LES ARTISTES

Gert et Uwe Tobias sont nés en 1973 à Brasov en Roumanie. Diplômés de la Hochschule für Bildende Künste, à Braunschweig, les frères jumeaux se sont installés avec leur famille en Allemagne dans les années 80. Ils vivent et travaillent aujourd’hui à Cologne. Depuis 2001, ils développent en duo un univers visuel pour le moins singulier où se mêlent dans un enchevêtrement complexe et fascinant des réminiscences de l’imagerie populaire et folklorique de leur Transylvanie natale et des références à l’art moderne. À la faveur d’un £cuménisme esthétique particulièrement libéré, le monde fantastique et bigarré des Tobias fusionne des motifs géométriques abstraits hérités du constructivisme russe à un imaginaire étrange et barré où James Ensor, les dadaïstes (surtout dans leurs sculptures et collages) et les expressionnistes allemands de Die Brücke se joignent à la fête. On pense d’autant plus à ces derniers qu’ils étaient adeptes de la xylographie, procédé d’impression devenu rare dans le champ de l’art contemporain et sur lequel les Tobias ont forgé leur signature formelle et leur réputation. À partir de formes en bois découpées, gravées puis enduites de couleur, ils développent grâce à cette technique très compliquée une structure graphique remarquable portée par une gamme chromatique aussi franche que raffinée. Un sens de l’équilibre qui préside l’£uvre parfaitement balancée des Tobias, drôle et délicate, terrifiante et enchanteresse, hip et old-school, kitsch et savante. En un mot : carrément envoûtante.

L’EXPO

Rodolphe Janssen représente les frères Tobias en Belgique depuis 2006. Il s’agit de la troisième exposition que leur consacre le galeriste de la rue de Livourne, à Bruxelles. Autant l’écrire tout de suite : c’est une merveille, un authentique coup de c£ur. Les cimaises sont dominées par des £uvres de grand format. Il s’agit de toiles, une nouveauté pour les jumeaux, habitués jusqu’ici à travailler la xylographie sur papier. La texture s’en trouve forcément changée, on est dans quelque chose de plus fibreux, de plus vivant, raccord avec l’univers organique qui se déploie sous nos yeux copieusement sollicités par ces £uvres très longues au regard – comme on dirait d’un vin qu’il est long en bouche. Pour filer la métaphore, elles distillent goutte à goutte leur richesse, leur densité. L’£il se balade, crée des mondes et découvre avec excitation la potentialité narrative de nature franchement surréaliste qui domine ici. Les oiseaux ont des têtes de pomme, les plantes des yeux, les dossiers des chaises un bec. C’est hallucinatoire, onirique, les êtres se métamorphosent, se greffent, s’hybrident, se marient contre-nature. On pense autant à Blanche-Neige aux prises avec la forêt vorace dans le dessin animé de Walt Disney qu’à la phrase de Lautréamont rendue célèbre par André Breton :  » Beau (…) comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie.  » On est dans un conte à la fois macabre et drolatique, les couleurs tutoient la magie, les compositions l’audace. Allez-vous y perdre, vous n’en reviendrez pas.

Gert & Uwe Tobias, galerie Rodolphe Janssen, 35, rue de Livourne, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 26 mai prochain. Tél. : 02 538 08 18.

www.galerierodolphejanssen.be. Également jusqu’au 22 avril au stand de la galerie à Art Brussels, www.artbrussels.be

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

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