A 70 ans, le créateur italien bouillonne toujours de projets : une expo à Tokyo, une chaîne d’hôtels, des parfums précieux et, fin janvier, un premier défilé haute couture. Rencontre.

Sa réussite est totale ; son parcours, exemplaire. Véritable condottiere des podiums italiens, Giorgio Armani peut se targuer de ne pas avoir fléchi dans un univers qui, par définition, est tributaire des sautes d’humeur d’une clientèle souvent imprévisible. Le secret de son succès ? Une vision réaliste de la mode caractérisée par des vêtements intemporels et délibérément portables.

Alors que toute la profession guette aujourd’hui l’heure de sa retraite, l’homme ne s’avoue toujours pas fatigué et nourrit, plus que jamais, une foule de projets. Le plus ambitieux sera dévoilé à Paris dans une poignée d’heures û le 24 janvier très exactement û lors de la prestigieuse semaine de la haute couture où le créateur présentera sa toute nouvelle collection baptisée  » Giorgio Armani Privé « .

En exclusivité pour Weekend Le Vif/L’Express, le maestro de la mode italienne a accepté de faire une pause dans son emploi du temps surchargé et de répondre à nos questions sur ce nouveau défi vestimentaire, mais aussi sur ses autres projets d’envergure et son inévitable succession. Action !

Weekend Le Vif/L’Express : La marque Armani va bientôt fêter ses 30 ans. Vous avez réussi à bâtir un véritable empire : quels sont les secrets d’une telle réussite ?

Giorgio Armani : Nous proposons des vêtements à la mode, pour des hommes et des femmes qui ne sont pas des victimes de la mode. Notre force, c’est de stimuler l’envie du moment tout en offrant une garde-robe qui puisse s’accorder avec ce qu’on a déjà dans son armoire. C’est une certaine forme d’intemporalité, que je revendique et qui est l’une des clés de notre succès. Par ailleurs, et contrairement à beaucoup de marques de luxe, notre priorité a toujours été le vêtement. Aujourd’hui encore, même si nous nous diversifions et si nous avons fortement développé nos lignes d’accessoires et de bijoux, la mode représente plus de la moitié de notre chiffre d’affaires.

Offrir une mode à tous les prix, n’est-ce pas aussi le fondement de votre succès ?

C’est vrai. Même si l’image d’Armani est toujours associée au luxe, nous proposons aujourd’hui une gamme de vêtements particulièrement étendue, avec des premiers prix à moins de 100 euros. Nous avons été parmi les premiers à créer un ensemble de lignes, qui sont aujourd’hui au nombre de cinq. Toutes ont le même esprit mais s’adressent à des clientèles différentes. La locomotive, c’est bien sûr Giorgio Armani, celle que j’ai conçue il y a trente ans et qui représente encore aujourd’hui le mieux mon style et ma philosophie. Il y a ensuite Armani Collezioni, et puis Emporio Armani, et Armani Jeans avec un style plus jeune qui plaît particulièrement aux trentenaires. Enfin, A/X est une ligne de sport vendue, pour le moment, uniquement aux Etats-Unis.

Et vous lancez maintenant une ligne  » couture  » ?

Elle s’appelle  » Giorgio Armani Privé  » et je vais la présenter pour la première fois à Paris le 24 janvier, lors de la Semaine de la haute couture.

Vous n’avez donc pas gardé un mauvais souvenir de Paris ?

Au contraire. C’est l’une de mes villes préférées au monde, et même si l’installation de l’Emporio Armani Caffe, en lieu et place du drugstore Saint-Germain, a fait couler beaucoup d’encre en son temps, c’est aujourd’hui l’une de mes plus belles réussites, celui de mes cafés qui marche le mieux.

N’est-ce pas audacieux d’aborder l’univers de la haute couture en ces temps difficiles ?

Je pense qu’il existe aujourd’hui une clientèle, même restreinte, qui recherche ces sommets du luxe. D’ailleurs, j’ai toujours présenté quelques pièces exceptionnelles dans mes précédents défilés de prêt-à-porter. Principalement des tenues de soirée, avec des broderies sophistiquées et des lignes fluides et sensuelles.

Pouvez-vous nous dévoiler, en avant-première, l’âme de cette collection ?

Elle est inspirée de l’Asie, ancienne et contemporaine ; les dessins sont modernes et les matériaux extrêmement précieux : soieries, tulles, organza, broderies rehaussées d’émaux et de cristal Swarovski.

Vous venez également de lancer une ligne de parfums exclusifs ?

Oui, les parfums Armani/Privé. C’est un projet qui me tenait à c£ur depuis longtemps : une série de quatre fragrances pour hommes et femmes qui représente ce que je crois être le meilleur en matière de pureté, de naturel et de luxe. Ces parfums ne plairont pas à tous, mais ils sauront créer un véritable envoûtement auprès de ceux qui les aimeront. Je pense par exemple à celui qui mêle encens et vétiver. La parfaite émanation d’un souvenir d’enfance : j’avais 7 ans, j’étais à l’église pour ma première communion… L’odeur flotte encore dans ma mémoire.

Haute couture, parfums rares : vous cultivez le glamour. Toujours avec des stars pour icônes ?

Julia Roberts, Michelle Pfeiffer, Richard Gere ou Gwyneth Paltrow… J’ai la chance que les stars, notamment hollywoodiennes, soient fidèles à mon style. Et dans le film  » Aviator  » qui sort en Belgique le 26 janvier, Leonardo DiCaprio porte même notre dernier modèle de lunettes !

Vous avez aussi en projet une chaîne d’hôtels ?

L’année dernière, j’ai signé avec une société de Dubaï un contrat pour la construction de 14 hôtels, lesquels seront bien sûr décorés avec le mobilier Armani Casa. Le premier de ces établissements devrait voir le jour en 2006 et, parmi les implantations prévues, il y a bien sûr Paris.

Parmi les événements 2005, il y a également cette grande exposition au Guggenheim de Tokyo ?

Elle sera inaugurée le 1er avril et fait suite à celles qui se sont tenues aux Guggenheim de New York et de Bilbao. Il s’agit d’une grande rétro- spective présentant 400 modèles, regroupés par univers de couleurs, d’influences ethniques et de contributions au cinéma. Le tout dans une scénographie signée Bob Wilson.

Vous venez de fêter vos 70 ans, n’est-ce pas aussi le moment de préparer votre succession ?

Je ne me sens pas dans la peau d’un septuagénaire. Mes collaborateurs vous le diront, j’ai toujours la même énergie. Pour cela, pas de mystère. Je surveille mon alimentation et je démarre chaque journée par une heure et demie de gymnastique. Néanmoins, mon entreprise emploie 4 500 personnes et je dois penser à l’avenir. Trouver la solution qui permette à Armani de garder son identité. Nous sommes l’une des rares maisons de luxe à avoir conservé son indépendance à 100 %. Tant que je me sentirai jeune, je préserverai farouchement ce privilège. Pas de succession immédiate à l’ordre du jour !

Lydia Bacrie et Marie-Christiane Marek

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