Si le mot porno chic fait fureur c’est grâce – ou à cause – de lui. Tom Ford a redonné une seconde vie à la marque Gucci avant de créer avec succès sa propre griffe et de tourner A Single Man.

Evénement à la Mostra de Venise, A Single Man, le premier film du styliste américain Tom Ford, est présenté en compétition officielle en septembre 2009. L’histoire d’un professeur d’université qui tente de surmonter le deuil de son ami. L’affiche en dit long sur les références du néo-réalisateur texan : l’acteur Colin Firth (photo : avec Julianne Moore), qui joue le rôle principal, apparaît en clone d’Yves Saint Laurent. Même allure, identique coupe de cheveux et similaire paire de Wayfarer sur le nez.

A Single Man n’est pourtant pas un hommage de Tom Ford au couturier français. A la fin des années 90, les deux hommes se sont copieusement détestés durant leur cohabitation houleuse. A cette époque, le jeune Américain, né en 1961, est propulsé directeur artistique du prêt-à-porter au sein de la maison YSL. Un choix imposé par François Pinault, à la tête du groupe PPR qui détient la griffe parisienne. Mais le courant ne passe pas entre les deux créateurs.  » Il était maladivement jaloux de mon succès « , estime Tom Ford qui occupe alors en parallèle le poste de Creative Director pour Gucci. Avant l’arrivée tonitruante du beau gosse, le label italien est mal en point. Tom Ford passe la  » vieille dame  » aux électrochocs. Les collections étaient sages, un peu ennuyeuses, sans style, elles deviennent ultrasexy. Entre glamour et fétichisme, la cure de jouvence est entamée, relayée par un marketing de plus en plus désinhibé. On appelle ça le porno chic. Les pubs shootées par Mario Testino multiplient les poses lascives jusqu’à déclencher un petit scandale en 2003. L’objet d’indignation ? L’image d’un homme agenouillé qui baisse la culotte d’une femme dont le pubis est épilé en forme de  » G « . Tom Ford peut-il aller plus loin dans la provoc ? Non, du moins chez Gucci. Il quitte la société l’année suivante après dix ans de bons et rentables services. Jamais le groupe transalpin n’a gagné autant d’argent, son directeur créatif métamorphosé en golden (play) boy non plus.

Tom Ford crée dans la foulée sa propre marque de prêt-à-porter et d’accessoires, s’associe au groupe Estée Lauder pour une ligne de cosmétiques, lance coup sur coup deux parfums (Black Orchid, Tom Ford for Men) et commercialise des lunettes optiques et solaires qui portent son nom ! Ouf… Point commun de l’arsenal fordien : une com qui recule toujours un peu plus les frontières du bon goût. Pour faire la promo de ses eaux de toilette, il demande à la top russe Tonia Molyavko de poser nue un flacon entre les jambes. On en restera longtemps les yeux écarquillés. Mais les modes sont faites pour passer. Le porno chic n’est plus si chic. Le choc et le bling non plus. Tom Ford lui-même semble un peu lassé de la recette. A 51 ans, il va fêter à Londres le 18 février prochain son premier vrai défilé. For the first time, il autorisera l’entrée aux photographes, journalistes et blogueurs. Avec 100 points de vente dans le monde, et une politique d’expansion de ses flagships, il ne peut plus, dit-il,  » garder ses shows privés « . C’est ce qu’on appelle l’âge de raison.

ANTOINE MORENO

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