C’est une actrice à part qui, au cinéma, a tout joué, tout osé. Aujourd’hui, la plus Parisienne des Brit’s s’éclate sur les planches, apprend à voir venir et rêve de devenir grand-mère. A 55 ans, elle est aussi la femme Lierac en parfaite harmonie avec son âge.

Faites l’essai, juste pour voir. Prononcez son nom et écoutez les réactions. Vous risquez d’attendre pour trouver quelqu’un qui n’en soit pas bleu, qui n’ait pas vibré pour l’un des personnages drôles ou dramatiques incarnés au cinéma surtout, au théâtre un peu, davantage aujourd’hui qu’hier d’ailleurs, elle qui a su, en trente ans de carrière – équitablement partagée entre la France et le Royaume-Uni, entrecoupée de quelques escapades hollywoodiennes -, mettre son talent à l’épreuve des plus grands réalisateurs. Est-ce parce qu’elle cultive comme personne l’art de passer inaperçue quand ça l’arrange et sait se faire rare dans les médias qu’on l’imagine, à tort, discrète et réservée ? D’entrée de jeu, lorsqu’elle nous ouvre la porte de la suite cosy dans laquelle elle reçoit, ce jour-là, quelques journalistes pour parler, un peu, de son nouveau rôle d’égérie pour la gamme de soins anti-âge Premium de Lierac, beaucoup de son parcours pro, de ses projets personnels, aussi, elle lâche une petite vanne caustique, so british. Le second degré, elle adore ça, Dame Kristin. Et elle en use avec délectation dans un français subtil et nuancé, à peine teinté d’un accent. Vêtue d’une blouse claire et d’un pantalon fluide, perchée sur des stilettos qu’elle s’empresse de quitter pour se blottir sans façons dans le canapé, elle a la classe folle de celles qui savent être dans l’instant. Et se moquer des faux semblants.

Cette année, vous avez été anoblie par la reine Elisabeth II d’Angleterre…

Cela m’a fait un drôle d’effet ! J’ai d’abord cru que c’était une blague. Je sortais d’un déjeuner et je reçois sur mon portable un message de mon agent disant :  » Ils veulent faire de toi une Dame.  » Je lui texte en retour :  » Ah, ah, ah !  » Un mois plus tard, elle me demande :  » Mais tu veux le recevoir ce titre, ou pas ?  » Je suis tombée des nues en comprenant que c’était vrai ! Je me suis demandé ce que j’avais fait pour mériter cela. Puis je me suis laissée aller au plaisir de la nouvelle et j’ai trouvé ça génial !

Comment s’est passée la rencontre avec celle que vous incarniez au théâtre dans la pièce de Peter Morgan, The Audience ?

C’était terrible ! Je savais qu’elle savait que je la jouais sur scène. Mais je n’avais aucune idée de ce qu’elle en pensait ! Quand est venu mon tour de m’entretenir avec elle, elle m’a poliment demandé sur quoi je travaillais à ce moment-là. Je lui ai répondu :  » Majesté, je fais semblant d’être vous !  » Elle a levé les yeux au ciel en soupirant :  » Ah, dans « cette » pièce.  » C’est tout !

Quelle impression cela fait-il d’être appelée Dame Kristin ?

J’adore ! Ça ne m’arrive que très rarement malheureusement (rires). Bon, ça dépend aussi de qui s’adresse à vous de cette manière. Mais c’est vachement sympa.

Vous vous souvenez encore de ce qui vous a donné envie de devenir actrice ?

Je voulais être sainte ! Enfant, j’étais dans une école de bonnes soeurs, des Belges d’ailleurs ! Au mur, il y avait un tableau de sainte Thérèse. Elle me fascinait. Je suis devenue actrice à la place.

C’est une autre manière d’être sanctifiée, par certains en tout cas !

On peut dire ça. C’est nettement plus facile au quotidien et ça fait moins mal !

Vous avez assuré à plusieurs médias récemment qu’il n’y avait plus de place pour vous dans le cinéma. Ce n’est quand même pas ferme et définitif ?

Je refuse désormais de faire des films pour faire des films. La vie est trop courte ! Si l’on me propose un rôle intéressant, j’accepterai avec plaisir. Mais je n’ai plus envie de m’acharner. Je gagne moins bien ma vie au théâtre mais j’adore ça. Je suis plus heureuse sur les planches que sur un plateau de tournage.

Qu’est-ce qui vous plaît tant que cela dans le théâtre ?

Tout le travail de recherche que l’on fait en amont. La découverte du personnage, le plaisir d’essayer des choses, c’est très vivant. Au cinéma, c’est un peu plus plat. On est beaucoup plus libre au théâtre. Et puis, pendant le tournage, votre job c’est avant tout de fournir de la matière première au metteur en scène. Ce n’est pas vous qui faites le film ! C’est plus difficile de se laisser emporter dans l’histoire, de croire dans le destin des personnages, à moins de faire partie d’une petite production. Dans ce cas-là, c’est plus collaboratif, on s’investit forcément davantage. Au théâtre, c’est très souvent comme cela que cela se passe. Je travaille le plus souvent avec le même metteur en scène, la même productrice. La troupe est un peu comme une famille.

Pensez-vous que l’actrice de cinéma attire une partie du public qui vient vous voir sur scène ?

C’est peut-être le cas d’une petite partie des spectateurs. Je crois que les gens qui vont au théâtre viennent voir un spectacle complet. On ne se farcit pas une pièce entière – cela peut devenir prodigieusement ennuyeux – juste pour voir de près un acteur connu !

La beauté du théâtre n’est-ce pas justement qu’un jour n’est jamais l’autre ?

Evidemment ! Certains publics sont très très étranges. Le vendredi, c’est un peu mou, c’est le soir que choisissent les femmes pour emmener leurs maris au spectacle. Ils ont eu une dure semaine, ils sont crevés, ils ont bu un verre au bar avant la représentation, ils sont tous un peu assoupis et pour nous, c’est forcément plus laborieux. Les samedis et les jeudis sont plus joyeux. Et puis, il y a les matinées, avec les scolaires – parfois cauchemardesques – ou les personnes âgées qui portent presque toutes des appareils auditifs ! Ça grince ces trucs-là ! Un jour où je jouais la reine Elisabeth II, il y en avait tellement, cela faisait comme un orchestre de sonotones qui sifflaient de partout. Toute la troupe était au bord du fou rire.

Quand on regarde tout ce que vous avez accompli dans votre carrière, ça donne le tournis ! Comment avez-vous fait pour passer avec une apparente facilité d’un genre à l’autre, du cinéma anglais au français avec stops par Hollywood en prime ?

C’est une question d’équilibre. J’ai rarement tourné deux films dramatiques d’affilée. J’aime l’idée de l’alternance, même dans la langue. C’est aussi une question de moment : on peut avoir envie ou non d’exprimer certaines émotions. A la dernière Mostra de Venise, Tilda Swinton a bien résumé ce sentiment à l’occasion de la sortie d’A Bigger Splash, dans lequel elle incarne un personnage muet. Elle a dit :  » Ça tombait à pic parce qu’à l’époque du tournage, je n’avais pas envie de parler !  » Lorsque l’on s’engage pour un film, on lui donne trois à quatre mois de sa vie. Mieux vaut avoir vraiment envie d’y aller.

Qu’est-ce qui donne envie, d’ailleurs ?

Le personnage avant tout ! On se projette dedans, on se demande ce que cela ferait d’être dans sa peau.

Est-ce plus aisé pour vous de dire non aujourd’hui parce que vous savez mieux ce que vous voulez ou ne voulez pas ?

D’une certaine manière, c’est plus facile, parce que je suis plus certaine de mes goûts. En revanche, les rôles sont plus rares, donc la peur est là de louper le bon. Mais je refuse cette pression. Quand j’étais jeune actrice, on me proposait tout et n’importe quoi. La difficulté, c’était de faire le tri. Maintenant, je me demande simplement si je veux travailler ou pas. Ce n’est pas que je n’ai plus envie mais ce n’est plus le moteur de mon existence. C’est normal à mon âge, non ? Je me donne le droit d’être plus sélective ou de faire carrément autre chose.

Comme quoi par exemple ?

Rien (rires) ! Je voudrais être grand-mère mais ça ne dépend pas de moi ! Pendant ces deux dernières années, tout était programmé. Je me sens enfin un peu libre. Cela peut parfois paraître angoissant. Mais là, j’aime ça.

Vous avez parlé de choix tout à l’heure. Qu’est-ce qui vous a plu dans l’idée de devenir le visage de la ligne de soin anti-âge Premium de Lierac ?

De nombreuses marques m’envoient des produits, il y a ce que je garde et puis surtout ce que je donne à ma mère, ma soeur, mes copines. C’est agréable. Je peux faire plaisir et puis je peux tout essayer. Un jour, j’étais à court du soin que j’utilisais jusque-là. Je venais de recevoir un pot de Premium de Lierac. Je me suis laissé tenter. Et j’ai trouvé cette crème géniale. Je la recommandais à tout le monde, et voilà que mon agent m’appelle pour me parler d’une proposition de cette marque. J’étais ravie ! Je vous le jure, cela s’est passé comme cela…

Etes-vous une beauty addict ?

J’aime prendre soin de moi… mais sans plus. Tout cela doit rester simple. S’il faut appliquer plein de couches de crèmes diverses et variées, ça m’ennuie vite. En plus, je sais bien que les promesses qui se trouvent sur les emballages ne sont pas toujours tenues. Ici, on ne me fait pas croire que mon visage va être lifté, que je vais paraître d’un seul coup dix ans de moins. En revanche, ma peau est plus douce, plus souple, le parfum est agréable, mes enfants ont envie de m’embrasser. Que demander de plus ?

Vous venez d’avoir 55 ans. Un cap qui compte ?

Celui de la trentaine a été bien pire ! Je détestais avoir 30 ans. Par contre, 40, j’ai plutôt trouvé cela sexy. Et 50, c’était carrément la fête ! Ça a dopé ma confiance en moi. Je me sentais très bien, tout à coup.

Vous autorisez-vous plus de choses qu’avant ?

Dire non, comme je l’ai déjà dit. Et faire des choses pour moi. Je me fais des cadeaux. Le dernier, c’était un canapé. Quand j’ai déménagé à Londres, j’en avais tellement marre de vivre à l’hôtel ou dans les meubles des autres que j’ai décidé de louer un appartement vide, pour une fois, et de créer mon chez-moi avec mes affaires… Mais je n’avais pas de canapé. J’ai même fait les choses à l’envers et choisit le sofa avant de trouver le lieu qui allait avec !

Estimez-vous que vous avez eu de la chance ?

Enormément ! Je suis née en 1960, c’était une époque de révolutions, de nouveautés, la violence était là – j’ai grandi avec les menaces terroristes de l’IRA en toile de fond – mais pas comme aujourd’hui. En même temps, je me dis que c’est un truc qui arrive avec l’âge : on se retrouve à 50 ou 60 ans et on commence à s’angoisser pour ses enfants. Ce qui m’inquiète, c’est qu’il y a cinq ou six ans, mes fils et ma fille ne ressentaient pas la peur. Mais là, tout est en train de changer. Ma fille est journaliste, elle vit ce qui se passe dans le monde de plein fouet.

D’ailleurs, lorsque vous êtes venue en France, vous ne vous êtes pas trop posé de questions…

Je n’imaginais pas que j’allais y passer trente-quatre ans ! Ma meilleure amie était française. Je suis venue la voir lorsque je me suis fait virer de l’école de théâtre à Londres. J’avais 19 ans. Je flottais un peu. Paris me paraissait safe. J’étais là pour deux semaines. Mais j’ai trouvé un boulot de jeune fille au pair, je me suis inscrite dans un cours de théâtre. Et après, après… Maintenant je me fonds dans le paysage.

Si vous ne deviez garder qu’un seul souvenir de cinéma, ce serait…

Le Patient anglais ! Toute l’expérience. Et bien sûr le résultat, ce qui est formidable, car le film fini n’est pas toujours à la hauteur de ce que l’on a vécu. Le tournage était parfois pénible mais exaltant. J’ai rencontré des gens exquis – le réalisateur Anthony Minghella, le producteur Saul Zaentz, l’auteur du roman Michael Ondaatje -, j’ai appris tellement. Aujourd’hui, je sais très bien  » faire mon métier  » dans le sens où je sais où je dois me mettre sur un plateau, comment bien prendre la lumière, c’est devenu comme une seconde nature. Mais cela n’enlève jamais le trac, la flamme qui peut vous animer lorsque vous vous retrouvez devant la caméra de quelqu’un pour la première fois.

PAR ISABELLE WILLOT

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