Darel Blue, la nouvelle ligne de Gérard Darel, sera commercialisée en Belgique dès ce printemps. Derrière ce lancement se profile une stratégie pointue et efficace, orchestrée par Laurent Darel : répondre au besoin de zapping de la clientèle. La plupart des grandes marques appliquent la même tactique. Un véritable déferlement de  » petites  » ou de  » deuxièmes  » lignes.

(*) Le fameux collier de perles de verre noires arboré par Jackie lors de la campagne présidentielle de John Kennedy a été acheté lors d’une vente aux enchères organisée par Sotheby’s en 1996. Le pull en pure laine vierge irlandaise de Marilyn, désormais diffusé en séries limitées par Pablo, a été acquis, fin des années 1990, chez Christie’s.

Carnet d’adresses en page 147.

S on bureau est de même facture classique que son costume, qu’il choisit forcément gris. Ni excentricité ni familiarité : Laurent Darel, 36 ans, directeur général adjoint de Gérard Darel, parle de  » Madame Darel  » en évoquant sa mère, Danièle, en charge du style, et jette un coup d’£il appliqué au dossier de presse lorsqu’il s’agit de décrire Darel Blue, la nouvelle ligne  » sport chic  » de la maison Darel. Darel Blue, c’est quelque 150 pièces chaîne et trame, jersey ou maille, caractérisées par des motifs floraux aux tonalités franches, le sens du détail (surpiqûres sur les jeans, broderies, rivets, chaînettes) et la persistance du denim.  » Le bleu est la couleur fanion de Gérard Darel. Appeler cette nouvelle ligne Darel Blue représentait donc une sorte de clin d’£il « , précise Laurent Darel. Du bleu, du bleu et encore du bleu, décliné du ton le plus pâle au blue jean, voilà qui est incontestable, mais il y a aussi du sable, du marron et du rose poudre dans cette première collection printemps-été 2003.

Depuis qu’il a intégré Gérard Darel en 1996, après un début de carrière dans l’immobilier, Laurent Darel veille au développement de l’entreprise familiale. Confortablement installée dans un de ces immeubles de style qui jalonnent les boulevards parisiens, à deux pas de la Bourse et du quotidien économique  » La Tribune « , Gérard Darel n’envisage ni cotation ni intervention d’investisseurs extérieurs.  » Nous maîtrisons notre croissance, qui est de 10 % à 15 % par an « , souligne-t-il. Pablo, la ligne que ce dernier avait lancée de manière autonome à la fin des années 1980, a rejoint le giron de Gérard Darel et contribue pour 15 % au chiffre d’affaires global (108 millions d’euros en 2002). Laurent Darel espère faire mieux encore avec Darel Blue, lancée actuellement en France, en Angleterre et en Belgique û les principaux marchés européens de la maison Darel û, avant d’être distribuée internationalement. Darel Blue cible la même clientèle que Gérard Darel, avec, sans doute, quelques années de moins…

Weekend Le Vif/L’Express : A côté de Gérard Darel, la ligne principale, il y a désormais deux lignes complémentaires, Pablo et Darel Blue. Quelle stratégie poursuivez-vous ?

Laurent Darel : Le but premier est de conserver à la ligne principale sa cohérence. Avec une marque de cette nature, on ne peut pas s’aventurer dans tous les styles et dans tous les créneaux. Gérard Darel, c’est le charme, la modernité et l’intemporalité. Ces notions-là sont déclinées à tous les niveaux de l’entreprise, du produit au concept de magasin en passant par la communication, avec le mannequin vedette de la maison, Stephanie Seymour. La création de nouvelles lignes découle de la volonté d’innover sur le plan du style, tout en préservant les valeurs fondamentales de Gérard Darel. Plus que de lignes, je parlerais même plutôt de marques car les équipes de création sont bien distinctes. Aujourd’hui, la clientèle zappe d’une collection à l’autre et il faut répondre à ce besoin.

En multipliant les marques, vous élargissez aussi votre cible de clientèle.

Gérard Darel a une cible de clientèle assez large à la base. C’est d’ailleurs moins une question d’âge que d’état d’esprit.

Tout le monde dit cela pour éviter les aveux délicats.

C’est malgré tout un peu vrai ! Darel habille la femme, la vraie femme, avec ses formes et sa plastique, quand d’autres privilégient les silhouettes filiformes, presque anorexiques. C’est d’ailleurs un point de convergence entre les différentes marques du groupe. Au-delà de ça, chacune d’elles incarne des moments de la vie, ce qui n’empêche pas une cliente Gérard Darel d’acheter du Darel Blue ou du Pablo et vice versa.

Les réseaux de distribution ne sont pas les mêmes non plus.

Dans les grands magasins, les deux marques ne seront pas vendues au même étage. Pour Pablo comme pour Darel Blue, nous travaillons avec des agents distincts, qui connaissent la marque qu’on leur confie et développent leur réseau de distribution propre. La stratégie n’est pas de vendre ces marques dans les boutiques Gérard Darel, sauf lorsque celles-ci ont une surface importante, comme c’est le cas dans le goulet Louise, à Bruxelles. Pour cette première saison, Darel Blue est référencée en France, en Angleterre et en Belgique, où nous avons sélectionné la crème des boutiques multimarques û une vingtaine à ce jour en Belgique. Nous allons progressivement monter en puissance, mais sans précipitation ; nous préférons privilégier la qualité du service.

Ne craignez-vous pas une dilution de l’identité de la marque ?

Je crois que l’identité de la marque se diluerait si, dans le cadre de la ligne principale, on multipliait les styles. Gérard Darel suit les tendances de manière perceptible, mais sans renier l’identité de la marque qui réside dans cet équilibre entre intemporalité et modernité. Darel Blue, elle, est plus ancrée dans la mode. Madame Darel veille à la cohérence des différentes lignes. Celles-ci ne se phagocytent pas puisque tout est étanche, de la création à la distribution. Chacune a, d’ailleurs, son propre spectre de concurrents.

Votre image repose largement sur l’achat de pièces mythiques de la garde-robe de Jackie Kennedy pour Gérard Darel ou de Marilyn Monroe pour Pablo (*). Quel vêtement ou accessoire pourrait aider à personnifier Darel Blue ?

Je l’ignore car il ne s’agit en rien d’une stratégie. Ce sont des achats impulsifs. Le collier de Jackie Kennedy û un simple collier fantaisie, composé de perles de verre façonnées à la lampe û a été acheté pour apparaître dans une campagne publicitaire. Les consommatrices s’y sont tellement attachées qu’il est devenu le symbole de l’entreprise. Quant au pull irlandais de Marilyn, il incarne à la fois l’authenticité et l’audace, assez proches de l’image et des valeurs de Pablo. Ce qui nous plaisait dans ce vêtement, c’est le mélange de naturel et de naïveté que dégageait Marilyn lorsqu’elle le portait. On n’aurait pas acheté la robe sexy qui a fait d’elle une star à l’image immortelle.

Propos recueillis par Chantal Samson n

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