GRANDS BATTEMENTS

Elle a travaillé sur plusieurs défilés de Jean Paul Gaultier ou encore avec Beyoncé, pour H&M. La chorégraphe andalouse débarque le 9 octobre prochain à Bruxelles avec Robot !, une fantaisie futuriste où les automates mènent la danse. Portrait d’une brillante touche-à-tout.

Blanca Li est un esprit libre dans un corps libre. A 50 ans, l’ex-gymnaste formée à la danse par Martha Graham (1894-1991) à New York, est craquante de charme et de vitalité. Auteur d’une dizaine de pièces dont Robot !, présentée pour la première fois en Belgique cet automne à l’espace Wolubilis, à Woluwe-Saint-Lambert, elle a aussi collaboré avec Pedro Almodóvar, Gorillaz, Beyoncé (pour H&M) ou Jean Paul Gaultier dont elle a signé la chorégraphie des récents défilés. Devant un café au lait à deux pas de la tour Eiffel, elle nous parle de son univers, avec sa voix rauque et son délicieux accent. Tonique, évidemment.

Robot !, Wolubilis, 1, cours Paul-Henri Spaak, à 1200 Woluwe-Saint-Lambert. www.wolubilis.be Du 9 au 11 octobre prochain.

ROBOT !

 » L’idée de ce spectacle m’est venue de notre quotidien. Nous sommes de plus en plus entourés de machines qui nous remplacent. Regardez dans les aéroports, dans les supermarchés. Les androïdes vont faire pleinement partie de notre vie, c’est une évolution naturelle. Demain, il y aura des robots de compagnie à bas prix qui coûteront la même chose qu’un iPhone. Ce n’est pas forcément négatif. On a de moins en moins envie de faire certaines choses, pourquoi ne pas le confier à des automates ?  »

UN ESPACE DE JEU

 » On dit que je fais des spectacles populaires qui s’adressent à tous les publics. Je ne pense pas en ces termes-là. Mon inspiration vient de la rue. Les gens se sentent proches de ce que je raconte car cela correspond au monde dans lequel ils vivent. On habite la même planète. J’aime partager, c’est ma nature. Je n’ai pas besoin de silence ou d’ordre. La porte de mon studio est toujours ouverte pendant les répétitions. La danse, c’est un espace de jeu.  »

LE MAUVAIS GOÛT

 » En Espagne, on n’a pas peur de rigoler de nous-mêmes. On peut être ridicule, il n’y a pas de problème. Si tu bois une nuit et que tu es complètement stupide, le lendemain personne ne te jugera. Dans mes spectacles, je me lâche, je ne crains pas d’aller dans l’excès. Pour certains, c’est peut-être du mauvais goût, pas pour moi !  »

GRENADE

 » Je suis née à Grenade, la lumière y est incroyable. J’ai grandi dans un environnement esthétique privilégié car c’est une ville d’une splendeur extraordinaire. J’ai toujours habité dans des endroits entourés de beauté. C’est important pour moi. Le gris du ciel m’affecte. Cela doit être culturel. Mon goût pour les couleurs vient peut-être de là.  »

ÊTRE ARTISTE

 » Quand j’ai débarqué à 17 ans à New York, j’ai été femme de ménage et serveuse dans un restaurant pour pouvoir payer mes cours de danse. Pour maintenir ma compagnie, je suis prête à tout. Etre artiste, ce n’est pas une profession, c’est un besoin.  »

 » LA CRISE  »

 » On nous bombarde depuis des années avec ce mot, c’est insupportable. La crise ne peut pas être une excuse pour ne pas faire les choses. Ça plombe tout le monde. On doit continuer, même dans la contrainte. Quand un directeur de théâtre me dit « on n’a plus d’argent, on ne peut pas t’aider », je me pose des questions. Moi, je ne peux pas dire à ma compagnie  » Désolée, on ne fait rien puisque c’est la crise « .

VERS LES AUTRES

 » La danse est un art abstrait qui permet d’aller vers les autres arts, que ce soit le cinéma, l’opéra, le théâtre, tout est possible. Quand je travaille pour moi, je ne fais aucune concession mais quand je travaille pour les autres, comme pour Pedro Almodóvar dans Les amants passagers, ou récemment pour le groupe Coldplay, c’est autre chose. Je suis à leur service. Ces collaborations m’amusent et m’enrichissent. Elles me donnent des idées pour mes propres projets.  »

L’EFFET MOVIDA

 » J’avais 11 ans quand Franco est mort. L’Espagne est alors passée de quarante ans de répression à une liberté totale. La Movida, c’était « faites ce que vous voulez ! » Les portes se sont ouvertes d’un coup. Nous étions comme fous. Pour nos parents, c’était différent. Même après la fin de la dictature franquiste, ils ont gardé la crainte de parler librement de politique et de religion. C’était compliqué chez moi car une partie de ma famille était du côté des nationalistes et une autre du côté des républicains. J’avais deux visions très opposées.  »

ÉTIENNE LI, LE PILIER

Je vis depuis trente ans avec un mathématicien (NDLR : Etienne Li dont Blanca a pris le nom) qui est très impliqué dans le fonctionnement de ma compagnie. C’est quelqu’un d’ultralogique, tout mon contraire ! (rires). Il trouve toujours une solution aux problèmes, c’est hallucinant. On dirait que le monde n’a pas de secret pour lui. Je lui dois beaucoup. Moi, je décolle et lui me ramène à la réalité. Il est mon pilier.  »

PAR ANTOINE MORENO

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