« Faire un film, c’est un truc de fou ! »

Faut-il une certaine inconscience pour se lancer dans la réalisation quand on est une jeune comédienne peu connue ?

Sans doute, oui. J’ai quitté un job confortable de productrice pour la chaîne Comédie pour me lancer dans cette aventure. Sans mes Assedic ( NDLR : en France, les indemnités de chômage) et sans quelques apparitions au cinéma, j’aurais un peu galéré. J’ai connu huit mois un peu flottants, huit mois sans nouvelle paire de chaussures ! ( Rires.) Mais ce qu’il faut, surtout, c’est s’armer de patience.

Comment l’aventure de Tout ce qui brille est-elle née ?

Il y a quatre ans, j’ai parlé d’une idée de scénario à Lisa Azuelos, avec qui j’avais tourné Comme t’y es belle. Elle savait que j’avais fait des études de cinéma et m’a dit :  » Écris-le !  » Je l’ai prise au mot, sans rien dire à mon entourage. Ni mes parents, ni mon frère ( NDLR : le réalisateur Olivier Nakache), ni mon mari ( NDLR : le comédien humoriste Manu Payet) n’étaient au courant. J’écrivais le soir chez moi, en secretà Par pudeur, par goût du travail aussi : on croise tellement de gens pleins de projets dans ce métier. Je n’imaginais pas alors une seconde que je coréaliserais le film. L’idée m’aurait semblé à la fois mégalo, dingue, une imposture. Autant m’imaginer mannequin ou gagnante au Loto !

à quel moment avez-vous décidé d’assumer vous-même la mise en scène ?

En fait, tout s’est passé en douceur. C’est Hervé Mimran, avec qui j’ai écrit la version finale du scénario, qui me l’a suggéré. Hervé est plus qu’un ami, c’est mon double. On avait travaillé ensemble sur le film, on s’était battus ensemble pour trouver un financement, on avait pleuré ensemble quand les gens de Vertigo nous avaient dit banco. Il y a un an et demi, lorsque je lui ai dit  » Vas-y « , il m’a dit  » Non, on y va tous les deux « . à ce moment-là, cela me paraissait naturel.

Quelle était votre plus grande trouille avant de vous lancer ?

J’en avais beaucoupà Pas concernant la technique, car Hervé est bien meilleur que moi dans ce domaine, et nous savions exactement ce que nous voulions avant même de tourner. J’angoissais à l’idée de diriger les acteurs de l’intérieur du plateau : jouer et mettre en scène, ce n’est pas évident. Mais cela crée une proximité avec les acteurs qui s’avère très efficace. Le plus dur, en réalité, c’est d’avoir réponse à tout. On n’a pas le droit au doute quand on réalise. Constamment, je me posais la question :  » Ai-je la bonne réponse ? « 

Le pire moment de cette aventure au long cours ?

Le pire, c’est quand nous nous sommes séparés de Quad Productions, avec qui nous avions développé le projet pendant deux ans. C’était un coup terrible. Ce sont des gens très bien, mais nous n’avions pas la même idée du film. Je m’en souviens parfaitement : c’était le 15 juillet, Hervé et moi étions en larmes, au café. Mon frère aussi avait le c£ur brisé. Inconsciemment, j’avais peut-être besoin de m’émanciper de sa tutelleà Il a fallu notre rencontre avec Vertigo Productions, deux mois plus tard, pour que l’espoir renaisse.

Et le plus beau souvenir ?

Il y en a deux : quand nous avons reçu l’accord de Pathé pour distribuer le film, un mois et demi avant le tournage. Le rêve devenait enfin réalité. L’autre très beau moment, c’est lorsque mon mari et Leïla Bekhti, qui est devenue une petite s£ur pour moi, ont tourné la scène de la dispute dans la rue. C’était une scène très difficile. Ce soir-là, tout le monde était fatigué, il était tard, le voisinage râlait. Leïla et Manu sont deux personnes qui me sont très chères et ce qu’ils m’ont donné ce soir-là, je ne l’oublierai jamais.

Comment expliquez-vous que tant de comédiennes décident cette année de franchir le pas de la réalisation ?

Je ne le vois pas comme une question de sexe, plutôt de génération. Les décideurs se renouvellent et semblent davantage à l’écoute de l’air du temps. Un vent nouveau souffle sur le cinéma français, en particulier sur la comédie, et c’est tant mieux : les sous-Veber qu’on se cogne depuis dix ans, ça suffit ! J’ai envie d’un cinéma qui me parle, qui me ressemble. Et comme je ne recevais aucun scénario, je l’ai écrit moi-même ! Le fait que je vienne de l’univers très concret de la télé m’a sans doute aidée : sur Comédie, on écrivait, on créait et on défaisait une émission chaque jour. Cela désinhibe considérablement.

Le fait d’être une femme n’a jamais représenté un frein dans votre ambition de réalisation ?

Absolument pas. Je n’ai pas de vision féministe du cinéma. Nous sommes reçues de la même manière que les hommes par les producteurs. Ma seule crainte, c’était que l’on m’impose une tête d’affiche. Qu’on me dise :  » D’accord pour l’histoire, mais avec Gérard Jugnot ou Gérard Depardieu.  » Par chance, à aucun moment le mot  » bankable  » n’a été prononcé. Le fait d’avoir imposé deux quasi-inconnues en haut de l’affiche est ma plus belle victoire.

Aujourd’hui, tout le monde espère une suite aux aventures d’Ely et de Lilaà

Tout le monde sauf moi : c’est non négociable ! Mais je travaille déjà à l’écriture d’un nouveau scénario. Un film autour de l’identité, avec Leïla, Manu, Sébastien Castro, Audrey Lamyà Que des gens que j’aime.

Finalement, réaliser un film, c’est mieux que gagner au Loto, non ?

Carrément ! Un truc de fou !

Géraldine Catalano

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