfort de coussins le sofa XXL dans lequel vous aimerez vous lover. De transformer un pouf en table ou en plateau-télé. Plus que jamais, aussi, on  » passe au jardin « . La terrasse devient lieu de vie raffiné tandis que la nature, par ses matières et ses couleurs, s’invite à l’intérieur. Aux courbes et aux enluminures d’un baroque revisité répondent les lignes d’une création brute de décoffrage directement inspirée des emballages. Au détour des quelque 220 000 m2 de stands du tout nouveau complexe Fieramilano comme des studios confidentiels nichés au cour de la capitale lombarde, Weekend a débusqué les nouvelles tendances du monde du design qui flirte de plus en plus avec celui de la mode. Et place l’Homme – le créateur comme l’utilisateur – au premier plan.

Transformiste

Le meuble à fonction unique a vécu ! En déplaçant un pouf qui servait de table, on transforme son sofa en liseuse, on s’assied ou l’on se couche comme le suggère Ferruccio Laviani avec Freestyle (4), une série d’assises, de dossiers et de coussins dessinés pour Molteni qui permettent de composer à sa guise un canapé souple et désinvolte. Nomades, The Handles (2), les splendides coussins d’Hella Jongerius pour Vitra permettent de s’asseoir où l’on veut. Chez Moroso, Transform (1) du studio croate 4 Use passe d’une position droite à une ligne lascive en un tour de main. Quant au Californien Yves Béhar, l’une des stars émergeante du Salon, on lui doit Kada (3), cet étonnant tabouret-table qui renferme très astucieusement une multiprise et dont la partie supérieure détachable se change en plateau mobile.

N ature toute

La tendance incontournable du salon. Par la dominante des couleurs, d’abord : du blanc, du beige, et toutes les nuances de vert, remarquablement mises en scène, entre autres, dans toute la gamme de Molteni qui présentait, dans des tons de feuillage, la chaise longue Grove (2) de Patricia Urquiola, l’une des créatrices les plus demandées du moment. Dans le même esprit nature, on doit aussi à la créatrice espagnole Antibodi (3) pour Moroso, une autre chaise longue en forme de pétales. Elle signe encore, chez Artelano, le fauteuil Log (7) en hêtre massif naturel recouvert d’une peau de bête à longs poils venue des steppes mongoles ou chez Kartell, T-Table (9), une table basse très poétique dont la texture rappelle l’écorce d’un arbre. Pour Kartell toujours, Marcel Wanders, nouveau venu chez le fabricant italien, s’est inspiré des pierres précieuses pour dessiner Stone (6), un tabouret aux multiples facettes. Zanotta a pour sa part choisi de faire appel à une valeur montante, le jeune Canadien Garth Roberts qui propose Raw (8), une table en chêne et acier dont les panneaux bruts se modulent à loisir. Pour le spécialiste des équipements de jardin autrichien Viteo, le Belge Philippe Allaeys s’est souvenu des anciens tabourets utilisés pour la traite des vaches pour designer Oeni (1), un nouveau type de meubles aussi à l’aise dehors que dedans. Chez Edra, les frères Campana se sont inspirés des courbes du crocodile brésilien pour créer Kaiman Jacaré (4), un divan rembourré sans structure dont les éléments s’enchevêtrent ou se décomposent au gré des envies de son propriétaire. A noter aussi ces étonnantes cloisons signées Ronan et Erwan Bouroullec pour Vitra. Véritables sculptures organiques, ces Roc (5) sont assemblés au départ de dizaines de panneaux de cartons recouverts de tissus colorés.

À la mode de chez vous

Mode et design font plus que jamais bon ménage. On ne compte plus les labels fashion qui créent ou développent leur propre ligne maison. Alors que Bottega Venetta (5) présentait sa première collection de meubles et d’accessoires, Armani Casa (2) dévoilait sa toute première cuisine. Dans le Crystal Palace de Swarovski, le duo Bruno Basso et Christopher Brooke mettait en scène Science et Fiction (4), un lustre inspiré des chandeliers baroques. Ron Arad, lui, exposait dans l’espace Metropol de Dolce & Gabbana et le collectif néerlandais Droog Design qui proposait entre autres Undercover (6) de Dana Gordon et Alesandro Zamudio Sanchez, une couverture diffuseuse de musique, était l’invité de Trussardi. Chez Moroso, une même pièce de tissu dérivée des recherches de Issey Miyake et de Dai Fujiwara était portée à la fois par des mannequins et la célèbre chaise Rippel Chair (1) de Ron Arad. Une démarche suggérée aussi par Marcel Wanders chez Moooi dont les sofas nus de la collection Boutique (3) s’habillent selon la fantaisie de leurs propriétaires qui créent ainsi de véritables  » silhouettes « .

Lové, vautré, niché

Voici venu le temps du sofa super qui invite à l’abandon. Abandonnée sur le paillasson, l’obligation de rigueur et de performance qui est de mise à l’extérieur. Chez soi, on se laisse aller dans un océan de tendresse, blotti dans Closer (4), le superbe loveseat fleuri de Tord Boontje pour Moroso. Antonio Citterio pour Maxalto ( 5) a imaginé un sofa pivotant, tout en rondeur. Chez Flexform, la chaise longue Sunny (6) se fait lit d’intérieur. Avec RPH pour Revolutions Per Hour (2), Fabio Novembre nous fait passer – sur le même canapé – de la position assise à la position couchée. Toujours plus haut et plus large, aussi, chez Vitra, avec la version Extra du Late Sofa (3) des frères Bouroullec. Dans cette même veine, le Dish Sofa (1) du Belge Danny Venlet, déjà présenté l’an dernier, était remis à l’honneur par son éditeur Naked chez Design – To. BE, le stand des Belges bien en vue dans le parcours branché de Zona Tortona.

pure techno

Futuristique. Il n’y a pas d’autre mot pour décrire l’hallucinant projet de cuisine dessiné pour DuPont Corian® par l’architecte vedette Zaha Hadid. Les deux îlots  » Eau  » et  » Feu  » de Z. Island (4) ne se contentent pas de remplir les fonctions de base (laver et cuire) que l’on attend d’eux. Télévision, i-Pod et diffuseur de parfums sont intégrés à cet espace multisensoriel à la ligne inspirée des glaciers. Une pureté polaire que l’on retrouvera dans les éléments modulaires multimédia de la ligne Life (1) de Roberto Monsani, chez Acerbis, mais aussi dans le design terriblement fifties de Ferallon (2) , la chaise d’Yves Béhar pour Danese. Virginales, l’étagère Shift (3) de Patricia Urquiola et la table The Table, tout en marbre blanc de Monica Armani pour B & B, s’inscrivent aussi dans ce courant minimaliste.

BARoquissimo

Le courant n’est pas neuf mais il inspire encore de nombreux créateurs, surtout aux Pays-Bas, où, à l’instar de Brand Van Egmond, avec cette lampe-chandelier Nightwatch (2), on aime se revendiquer de l’esprit de Rembrandt. La palme de cette tendance au surenluminé revient sans contexte à Bisazza (3) qui présentait cette année sa première collection de meubles dans laquelle on épinglera tout particulièrement cet étonnant paravent en mosaïque de Patricia Urquiola, inspiré des toiles de Jouy. Chez Cappellini, Marcel Wanders en développant encore sa ligne New Antiques (1) poursuit son combat contre un design industriel basé sur les codes du siècle dernier qu’il juge anachronique. Pour Moooi, dont il est l’un des pères fondateurs, il a fait appel au duo Studio Job qui signe un Chandelier XXL fait de carton et de papier mâché. Le couple belgo-néerlandais proposait aussi chez Royal Tichelaar (4) une étonnante déclinaison d’assiettes en biscuit.

Grand déballage

Dans une démarche plus expérimentale, ils sont nombreux à travailler sur l’emballage, sur tous ces contenants (boîtes, tiroirs, paniers…) dont ils détournent la fonction première, sur ces matières ingrates (carton, polystyrène…) qu’ils réhabilitent. Anonyme Studio pour Fratelli Boffi (3) réduit la commode à ses tiroirs. Chez Kartell, Ronan et Erwan Bouroullec proposent leur Panier (4) en polycarbonate transparent qui se fait table de salon. Pour le très trendy label britannique Established & Sons, Jasper Morrison a dessiné The Crate (2), une petite boîte ouverte inspirée d’un cageot abandonné. Chez Big Game, la lampe Styrène, le tabouret Box (1) en aluminium laqué ou le vase Fragile en polystyrène expansé redéfinissent une nouvelle esthétique de la précarité.

Outdoor attitude

Comme la cuisine s’est ouverte sur la salle à manger, la salle de bains sur la chambre à coucher, la terrasse et le jardin se veulent désormais les prolongements luxueux et sophistiqués de la maison. Les plus grands noms du design signent aujourd’hui des meubles et des accessoires outdoor qui trouveraient parfaitement leur place dans le plus bel intérieur. Comme Q Stool (2), ce pouf dessiné à l’origine pour un bar lounge par le Belge Danny Venlet chez Viteo ou Sliding (4), la chaise longue de Patricia Urquiola pour Gandia Blanco. Chez Zanotta, Louise Campbell a combiné pas moins de 240 cercles pour donner naissance à Veryround (5) une chaise métallique tout en courbes sensuelles à l’aise dehors comme dedans. Marcel Wanders, lui, a imaginé des petits pots dans les rebords de sa balançoire Swing (3), éditée par Droog Design, pour que l’on puisse y faire pousser du lierre. De nombreux fabricants proposent désormais des îlots de cuisson en bois et acier inoxydable, semblables aux éléments de la famille Pontile (1), dessinés par le créateur Français Jacques Toussaint pour Dimensione Disegno. Et l’on ne compte plus, par ailleurs, les nombreux modèles de douches de jardin. La plus originale, toutefois, présentée au stade de prototype chez Viteo, revenant à Danny Venlet : il suffit de grimper sur le socle qui sert de réservoir d’eau pour que celle-ci s’élance… de bas en haut. A coup sûr, l’une des nouveautés éditées dès septembre prochain et qui faisait courir tous les curieux du salon.

Isabelle Willot

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