Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

C’ est bien connu, on ne plaisante pas aux fourneaux, l’affaire est trop sérieuse.  » On arase, on sue, on dépouille et larde, on écrase, dérobe, pile et pèle à vif, on flambe, crève, ébouillante, on détaille et réduit « , notent malicieusement deux journalistes gourmands qui publient un séduisant dictionnaire culinaire,  » ludique, littéraire et informatif « , dans lequel on plonge avec volupté pour picorer de bien savoureux jolis mots (1).

Deux tomes pour un tour d’horizon complet. Le premier, indispensable, réunit tours de main et matériels, histoire de savoir ce que l’on fait et avec quoi. Le deuxième se penche, lui, sur les préparations et les ingrédients. Le tout persillé de recettes, négligemment glissées au hasard des pages, et qui sont autant de promesses gustatives. Qui sait encore ce que abricoter, canneler, chiqueter, signifient ? Et si les sauces béchamel, hollandaise, béarnaise n’ont plus de secret pour la ménagère, même de moins de 50 ans, qu’en est-il des sauces ivoire, bercy, cardinal, albuféra ? Mieux : quel miroton expérimenté sait encore présenter un  » merlan frit en colère  » ou un  » coq en barbouille  » ?

Si certaines expressions épinglées dans ce dictionnaire pas comme les autres peuvent paraître parfois un tantinet désuètes, qu’on se rassure, nos deux auteurs ont exploré avec autant de passion la cuisine contemporaine. Blender, mixer et siphon figurent en bonne place. Tout comme hamburger ou wasabi. Il n’empêche. Le plus piquant, c’est qu’aujourd’hui encore tous, un jour, nous avons  » tapiné  » en trempant notre doigt dans une préparation avant que les convives daignent, enfin, passer à table. Et puis, avouons-le, pour rien au monde nous ne délaisserions le sot-l’y-laisse, même sous la menace d’une nouvelle poussée de grippe aviaire. Un bec fin bravera tous les dangers.

Bref, ce dictionnaire-là, ce n’est que du bonheur. Des bruits de casseroles en transe de mijotages, une batterie de cuisine, véritable orchestre où vibrent timbales, mandolines, diapasons et pianos ! Un vocabulaire extraordinaire de richesses qui renvoie souvent, et il touche bien là le c£ur de la gastronomie, à la violence, à la musique et au sexe. Ça capilotade et ça carpacciotte dans tous les coins. On croise même une véritable arche de Noé qui abrite, entre autres, castors, souris, araignées ou cul-de-poule.

Un rare lieu d’abandon en compagnie de la comtesse Du Barry, Jeanne Bécu, favorite de Louis XV. Ou du Grand Condé, Louis II, prince de Bourbon ; d’Alain Ducasse ou d’Olivier Roellinger. Enfin, pour vous mettre définitivement l’eau à la bouche, vite fait, bien fait, en guise de conclusion, la recette de ce bien prometteur coulis au melon : broyer 160 ml de melon au mixer en ajoutant 30 ml de sucre glace et 1 jus de citron. Réserver au frais pendant 24 heures maximum.

(1)  » Mots de cuisine « , par Emmanuelle Maisonneuve et Jean-Claude Renard, éd. Buchet-Chastel.

Christine Laurent

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