Secrets, trio, filiation et destin constituent les mots-clés du sixième roman de Mazarine Pingeot. Une passion interdite qui mènera aussi Mara à la recherche de ses origines dans une Algérie déchirée par les affres de la guerre civile.

Quelle enfant étiez-vous ?

Une fillette gaie dans une situation particulièreà Mon secret a suscité un sentiment de solitude. Mes parents étaient aimants et présents, mais il me manquait une fratrie.

Vous rêviez de devenirà

Styliste. J’adorais dessiner et imaginer des vêtements de poupées. Puis, il y a eu ma passion pour l’équitation. La littérature m’a toujours accompagnée, mais je ne me voyais pas écrivain.

Pourquoi l’enfance est-elle au c£ur de vos romans ?

Parce que de nombreuses choses y prennent naissance et s’y enracinent. L’enfance construit notre rapport au monde. Elle contient aussi nos manques. On passe toute notre vie à les réparer ou à faire fructifier nos cadeaux d’enfance.

Est-ce parce que vous êtes l’enfant d’un secret, que ce thème vous attire ?

Il est vrai que j’y reviens malgré moi. C’est lié à mon vécu. Mais au-delà de ça, c’est un sujet romanesque passionnant, dont on n’a jamais fait le tour.

Pourquoi cette relation triangulaire entre Mara, Manuel et Hicham?

Le chiffre 3 m’interpelle car il évoque la trinité parents/enfant. L’un d’entre eux se doit de casser le rapport fusionnel des deux autres. Mara et Manuel se sont enfermés dans un lien excluant. Seul Hicham peut briser cette tentation de fusion, pour leur faire découvrir le monde.

Si vous étiez un tabou ?

N’étant pas dans le jugement, j’essaie de le comprendre ou de l’interroger. Mon roman explore le mythe platonicien qu’est l’inceste. Ce tabou m’intéresse parce qu’il se situe entre l’intime et la société, la nature et la culture. Tout comme le passé, il est toujours rattrapé par quelque chose. On ne peut pas faire l’impasse des originesà

Quand une fille devient-elle une femme ?

Avec la maternité, parce qu’elle chamboule tout. On met du temps à s’approprier ce corps changeant. Cette forme de violence comprend un avant et un après. Loger un autre être en soi, accélère les questions et les réponses.

Votre plus grande cicatrice ?

La peur de la mort. Je l’ai ressentie très tôt avec la maladie de mon père. Même si nous avons vécu des choses, belles et intenses, cette crainte renforçait l’idée de sursis.

Qu’est-ce que  » le bonheur d’exister  » ?

C’est d’être entourée de mes enfants et des miens, tout en arrivant à écrire. Il survient aussi quand je parviens à tenir mes angoisses et celles du monde à distance.

Qu’est-ce qui vous permet de renaître ?

Être en harmonie avec mon passé. Mon héroïne Mara doit saisir d’où elle vient, pour renaître à elle-même. L’écriture me renouvelle, mais je suis incapable de m’enfermer dans l’imaginaire. Je me nourris de littérature et de vie ! Tant la création que la procréation sont des réponses à la mort, puisqu’elles nous obligent à nous régénérer.

Mara, par Mazarine Pingeot, Julliard, 509 pages.

KERENN ELKAÏM

L’enfance construit notre rapport au monde.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content