Grande sour et bons petits plats

Juliette Nothomb, 45 ans, sour aînée de l’écrivain à succès, accommode délicatement ses deux passions : les mots et les mets. Résultat : des humeurs en forme de prose goûteuse à savourer chaque semaine dans  » Bouchées à la Juliette « , la nouvelle chronique gourmande de Weekend. Rencontre en Gaume profonde, dans la maison de campagne familiale.

Entre Noël et Nouvel An, l’autoroute des Ardennes nous appartient. La guigne ne guette pas : soleil roi, champs givrés à perte de vue et au bout du chemin, sortie 29, Habay-la-Neuve, une petite maison rose bonbon comme un ciel de Saint-Nicolas. Dedans, une déco de bric et de broc émaillée de souvenirs des quatre coins du monde : mobilier thaïlandais, bibelots japonais et bangladais, gravures d’Italie. Et puis des amoncellements de livres, du living à la buanderie, des chambres aux toilettes. Lettres et bourlingue. Bienvenue dans le refuge de la famille Nothomb : Patrick et Danièle, anciens ambassadeurs de Belgique au Canada, en Chine, aux Etats-Unisà et leurs enfants. André, le fils aîné, deux mariages, sept fois père, expatrié en Corée du Sud. Les deux filles, Juliette, lyonnaise par alliance depuis dix ans et Amélie, parisienne de profession. Sans oublier les 4 chiens,  » dont tout le monde est gaga au superlatif « .

La tribu a appris à vivre avec les départs et l’éloignement au gré des affectations du père diplomate. Elle sait la valeur des retrouvailles.  » Trois fois par an. C’est sacré « , indique Juliette, petite robe brune cachée sous un tablier du siècle dernier. Juliette, c’est le cordon bleu attitré du clan. Elle a regardé faire sa mère, habituée à mitonner  » de grands repas protocolaires « . Eduquée à la cuisine du monde, elle s’est frottée  » en Chine, au Japon, à toutes sortes de produits bizarres « . Elle en a gardé une curiosité naturelle pour  » toutes les gastronomies « . Quand Juliette voyage, c’est d’abord à travers le prisme des spécialités locales :  » Je fais du tourisme culinaire « .

Les repas de fête, on s’en doute, elle n’y coupe jamais. Sans s’en plaindre : les fourneaux, elle adore ça. Nous aussi : aaah, ses petits sablés bretons trempés dans le thé brûlant…  » A chaque fois, les vacances sont unrégal. C’est du 4 à 5-étoiles, midi et soir « , s’enthousiasme son père, qu’on devine du camp des gourmands.  » Comme toute la famille, très portée sur les choses de la bouche « , confirme la mère de cet accent si particulier, à la fois belge et altier, confondant de similitude avec celui de ses deux filles.

Deux s£urs indéfectiblement liées.  » Un peu jumelles « , dit leur mère.  » C’est ma meilleure amie, complète Juliette. Petites, on devait souvent déménager, tout quitter. On s’est solidarisée pour affronter ce traumatisme enfantin. D’où cet amour vraiment très profond qui nous unit.  » D’où La Cuisined’Amélie. 80 recettes de derrière les fagots, un premier livre de cuisine tendre et déjanté, paru récemment chez Albin Michel. Où Juliette raconte à travers les mets qui font le délice de la romancière toute l’affection qu’elle lui porte ( voir Weekend Le Vif / L’Express du 28 novembre dernier). Mièvre ? C’est mal connaître l’auteur, qui manie l’humour au couteau à la faveur d’un vocabulaire chiadé et délicieusement suranné, héritage évident de ses études en langues romanes. Un recueil qui dose fantaisie et rigueur, approche décomplexée et respectueuse du produit. Qui donne envie de s’en mettre partout dignement, de se lécher les doigts avec classe. Comme sa chronique inaugurale (voir en page 55), c’est bien torché, mine de rien, doucement impertinent, drôle. A son image :  » Jalouse de ma s£ur ? Pourquoi le serais-je ? La jalousie, c’est fatigant. Ce n’est pas que j’ai une belle âme, je suis trop paresseuse. Tandis qu’admirer, c’est un plaisir.  »

Baudouin Galler

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